Réf. : Cass. com., 5 octobre 2022, n° 21-13.108, F-B N° Lexbase : A58878MY
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par Vincent Téchené
le 10 Octobre 2022
► L’obligation de confidentialité posée par l’article L. 611-15 du Code de commerce pour les personnes appelées à la conciliation ou à un mandat ad hoc n’est pas uniquement posée à l’égard des tiers ; elle s’impose également entre les parties.
Faits et procédure. Une banque a consenti une ouverture de crédit et un prêt à une société dont son dirigeant s'est rendu caution solidaire.
La société ayant rencontré des difficultés financières, une procédure de conciliation a été ouverte et un protocole de conciliation a été homologué. À cette occasion, le dirigeant a contracté de nouveaux engagements de cautionnement solidaire au profit de la banque.
L'accord de conciliation n'a pas été exécuté jusqu'à son terme et, après l'échec d'une nouvelle procédure de conciliation, la société a été mise en redressement, cette procédure collective étant convertie en liquidation judiciaire.
Après avoir déclaré sa créance qui a été admise, la banque a assigné le dirigeant en paiement. Celui-ci a alors formé des demandes reconventionnelles tendant à la condamnation de la banque à lui payer des dommages et intérêts d'un montant équivalent aux sommes réclamées au titre des cautionnements et à la compensation de leurs dettes respectives, en invoquant un comportement fautif de la banque à l'occasion de la nouvelle procédure de conciliation.
Ayant été débouté de ses demandes, le dirigeant a formé un pourvoi en cassation.
Moyen. Il convient ici de reprendre le moyen développé par le dirigeant caution pour saisir la pleine portée de l’arrêt de la Cour. En effet, il soutenait que l'obligation de confidentialité pesant sur les personnes appelées à la procédure de conciliation ne s'applique qu'à l'égard des tiers, et non entre les parties à cette procédure. Or, l’arrêt d’appel a écarté certaines pièces des débats consistant notamment en un mail de la Société générale au conciliateur indiquant la position de la banque, transmis à l'ensemble des créanciers, et en un mail du conciliateur à l'ensemble des créanciers contenant le protocole à signer. Pour ce faire, l’arrêt d’appel a retenu que « les échanges de mails entre le conciliateur et les créanciers durant la procédure de conciliation, l'attestation du conciliateur sur le déroulement de la conciliation, sont couvertes par la confidentialité ».
Décision. La Cour de cassation rejette néanmoins le pourvoi.
Elle rappelle qu’il résulte de l'article L. 611-15 du Code de commerce N° Lexbase : L4119HB8 que toute personne qui est appelée à la procédure de conciliation ou à un mandat ad hoc ou qui, par ses fonctions, en a connaissance est tenue à la confidentialité.
Elle en conclut que le moyen, qui postule que cette obligation ne s'applique qu'à l'égard des tiers et non entre les parties à la procédure et le gérant de la débitrice était fondé à opposer à la banque le contenu de leurs échanges pour rechercher sa responsabilité, manque en droit.
Observations. On rappellera que la Cour de cassation a jugé que la confidentialité de la conciliation est un principe cardinal du droit des entreprises en difficulté qui ne cède même pas devant le principe de la liberté de la presse et s’impose ainsi à un organe de presse (Cass. com., 15 décembre 2015, n° 14-11.500, FS-P+B+I N° Lexbase : A3643NZX, Ch. Lebel, Lexbase Affaires, janvier 2016, n° 451 N° Lexbase : N1012BWE).
Récemment, la cour d’appel de Versailles a précisé que la levée de la confidentialité attachée à la conciliation ne peut être accordée que si la demande en ce sens émanant du ministère public s’inscrit dans l'ouverture de la procédure collective (CA Versailles, 13e ch., 24 mai 2022, n° 21/07444 N° Lexbase : A07467YB, P.-M. Le Corre, Lexbase Affaires, septembre 2022, n° 728 N° Lexbase : N2614BZT).
Enfin, on pourra rapprocher l'arrêt rapporté du 5 octobre d'un autre arrêt rendu par la Cour de cassation le 22 septembre 2015 (Cass. com., 22 septembre 2015, n° 14-17.377, F-P+B N° Lexbase : A8343NPP, P.-M. Le Corre, in Chron., Lexbase Affaires, octobre 2015, n° 440 N° Lexbase : N9418BUD), dans lequel elle approuve une cour d’appel d’écarter des débats « l’attestation remise à la caution de la société débitrice par le mandataire ad hoc de celle-ci, dans laquelle, au mépris de l’obligation de confidentialité qui le liait en application de l’article L. 611-15 du Code de commerce, il stigmatisait l’attitude de la banque lors des négociations ».
Pour aller plus loin :
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