Le Quotidien du 6 janvier 2023 : Procédure prud'homale

[Brèves] Mise en place du CSE : office du juge judiciaire en cas de recours contre la décision administrative fixant la répartition des salariés et des sièges entre les collèges électoraux au sein des établissements distincts

Réf. : Cass. soc., 14 décembre 2022, n° 21-19.551, FS-B+R N° Lexbase : A49598ZP

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[Brèves] Mise en place du CSE : office du juge judiciaire en cas de recours contre la décision administrative fixant la répartition des salariés et des sièges entre les collèges électoraux au sein des établissements distincts. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/91971348-breves-mise-en-place-du-cse-office-du-juge-judiciaire-en-cas-de-recours-contre-la-decision-administr
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par Lisa Poinsot

le 05 Janvier 2023

► Le recours contre la décision d’une DREETS, saisie aux fins de fixer la répartition du personnel et des sièges entre les différents collèges électoraux au sein de ces établissements distincts en vue de la mise en place des CSE, entre dans l’office du tribunal judiciaire, lorsque se pose, à cette occasion, une difficulté d’interprétation de l’accord collectif définissant le périmètre de ces établissements distincts.

Faits et procédure. Un accord collectif est conclu entre les différentes entités, composant une unité économique et sociale dans le domaine de la santé, et des organisations syndicales. Cet accord prévoit la mise en place d’un CSE central et de deux CSE d’établissement.

En raison de l’absence de protocole préélectoral après échec des négociations, l’employeur saisit la DIRECCTE (désormais DREETS) aux fins de répartir le personnel et de fixer le nombre de sièges, par collèges électoraux, des deux CSE d’établissement.

La DREETS décide, le 25 janvier 2021, de rejeter cette demande au motif que la détermination claire et précise du périmètre des établissements distincts est un préalable indispensable pour connaître le personnel concerné par la répartition sollicitée. Elle considère qu’il existe un litige entre l’employeur et les organisations syndicales quant à ce que recouvre l’activité « support » entrant dans la définition du périmètre d’un des deux établissements distincts. Selon elle, il ne lui appartient pas d’interpréter l’accord collectif procédant à ce « découpage » entre établissements selon les activités.

Les sociétés composant l’UES saisissent le tribunal judiciaire d’une requête en contestation de cette décision. Il est ainsi demandé au tribunal judiciaire de procéder à la répartition, au besoin après interprétation de l’accord collectif s’il est considéré comme ambigu.

Le tribunal judiciaire retient que l’autorité administrative est compétente en cas de désaccord à condition que l’employeur transmette toutes les informations nécessaires aux organisations syndicales. Il constate que l’inspection du travail s’est déclarée incompétente s’agissant d’une demande d’arbitrage sur la répartition du personnel et des sièges.

En outre, il affirme que le juge judiciaire du contentieux électoral ne peut pas répartir le personnel dans les différents collèges dès lors que l’employeur n’a fourni aucune information sur le nombre de salariés de chaque entreprise qu'il considère appartenir à la fonction support et qui serait rattaché au comité social et économique.

Enfin, le tribunal judiciaire ajoute qu’il n’est pas possible de se prononcer sur une répartition de salariés entre collèges si les propositions n'ont pas fait l'objet d'une négociation préalable avec les organisations syndicales représentatives et qu'en conséquence, le juge du contentieux électoral est incompétent pour interpréter cet accord.

En conséquence, il se déclare incompétent et invite les parties à mieux se pourvoir.

Les sociétés composant l’UES forment alors un pourvoi en cassation.

La solution. Énonçant la solution susvisée, la Chambre sociale de la Cour de cassation casse et annule la décision de la cour d’appel sur le fondement de l’article 4 du Code civil N° Lexbase : L2229AB8 et des articles L. 2313-8 N° Lexbase : L8557LRD et L. 2314-13 N° Lexbase : L2980LTK du Code du travail.

Cette décision, nouvelle sur cette question de l’office du tribunal judiciaire, présente plusieurs apports pour les tribunaux judiciaires, mais aussi pour les DREETS qui sont invités à rendre des décisions répartissant les salariés et les sièges entre les collèges électoraux au sein des différents établissements distincts :

  • sur la répartition du personnel et des sièges entre les différents collèges électoraux au sein des établissements distincts : il appartient au tribunal judiciaire d’examiner l’ensemble des contestations, qu’elles portent sur la légalité externe ou la légalité interne de la décision de la DIRECCTE, désormais la DREETS, et, s’il les dit mal fondées au regard de l’ensemble des circonstances de fait dont il est justifié à la date de la décision administrative, de confirmer la décision, ou s’il les accueille partiellement ou totalement, d’annuler la décision administrative et de statuer à nouveau, par une décision se substituant à celle de l’autorité administrative, sur les questions demeurant en litige d’après l’ensemble des circonstances de fait à la date où le juge statue ;
  • concernant l’articulation entre l’office du juge judiciaire et les prérogatives et les obligations de l’autorité administrative : dès lors que la détermination du périmètre des établissements distincts est préalable à la répartition des salariés dans les collèges électoraux de chaque établissement, il incombe à l’autorité administrative, sous le contrôle du juge judiciaire à qui sa décision peut être déférée, de procéder à la répartition sollicitée par application de l’accord collectif définissant les établissements distincts et leurs périmètres respectifs. Il appartient ensuite au tribunal judiciaire, saisi du recours formé contre la décision rendue par le DREETS, d’apprécier la légalité de cette décision, au besoin après l’interprétation de l’accord collectif en cause, d’abord en respectant la lettre du texte de l’accord collectif, ensuite, si celui-ci manque de clarté, au regard de l’objectif que la définition des périmètres des établissements distincts soit de nature à permettre l’exercice effectif des prérogatives de l’institution représentative du personnel ;
  • quant au rappel des règles d’interprétation d’un accord collectif : lorsqu’il doit se prononcer sur le nombre et le périmètre des établissements distincts pour la mise en place des comités sociaux et économiques qui sont fixés compte tenu de l'autonomie de gestion du responsable de l'établissement, notamment en matière de gestion du personnel, il appartient « au tribunal judiciaire de rechercher, au regard des éléments produits tant par l'employeur que par les organisations syndicales, si les directeurs des établissements concernés ont effectivement une autonomie de décision suffisante en ce qui concerne la gestion du personnel et l'exécution du service, et si la reconnaissance à ce niveau d'établissements distincts pour la mise en place des comités sociaux et économiques est de nature à permettre l'exercice effectif des prérogatives de l'institution représentative du personnel ».

Pour aller plus loin :

  • v. la notice explicative publiée au rapport annuel de la Cour de cassation ;
  • sur la répartition du personnel et des sièges entre les différents collèges électoraux au sein des établissements distincts, la Chambre sociale de la Cour de cassation transpose les solutions énoncées dans les arrêts suivants : Cass. soc., 19 décembre 2018, n° 18-23.655, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A0670YRA ; Cass. soc., 8 juillet 2020, n° 19-11.918 et n° 19-60.107, FS-P+B+R N° Lexbase : A10593RN ;
  • concernant l’articulation entre l’office du juge judiciaire et les prérogatives et les obligations de l’autorité administrative, la Haute juridiction s'inspire des arrêts suivants : Cass. soc., 11 octobre 2017, n° 16-25.934, F-D N° Lexbase : A8276WU3 ; Cass. soc., 27 mai 2021, n° 20-10.638 et n° 20-16.853, F-D N° Lexbase : A48074T9 ;
  • s'agissant des règles d’interprétation d’un accord collectif, la Chambre sociale de la Cour de cassation rappelle les décisions mentionnées dans les arrêts suivants : Cass. ass. plén., 23 octobre 2015, n° 13-25.279, publié au bulletin N° Lexbase : A8615NTA ; Cass. soc., 25 mars 2020, n° 18-12.467, FS-P+B N° Lexbase : A60423KY ; Cass. soc., 9 juin 2021, n° 19-23.153, FS-P+R N° Lexbase : A41044UK ;
  • v.  aussi : ÉTUDE : Les conditions de mise en place du comité social et économique, La détermination du périmètre de mise en place du comité social et économique, in Droit du travail, Lexbase N° Lexbase : E9046ZQ4.

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