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par Vincent Vantighem
le 21 Mars 2023
On connaissait bien Wimbledon ou Roland-Garros. Et même Monte-Carlo ou Bâle pour les plus passionnés. Mais la petite ville d’Audenaerde, abritant 30 000 habitants dans la province néerlandophone de Belgique, n’était pas connue pour être l’une des étapes incontournables de la planète tennis. Elle va incontestablement le devenir. Vendredi 24 mars, c’est là-bas que sept joueurs de tennis belges, parmi lesquels un ancien ayant participé à la Coupe Davis, vont être jugés pour un vaste scandale de matchs truqués. L’affaire aurait pu rester cantonnée aux gazettes du plat pays. Seulement voilà, la martingale était si importante qu’elle a concerné pas moins de sept pays (Bulgarie, Slovaquie, Allemagne, Pays-Bas, États-Unis, Belgique donc et même la France) durant la période 2018-2019.
Au total, 28 personnes doivent comparaître pour des faits présumés de fraude. Le dossier aurait dû être jugé vendredi dernier. Mais l’un des avocats a obtenu un renvoi, invoquant un problème « d’inventaire des pièces ». Pour résumer, autant se référer à ses propos : « C’est le fouillis votre dossier », a-t-il lancé au président, selon des propos rapportés par l’agence de presse Belga. L’affaire n’est pas en état d’être jugée... Le fameux président en a convenu, réclamant un délai d’une semaine pour remettre de l’ordre dans ses papiers. S’il n’y parvient pas, il n’est pas dit que l’affaire ne sera pas, une nouvelle fois, repoussée.
Mais si elle se tient bien, elle devrait plonger ce petit tribunal correctionnel dans une sombre affaire de paris truqués. Au centre du viseur figure un Arménien, aujourd’hui âgé de 32 ans et arrêté à Bruxelles en juin 2018. Il s’appelle Grigor Sargsyan. Mais dans le milieu, tout le monde le surnommait « Le Maestro ». Selon l’accusation, il est soupçonné d’avoir mis en place un système de fraude en étant en contact « avec un réseau international de 181 joueurs » dans le but de manipuler des matchs.
Des joueurs de seconde zone ciblés
On ne parle pas ici d’une finale ayant opposé Roger Federer à Novak Djokovic. Ou encore d’une hypothétique victoire de Richard Gasquet sur Rafaël Nadal, en vertu de son revers de « petit Mozart » du tennis. Mais bien de matchs de deuxième classe. De compétitions professionnelles des circuits secondaires, et notamment des tournois dits « Futures », où les caméras sont souvent absentes et où les joueurs s’affrontent autant pour la gloire que pour leur survie financière.
Dans les faits, les joueurs étaient approchés pour perdre un match, un set voire même un seul jeu, en se conformant, contre rétribution, à un résultat fixé à l’avance par les têtes du réseau. Simple comme bonjour. Car, dans le même temps, des paris étaient lancés massivement sur ces matchs par des « petites mains » obéissant aux ordres du « Maestro ». Afin de multiplier des petits gains comme d’autres l’ont fait, en leur temps, avec des pains. En contrepartie, les joueurs soudoyés pouvaient toucher des sommes allant de 300 à 4 000 euros. Une broutille lorsque l’on voit les « money prizes » des tournois majeurs. Mais une vraie somme pour les « smicards » du circuit, souvent obligés de débourser des sommes folles pour participer à une compétition à l’autre bout du monde et dont les gains maximum espérés ne peuvent pas couvrir les frais.
Inconnus dans les profondeurs du classement ATP, certains joueurs voyaient ainsi, là, une façon assez simple de remplir un peu leur cagnotte et de pouvoir poursuivre leur carrière avec l’espoir fou de percer un jour. C’est ainsi que la seule procédure belge concerne « au moins 375 matchs manipulés », selon l’accusation.
La Fédération française de tennis partie civile
On l’a dit : cette affaire ne se limite pas aux terres outre-Quiévrain. En France, le parquet national financier a, lui-aussi, ouvert une enquête préliminaire, en 2019, visant des faits de corruption sportive, association de malfaiteurs et corruption en bande organisée. Des investigations qui ont conduit à l’interpellation de plusieurs joueurs français.
Des joueurs dont vous n’avez sans doute jamais entendu parler. Mais, tels que Jules Okala, ex-338ème joueur mondial, ou Mick Lescure, ex-487ème joueur mondial, qui ont depuis été interdits de toute compétition sportive à vie car ils ont été reconnus coupables d’avoir truqué respectivement sept et huit matchs.
Afin d’être tenue au courant de l’enquête, et éventuellement informée de l’implication d’autres joueurs français, la Fédération française de tennis (FFT) s’est constituée partie civile dans le dossier belge. Une façon d’anticiper un peu ce que pourrait donner la procédure ouverte par le parquet national financier et faire en sorte que le monde de la petite balle jaune puisse, un jour, rebondir.
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