Le Quotidien du 3 octobre 2022 : Actualité judiciaire

[A la une] Le « harcèlement moral caractérisé » de France Telecom reconnu en appel

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par Vincent Vantighem

le 19 Octobre 2022

             C’est un arrêt qui ne satisfait vraiment personne. Mais ne déçoit pas davantage. Plus de quinze ans après les faits, la cour d’appel de Paris a définitivement considéré, vendredi 30 septembre, que les dirigeants de l’entreprise France Telecom (devenue Orange en 2013) avaient mis en place une politique de « harcèlement moral » qui a conduit au suicide et au mal-être de plusieurs dizaines de salariés. Mais elle a aussi légèrement allégé la peine à laquelle avait été condamné, en première instance, Didier Lombard, l’ancien patron de l’entreprise publique.

             Aujourd’hui octogénaire, cet homme qui a dirigé l’entreprise entre 2005 et 2010 a été condamné à un an de prison avec sursis alors qu’il avait été condamné à quatre mois de prison ferme et huit mois avec sursis par le tribunal judiciaire de Paris, en 2019. Mais sa responsabilité pour « harcèlement moral caractérisé » a bien été confirmée par la cour d’appel. Le numéro 2 de l’entreprise à l’époque des faits, Louis-Pierre Wenès, a lui aussi écopé d’une peine d’un an de prison avec sursis.

             « En dépit d’alertes multiples, les agissements harcelants induits par l’objectif de déflation des effectifs imposé par les dirigeants ont créé un climat d’insécurité permanent pour tout le personnel, a ainsi exposé la cour d’appel dans un communiqué résumant sa décision. Avec des conséquences en cascade, aboutissant pour un certain nombre de salariés à des dépressions, des tentatives de suicide et des suicides. »

« Quinze ans de burn-out, trois accidents dont une tentative de suicide »

             Pour se forger son opinion, et comme ce fut le cas lors du procès en première instance, la cour avait, lors de l’audience, examiné le cas de trente-neuf salariés dont dix-neuf se sont suicidés et douze ont tenté de le faire. À commencer par le cas de Michel Deparis. Ce technicien marseillais avait écrit une lettre en juillet 2009 expliquant qu’il se suicidait « à cause de France Telecom » avait de mettre sa terrible menace à exécution.

             « Aujourd’hui est un jour où je peux enfin tourner la page après quinze ans de souffrances à France Telecom, après quarante ans de carrière. J’ai beaucoup souffert de "l’ère Lombard" : quinze ans de burn-out, trois accidents du travail, dont une tentative de suicide sur mon lieu de travail en 2011 : je suis soulagée de cette décision », a réagi par exemple Béatrice Pannier, 59 ans, ancienne salariée, partie civile à la procédure.

             Tout comme Didier Lombard si l’on en croit son avocat, Jean Veil. Même s’il n’a pas obtenu la relaxe qu’il avait plaidée lors de l’audience, le conseil de l’ex-PDG s’est réjoui que « la décision de la cour d’appel revienne à des choses plus raisonnables ». Sans oublier que son client est aujourd’hui âgé de 80 ans. « Il a une peine de prison avec sursis d’un an, il n’a plus d’activité. Je ne vois pas dans quelles conditions il pourrait être davantage sanctionné », a ainsi résumé Jean Veil.

« Une décision historique » pour les syndicats

             En 2006, Didier Lombard et son adjoint, Louis-Pierre Wenès, avaient orchestré la mise en place de deux plans de restructuration, deux ans après la privatisation de l’entreprise. Ces plans prévoyaient le départ de 22 000 employés et la mutation de 10 000 autres sur environ 120 000 employés. De fait, 16 000 postes avaient été supprimés à l’époque, en l’espace de deux ans, entraînant une vague de mal-être énorme dans les rangs de l’entreprise de télécommunications.

             Poussé vers la sortie en 2010, il avait rappelé, à l’époque, que « le tournant pris par l’entreprise quelques années auparavant [avait] été le bon ». L’année précédente, en 2009, il avait également déclenché une polémique en évoquant une « mode du suicide » au sein de ses effectifs…

             Aujourd’hui, les représentants des salariés sont donc soulagés, eux-aussi, que sa responsabilité soit reconnue. « C’est une décision historique, car c’est la première fois dans un grand groupe que des dirigeants sont condamnés pour harcèlement moral. La violence sociale n’est pas une méthode de management et il faut se féliciter de ce jugement qui va profondément transformer le rapport entre les dirigeants et les personnels », a ainsi salué le président du syndicat CFE-CGC d’Orange, Sébastien Crozier. En regrettant juste que les dirigeants n’aient pas été davantage frappés « là où ça fait mal », c’est-à-dire « au portefeuille ». Outre la prison avec sursis, Didier Lombard et son ancien numéro deux devront tous les deux s’acquitter d’une amende de 15 000 euros.

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