Le Quotidien du 7 novembre 2022 : Procédure pénale/Enquête

[Brèves] Irrégularités pendant la phase de l’enquête : rappels à l’ordre de la Chambre criminelle

Réf. : Cass. crim., 25 octobre 2022, n° 22-81.466, F-D N° Lexbase : A69078QU

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par Helena Viana

le 23 Novembre 2022

► Accueillant trois moyens développés dans le pourvoi du demandeur, la Cour de cassation rappelle des principes de procédure pénale et sanctionne l’irrégularité affectant divers actes d’une enquête en cours ; 

D’une part, elle rappelle la nécessité que l'autorisation donnée par le procureur de la République pour les réquisitions de l'article 77-1-1 du Code de procédure pénale, soit donnée dans le cadre de la procédure d'enquête en cours et non par voie d'autorisation générale et permanente préalable ; 

D’autre part, elle attache une exigence particulière à ce que certaines mentions et habilitations figurent en procédure, enjoignant à la chambre de l’instruction de les rechercher, au besoin par supplément d’information, et sanctionnant, le cas échéant, de la nullité leur absence.

Faits. Les faits portés devant la Cour de cassation, à l’origine de la décision ci-dessus référencée, ont débuté par un contrôle d’identité. Dans la nuit du 15 au 16 mai 2020, sept individus ont été aperçus à une station de lavage avec divers moto-cross et quads, non immatriculés, et deux d’entre eux en train de décharger deux moto-cross supplémentaires, dépourvus d’immatriculation. Les policiers ont également aperçu deux jerricans d'où émanait une forte odeur d'essence sans plomb, situés à l’arrière de la camionnette. Sur la base de ces éléments visuels, les policiers ont procédé à un contrôle d’identité et à des actes d’enquête subséquents.

Procédure et irrégularités reprochées. Les mis en cause ont attaqué divers actes de la procédure au moyen de requêtes en nullité tendant à leur annulation.  

La Chambre criminelle a été saisie d’un pourvoi se déclinant en quatre moyens à l’encontre de l’arrêt de la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Versailles.

Le premier moyen fait grief à l’arrêt d’avoir rejeté la nullité des réquisitions délivrées par les officiers de police judiciaire en charge de l'enquête préliminaire, pris de l'absence d'autorisation du procureur de la République. En particulier, était critiquée l’autorisation donnée par le procureur de la République, selon le demandeur au pourvoi, par voie générale et permanente préalable, les réquisitions de l’officier de police judiciaire se fondant sur des autorisations en date des 16 mai 2018 et 13 janvier 2020, soit antérieurement à l’ouverture de l’enquête.

Le deuxième moyen reproche à l’arrêt d’avoir rejeté la nullité du procès-verbal d'interpellation pris de l'irrégularité du contrôle d'identité, au motif que les éléments retenus pour procéder audit contrôle n'étaient pas de nature à caractériser une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu'ils avaient commis ou tenté de commettre une infraction.

Le troisième moyen critique l’arrêt de la chambre de l’instruction en ce qu’il a rejeté la nullité du procès-verbal de consultation du TAJ (traitement des antécédents judiciaires), pris du défaut de mention de l'habilitation de l'agent de la police nationale qui a procédé à cette opération, et ce alors que, selon l’article R. 40-28 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L3832LGZ, l’agent doit être individuellement désigné et spécialement habilité pour ce faire.

Le quatrième moyen condamne l’arrêt attaqué en ce qu’il a rejeté la nullité du procès-verbal de deuxième audition de garde à vue pris de l’absence de mention d’un enregistrement audiovisuel. Il reproche à la chambre de l’instruction de n’avoir pas vérifié si l’enregistrement litigieux figurait sur le DVD dont il est fait mention sur le procès-verbal et qui supporterait ledit enregistrement.

Rappels à l’ordre de la Chambre criminelle. La Chambre criminelle casse partiellement l’arrêt. Elle rejette le second moyen, au motif que les éléments recueillis par les policiers étaient de nature à constituer à l'égard de l'intéressé un indice de commission de l'infraction de recel de vol, notamment du fait de l'absence d'immatriculation des véhicules et de leur nombre.

S’agissant du surplus, elle expose méthodiquement les fondements de sa cassation.

Concernant le premier moyen, au visa de l'article 77-1-1 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L7999MBU, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2020-1672 du 24 décembre 2020, elle rappelle que l'autorisation donnée par le procureur de la République aux officiers ou agents de police judiciaire de requérir les informations prévues à cet article, doit être donnée dans le cadre de la procédure d'enquête en cours et non par voie d'autorisation générale et permanente préalable, la méconnaissance de ce principe faisant nécessairement grief. 

Or, en l’espèce, la chambre de l’instruction a méconnu le principe susvisé. La Chambre criminelle, au regard des pièces de la procédure, a pu constater que les réquisitions s’étaient fondées sur des autorisations en date des 16 mai 2018 et 13 janvier 2020, soit antérieurement à l’ouverture de l’enquête, si bien qu’elles n’avaient pu être données dans le cadre de la procédure d’enquête en cours. Elle énonce que la seule autorisation donnée par le magistrat dans le cadre de l'enquête préliminaire en cours concernant « toutes réquisitions nécessaires permettant l'identification des auteurs des vols » datait du 29 mai 2020 et ne pouvait dès lors justifier les réquisitions dont il est demandé l’annulation, en date du 22 mai 2020.

Concernant le troisième moyen, au visa des articles 230-10 N° Lexbase : L5213LRI, R. 40-28 et 593 N° Lexbase : L3977AZC du Code de procédure pénale, elle énonce que « hors le cas où la consultation du traitement est effectuée par un enquêteur, autorisé par le procureur de la République, pour les besoins d'une procédure pénale, à délivrer une réquisition à cette fin en application de l'article 77-1-1 du code de procédure pénale, doit figurer au dossier de la procédure le document ou la mention établissant que l'accès à ce traitement a été le fait d'un agent désigné à cette fin et spécialement habilité. Le défaut d'une telle habilitation porte nécessairement atteinte aux intérêts de la personne dont les données personnelles ont été consultées ».

Or, la Cour reproche à la chambre de l’instruction d’avoir déduit de l’accès à ce traitement, qui n'est techniquement possible qu'à la condition de disposer d'un code d'accès personnalisé délivré aux seules personnes habilitées, que l’agent ayant consulté le traitement était habilité. L’habilitation aurait dû figurer au dossier, ou au besoin il appartenait à la chambre de l’instruction, par le biais d’un supplément d’information, de rechercher si l’habilitation litigieuse avait été délivrée.

Enfin concernant le quatrième moyen, au visa des articles 64-1 N° Lexbase : L8170ISE et 593 du Code de procédure pénale, elle rappelle que le défaut d’enregistrement audiovisuel de l’audition d’une personne gardée à vue pour un crime porte nécessairement grief à ses intérêts.

Elle reproche à l’arrêt de la chambre de l’instruction de ne pas avoir déduit le défaut d’enregistrement de l’absence de mention qu’il n’avait pas été procédé à son enregistrement sur le procès-verbal de la seconde audition, et ce alors que sur les trois autres procès-verbaux d’auditions la mention était présente. Le simple constat que l'officier de police judiciaire ait placé sous scellé le DVD supportant les auditions filmées de l'intéressé n’était pas suffisant pour écarter le moyen de nullité, elle aurait dû s’assurer, au besoin par supplément d’information, que l’audition litigieuse avait bien fait l’objet d'un enregistrement audiovisuel.

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