Réf. : Cass. civ. 3, 18 janvier 2023, n° 21-16.666, FS-B N° Lexbase : A605588R
Lecture: 4 min
N4113BZD
Citer l'article
Créer un lien vers ce contenu
par Anne-Lise Lonné-Clément
le 31 Janvier 2023
► Une demande d'indemnisation du préjudice résultant d'une éviction partielle, fondée sur les articles 1636 et 1637 du Code civil, n'est pas nouvelle en appel, dès lors que les acquéreurs avaient formé, en première instance, des demandes fondées sur les articles 1625, 1626 et 1630, tendant à l'exercice du même droit, à savoir la mise en jeu de la garantie légale du vendeur.
Faits et procédure. En l’espèce, le 6 juillet 2010, des acquéreur ont acquis une maison avec jardin moyennant le prix de 293 000 euros. Le 5 janvier 2011, la direction départementale des territoires et de la mer leur a enjoint de libérer une bande de terrain de 28 m², le long du canal Saint-Joseph, appartenant au domaine public maritime, l'arrêté d'autorisation d'occupation étant expiré depuis le 11 juillet 2007.
Des constructions annexes à la maison avaient été édifiées par les vendeurs pour partie sur cette parcelle du domaine public maritime, sur laquelle empiétait également le mur de clôture.
Les acquéreurs ont assigné les vendeurs en annulation de la vente sur le fondement des articles 1625 N° Lexbase : L1027ABN, 1626 N° Lexbase : L1728ABM et 1630 N° Lexbase : L1732ABR du Code civil, en remboursement des frais engagés sur l'immeuble depuis son acquisition, et en paiement de dommages et intérêts.
Par arrêt du 14 mars 2019, la cour d'appel de Montpellier a ordonné la réouverture des débats et invité les acquéreurs, leur éviction portant sur partie de la chose vendue, à conclure au regard des dispositions des articles 1636 N° Lexbase : L1738ABY et 1637 N° Lexbase : L1739ABZ du Code civil ainsi que sur les conséquences découlant de l'option choisie quant à leurs demandes chiffrées.
Dans ses conclusions récapitulatives d'appel, la coacquéreuse agissant à titre personnel et en qualité d'héritière de son coacquéreur décédé, a renoncé à sa demande d'annulation de la vente et sollicité l'indemnisation du préjudice résultant de l'éviction partielle du bien acquis le 6 juillet 2010.
Les vendeurs ont soulevé une fin de non-recevoir prise de la nouveauté des demandes en appel.
Sur la nouveauté des demandes en appel. La cour d’appel de Montpellier a estimé que la demande n’était pas nouvelle en appel (CA Montpellier, 3e ch. civ., 11 mars 2021, n° 15/01870 N° Lexbase : A79214KL). Les vendeurs ont formé un pourvoi. En vain. Le moyen soulevé par les vendeurs est jugé non fondé par la Cour suprême. Elle approuve en effet la décision de la cour d'appel, qui avait relevé que la demande présentée en première instance sur le fondement des articles 1625, 1626 et 1630 du Code civil tendait à l'indemnisation, par le vendeur, de l'éviction, et qui ayant constaté qu'en exécution de l'arrêt avant dire droit du 14 mars 2019, l'acquéreur sollicitait des dommages et intérêts au titre du préjudice subi du fait de l'éviction, comme les articles 1636 N° Lexbase : L1738ABY et 1637 N° Lexbase : L1739ABZ du Code civil lui en offraient la possibilité en cas d'éviction partielle, en avait exactement déduit, dès lors que cette demande tendait à l'exercice, conformément aux dispositions applicables, du même droit qu'en première instance, à savoir la mise en jeu de la garantie légale du vendeur, que la demande n'était pas nouvelle en appel.
Sur l’évaluation de l’indemnisation de l’éviction. Les vendeurs faisaient grief à l'arrêt de les condamner à payer à l'acquéreur la somme de 80 000 euros au titre de la valeur de la partie dont elle se trouve évincée.
Ils faisaient notamment valoir que, selon l'article 1637 du Code civil N° Lexbase : L1739ABZ « si, dans le cas de l'éviction d'une partie du fonds vendu, la vente n'est pas résiliée, la valeur de la partie dont l'acquéreur se trouve évincé lui est remboursée suivant l'estimation à l'époque de l'éviction, et non proportionnellement au prix total de la vente, soit que la chose vendue ait augmenté ou diminué de valeur ». Ils soutenaient alors qu'en déduisant la valeur de la partie évincée de la différence entre la valeur du bien avant l'éviction (300 000 euros) et celle du bien resté en possession des acquéreurs après l'éviction (220 000 euros), quand une telle différence n'enseigne en rien sur la valeur intrinsèque de la partie dont l’intéressée était évincée, la cour avait privé sa décision de base légale au regard de l'article 1637 du Code civil.
Mais l’argument est écarté par la Haute juridiction qui valide le raisonnement de la cour d’appel : l'indemnité devant être appréciée au regard non des caractéristiques du bien qui justifient l'éviction mais de sa désignation lors de la vente, la cour d'appel, qui n'a pas procédé à une évaluation proportionnelle au prix total de la vente, a souverainement fixé la valeur de la partie du fonds dont l'acquéreur a été évincé.
© Reproduction interdite, sauf autorisation écrite préalable
newsid:484113