Jurisprudence : Cass. civ. 3, 18-01-2023, n° 21-16.666, FS-B, Rejet

Cass. civ. 3, 18-01-2023, n° 21-16.666, FS-B, Rejet

A605588R

Référence

Cass. civ. 3, 18-01-2023, n° 21-16.666, FS-B, Rejet. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/92401557-cass-civ-3-18012023-n-2116666-fsb-rejet
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Abstract

Une demande d'indemnisation du préjudice résultant d'une éviction partielle, fondée sur les articles 1636 et 1637 du code civil, n'est pas nouvelle en appel, dès lors que les acquéreurs avaient formé, en première instance, des demandes fondées sur les articles 1625, 1626 et 1630, tendant à l'exercice du même droit


CIV. 3

MF


COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 18 janvier 2023


Rejet


Mme TEILLER, président


Arrêt n° 72 FS-B

Pourvoi n° Z 21-16.666


R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 18 JANVIER 2023


1°/ M. [E] [W],

2°/ Mme [H] [U], épouse [W],

domiciliés tous deux [Adresse 3],

ont formé le pourvoi n° Z 21-16.666 contre l'arrêt rendu le 11 mars 2021 par la cour d'appel de Montpellier (3e chambre civile), dans le litige les opposant :

1°/ à Mme [Y] [X], veuve [J], domiciliée [Adresse 2], prise tant en son nom personnel qu'en qualité d'héritière de [S] [J], décédé le 2 octobre 2019,

2°/ à la société Boix immoblier, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 5],

3°/ à la société Tetu-Audran-Tost Vermogen, société civile professionnelle, dont le siège est [Adresse 4], Notaire,

4°/ à la société Allianz IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1],

5°/ à M. [M] [Aa], domicilié [… …], pris en qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société Annbervel Immobilier, exploitant sous l'enseigne Espace immobilier,

défendeurs à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.


Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Farrenq-Nési, conseiller, les observations de la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, avocat de M. et Mme [W], de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de Mme [J], et l'avis de Mme Ab, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 6 décembre 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Farrenq-Nési, conseiller rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, MM. Jacques, Boyer, Mme Abgrall, conseillers, Mme Djikpa, M. Zedda, Mmes Brun, Vernimmen, conseillers référendaires, et Mme Besse, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire🏛, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Désistement partiel

1. Il est donné acte à M. et Mme [W] du désistement de leur pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société Boix immobilier, la société civile professionnelle Tetu-Audran-Tost Vermogen, la société Allianz IARD et M. [O].


Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier,11 mars 2021), le 6 juillet 2010, M. et Mme [Ac] (les acquéreurs) ont acquis de M. et Mme [W] (les vendeurs) une maison avec jardin moyennant le prix de 293 000 euros.

3. Le 5 janvier 2011, la direction départementale des territoires et de la mer leur a enjoint de libérer une bande de terrain de 28 m², le long du canal Saint-Joseph, appartenant au domaine public maritime, l'arrêté d'autorisation d'occupation étant expiré depuis le 11 juillet 2007.

4. Des constructions annexes à la maison avaient été édifiées par les vendeurs pour partie sur cette parcelle du domaine public maritime, sur laquelle empiétait également le mur de clôture.

5. Les acquéreurs ont assigné les vendeurs en annulation de la vente sur le fondement des articles 1625, 1626 et 1630 du code civil🏛🏛🏛, en remboursement des frais engagés sur l'immeuble depuis son acquisition, et en paiement de dommages-intérêts.

6. Par arrêt du 14 mars 2019, la cour d'appel de Montpellier a ordonné la réouverture des débats et invité les acquéreurs, leur éviction portant sur partie de la chose vendue, à conclure au regard des dispositions des articles 1636 et 1637 du code civil🏛🏛 ainsi que sur les conséquences découlant de l'option choisie quant à leurs demandes chiffrées.

7. Dans ses conclusions récapitulatives d'appel, Mme [J], agissant à titre personnel et en qualité d'héritière de [S] [J], décédé, a renoncé à sa demande d'annulation de la vente et sollicité l'indemnisation du préjudice résultant de l'éviction partielle du bien acquis le 6 juillet 2010.

8. Les vendeurs ont soulevé une fin de non-recevoir prise de la nouveauté des demandes en appel.


Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en ses première et deuxième branches, et sur le second moyen, ci-après annexés

9. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile🏛, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

10. Les vendeurs font grief à l'arrêt de déclarer l'acquéreur recevable en sa demande de règlement de la valeur de la partie évincée, alors « qu'en considérant que la demande nouvelle en cause d'appel, tendant à obtenir une indemnisation sur le fondement de la garantie d'éviction due par le vendeur n'était pas irrecevable, quand les époux [J] demandaient l'annulation de la vente en première instance, peu important qu'ils aient, au soutien de cette demande d'annulation, invoqué les dispositions des articles 1625 et suivants du code civil🏛, la cour d'appel a violé l'article 564 du code de procédure civile🏛. »


Réponse de la Cour

11. La cour d'appel a relevé que la demande présentée en première instance sur le fondement des articles 1625, 1626 et 1630 du code civil🏛🏛🏛 tendait à l'indemnisation, par le vendeur, de l'éviction.

12. Ayant constaté qu'en exécution de l'arrêt avant dire droit du 14 mars 2019, l'acquéreur sollicitait des dommages et intérêts au titre du préjudice subi du fait de l'éviction, comme les articles 1636 et 1637 du code civil🏛🏛 lui en offraient la possibilité en cas d'éviction partielle, la cour d'appel en a exactement déduit, dès lors que cette demande tendait à l'exercice, conformément aux dispositions applicables, du même droit qu'en première instance, à savoir la mise en jeu de la garantie légale du vendeur, que la demande n'était pas nouvelle en appel.

13. Le moyen n'est donc pas fondé.


Sur le premier moyen, pris en ses quatrième et cinquième branches

Enoncé du moyen

14. Les vendeurs font grief à l'arrêt de les condamner à payer à l'acquéreur la somme de 80 000 euros au titre de la valeur de la partie dont elle se trouve évincée, alors :

« 4°/ qu'un bien faisant partie du domaine public est inaliénable, n'a donc pas de prix, et n'a donc pas de valeur au sens de l'article 1637 du code civil🏛 ; qu'en allouant à Mme [Ac] la somme de 80 000 euros, au titre de la valeur de la partie dont elle se trouve évincée, alors que la parcelle dont elle était évincée faisait partie du domaine public, ce dont il résultait qu'elle n'avait pas de valeur au sens de l'article 1637 du code civil🏛, la cour a violé ce texte par fausse application ;

5°/ que selon l'article 1637 du code civil🏛 si, dans le cas de l'éviction d'une partie du fonds vendu, la vente n'est pas résiliée, la valeur de la partie dont l'acquéreur se trouve évincé lui est remboursée suivant l'estimation à l'époque de l'éviction, et non proportionnellement au prix total de la vente, soit que la chose vendue ait augmenté ou diminué de valeur ; qu'en déduisant la valeur de la partie évincée de la différence entre la valeur du bien avant l'éviction (300 000 euros) et celle du bien resté en possession des époux [J] après l'éviction (220 000 euros), quand une telle différence n'enseigne en rien sur la valeur intrinsèque de la partie dont Mme [J] était évincée, la cour a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1637 du code civil🏛. » Réponse de la Cour

15. L'indemnité devant être appréciée au regard non des caractéristiques du bien qui justifient l'éviction mais de sa désignation lors de la vente, la cour d'appel, qui n'a pas procédé à une évaluation proportionnelle au prix total de la vente, a souverainement fixé la valeur de la partie du fonds dont l'acquéreur a été évincé.


16. Elle a, ainsi, légalement justifié sa décision.


PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. et Mme [W] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile🏛, rejette la demande de M. et Mme [W] et les condamne in solidum à payer à Mme [Ac] la somme de 3 000 euros.

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit janvier deux mille vingt-trois. MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, avocat aux Conseils, pour M. et Mme [W]

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Les époux [W] FONT GRIEF à l'arrêt attaqué D'AVOIR déclaré recevable Madame [X] veuve [J] « en sa demande de règlement de la valeur de la partie évincée » et DE LES AVOIR condamnés à verser à Madame [Ad] veuve [J] la somme de 80 000 € au titre de la valeur de la partie dont elle se trouve évincée ;

1°) ALORS QUE l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties et que Madame [Ac] demandait à la Cour d'appel, selon le dispositif de ses écritures, de condamner les époux [W] à lui verser la somme de « 157 000 € au titre de la perte de valeur de l'immeuble » dont elle restait en possession (« de la maison » selon les motifs de ses écritures) et non la valeur de la partie dont elle se trouvait évincée ; qu'en allouant à Madame [Ac] la somme de 80 000 € au titre de la valeur de la partie dont elle se trouve évincée, la Cour a modifié l'objet du litige dont elle était saisie et violé l'article 4 du Code de procédure civile🏛 ;

2°) ALORS QUE la Cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et qu'aux termes du dispositif de ses écritures, Madame [Ac] demandait à la Cour d'appel de condamner les époux [W] à lui verser la somme de « 157 000 € au titre de la perte de valeur de l'immeuble » dont elle restait en possession et non la valeur de la partie dont elle se trouvait évincée ; qu'en allouant à Madame [Ac] la somme de 80 000 € au titre de la valeur de la partie dont elle se trouve évincée, quand une telle demande n'était pas formulée par le dispositif des écritures dont elle était saisie, la Cour a violé l'article 954 du Code de procédure civile🏛 ;

3°) ALORS QU'en considérant que la demande nouvelle en cause d'appel, tendant à obtenir une indemnisation sur le fondement de la garantie d'éviction due par le vendeur, n'était pas irrecevable, quand les époux [J] demandaient l'annulation de la vente en première instance, peu important qu'ils aient, au soutien de cette demande d'annulation, invoqué les dispositions des articles 1625 et suivants du Code civil🏛, la Cour a violé l'article 564 du Code de procédure civile🏛 ;

4°) ALORS QU'un bien faisant partie du domaine public est inaliénable, n'a donc pas de prix, et n'a donc pas de valeur au sens de l'article 1637 du Code civil🏛 ; qu'en allouant à Madame [Ac] la somme de 80 000 €, au titre de la valeur de la partie dont elle se trouve évincée, alors que la parcelle dont elle était évincée faisait partie du domaine public, ce dont il résultait qu'elle n'avait pas de valeur au sens de l'article 1637 du Code civil🏛, la Cour a violé ce texte par fausse application ;

5°) ALORS en tous cas QUE selon l'article 1637 du Code civil🏛 si, dans le cas de l'éviction d'une partie du fonds vendu, la vente n'est pas résiliée, la valeur de la partie dont l'acquéreur se trouve évincé lui est remboursée suivant l'estimation à l'époque de l'éviction, et non proportionnellement au prix total de la vente, soit que la chose vendue ait augmenté ou diminué de valeur ; qu'en déduisant la valeur de la partie évincée de la différence entre la valeur du bien avant l'éviction (300 000 €) et celle du bien resté en possession des époux [J] après l'éviction (220 000 €), quand une telle différence n'enseigne en rien sur la valeur intrinsèque de la partie dont Madame [J] était évincée, la Cour a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1637 du Code civil🏛.

SECOND MOYEN DE CASSATION

Les époux [W] FONT GRIEF à l'arrêt attaqué DE LES AVOIR condamnés à verser à Madame [Ad] veuve [J] la somme de 49 788 € en réparation de frais de démolition ;

ALORS QUE le juge doit répondre aux conclusions des parties et que les époux [W] demandaient à la Cour de déclarer irrecevables les demandes nouvelles formulées par Madame [J] en cause d'appel ; qu'en ne répondant pas à ce moyen, s'agissant de la demande de réparation de frais de démolition qui n'avait pas été formulée en première instance par Madame [J], la Cour a violé l'article 455 du Code de procédure civile🏛.

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