Le Quotidien du 12 août 2022 : Droit international privé

[Brèves] Indifférence de la qualité d’agent de l’Union européenne sur la notion de « résidence habituelle » et recherche d’une compétence résiduelle

Réf. : CJUE, 1 août 2022, aff. C-501/20 N° Lexbase : A45128DH

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N2438BZC

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[Brèves] Indifférence de la qualité d’agent de l’Union européenne sur la notion de « résidence habituelle » et recherche d’une compétence résiduelle. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/87158868-breves-indifference-de-la-qualite-dagent-de-lunion-europeenne-sur-la-notion-de-residence-habituelle-
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par Laure Florent

le 05 Août 2022

La notion autonome de « résidence habituelle » des époux est définie non seulement par la volonté de la personne concernée de fixer le centre habituel de sa vie dans un lieu déterminé, mais aussi par une présence revêtant un degré suffisant de stabilité sur le territoire de l’État membre concerné ; la qualité d’agent contractuel de l’Union européenne, affecté dans une délégation de cette dernière auprès d’un État tiers, et dont il est allégué qu’ils y jouissent du statut diplomatique, n’est pas susceptible d’en influencer l’interprétation ;
► la notion de « résidence habituelle » de l’enfant, telle que conçue par le Règlement « Bruxelles II bis », est également une notion autonome, qui exige, à tout le moins, une présence physique dans un État membre donné, n’ayant nullement un caractère temporaire ou occasionnel et traduisant une certaine intégration de cet enfant dans un environnement social et familial.

Faits et procédure. Deux agents contractuels de la Commission européenne, respectivement de nationalité espagnole et portugaise, sont mariés et ont deux enfants, de double nationalité espagnole et portugaise. Les parents étant affectés à la délégation de l’Union européenne au Togo, la famille y déménage. Lorsque les époux se séparent, la mère et les enfants continuent de résider au domicile familial, et le père s’installe dans un hôtel, également au Togo.

La mère, de nationalité espagnole, introduit une demande en divorce auprès des juridictions espagnoles, accompagnée de demandes portant sur la détermination du régime et des modalités d’exercice de la garde et des responsabilités parentales à l’égard des enfants mineurs du couple, sur la pension alimentaire pour ceux-ci, ainsi que sur l’attribution du logement familial au Togo.

La juridiction espagnole constate son incompétence, les parties n’ayant pas leur résidence habituelle en Espagne.

La juridiction espagnole saisie en appel décide alors de poser plusieurs questions préjudicielles à la CJUE afin de pouvoir statuer, au vu de la situation particulière des époux et de leurs enfants, sur la compétence des juridictions espagnoles en vertu des deux règlements applicables en l’espèce :

  •  le Règlement (CE) n° 2201/2003 du Conseil, du 27 novembre 2003, relatif à la compétence, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale abrogeant le Règlement (CE) n° 1347/2000 N° Lexbase : L0159DYK, dit Règlement « Bruxelles II bis » ;
  •  et le Règlement (CE) n° 4/2009 du Conseil, du 18 décembre 2008, relatif à la compétence, la loi applicable, la reconnaissance et l'exécution des décisions et la coopération en matière d'obligations alimentaires N° Lexbase : L5102ICX, dit règlement « Aliments ».

Questions préjudicielles. La Cour revient sur plusieurs points : elle précise la définition de la résidence habituelle pour chacune des parties et règlements concernés, et notamment l’impact du statut d’agent contractuel de l’Union des époux, et spécifie les conditions dans lesquelles une juridiction saisie peut reconnaître sa compétence pour statuer en matière de divorce, de responsabilité parentale, et d’obligations alimentaires, ce lorsqu’aucune juridiction d’un État membre n’est normalement compétente.

  • La résidence habituelle des époux

La Cour rappelle que la notion de « résidence habituelle » des époux, prévue par le Règlement « Bruxelles II bis », est une notion autonome. Elle est définie non seulement par la volonté de la personne concernée de fixer le centre habituel de sa vie dans un lieu déterminé, mais aussi par une présence revêtant un degré suffisant de stabilité sur le territoire de l’État membre concerné.

La même définition s’applique à la notion autonome de « résidence habituelle » prévue par le règlement « Aliments », cette dernière devant être guidée par les mêmes principes et caractérisée par les mêmes éléments que dans le protocole de La Haye du 23 novembre 2007 sur la loi applicable aux obligations alimentaires N° Lexbase : L3037KRW.

La qualité d’agent contractuel de l’Union, affecté dans une délégation de cette dernière auprès d’un État tiers, et dont il est allégué qu’ils y jouissent du statut diplomatique, n’est pas susceptible d’influencer l’interprétation de la notion de « résidence habituelle » précitée.

  • La résidence habituelle des enfants

La notion de « résidence habituelle » de l’enfant, telle que conçue par le Règlement « Bruxelles II bis », est également une notion autonome. La Cour précise qu’elle exige, à tout le moins, une présence physique dans un État membre donné, n’ayant nullement un caractère temporaire ou occasionnel et traduisant une certaine intégration de cet enfant dans un environnement social et familial.

En l’espèce, le lien constitué par la nationalité de la mère et par la résidence de celle-ci, avant son mariage, dans l’État membre dont relève la juridiction saisie en matière de responsabilité parentale n’est pas pertinent pour reconnaître la compétence de cette juridiction, et est insuffisante la circonstance que les enfants mineurs sont nés dans cet État membre et en possèdent la nationalité.

  • La reconnaissance d’une compétence résiduelle

Lorsqu’aucune juridiction d’un État membre ne peut se reconnaître compétente en vertu de la notion de « résidence habituelle » telle que conçue pour le Règlement « Bruxelles II bis », les articles 7 (matière matrimoniale) et 14 (responsabilité parentale) dudit règlement permettent à la juridiction saisie d’appliquer ses règles de compétence de droit interne.

Attention toutefois, les règles diffèrent selon que l’on se situe en matière matrimoniale ou en matière de responsabilité parentale.

En matière matrimoniale, une telle compétence résiduelle de la juridiction de l’État membre saisie est exclue lorsque le défendeur est un ressortissant d’un autre État membre. En revanche, le demandeur pourra introduire sa demande auprès des juridictions de l’État membre du défendeur, qui, si son droit interne le désigne, pourra se reconnaître compétent.

En matière de responsabilité parentale, le fait que le défendeur soit ressortissant d’un autre État membre ne constitue pas un obstacle à ce que la juridiction de l’État membre saisie reconnaisse sa compétence.

En matière d’obligations alimentaires, l’article 7 du règlement « Aliments » permet, lorsque l’ensemble des parties au litige ne résident pas habituellement dans un État membre, qu’une juridiction d’un État membre puisse se déclarer exceptionnellement compétente, en vertu de l’état de nécessité (forum necessitatis). Il prévoit quatre conditions cumulatives :

  • la juridiction saisie doit vérifier qu’aucune juridiction d’un État membre n’est compétente en vertu des règles de compétence prévues par le règlement aux articles 3 à 6 ;
  • le litige doit posséder un lien étroit avec un État tiers ; le fait que toutes les parties y résident suffit ;
  • la procédure ne peut raisonnablement être introduite ou conduite, ou se révèle impossible dans l’État tiers ; cela nécessite que l’accès à la justice dans l’État tiers soit, en droit ou en fait, entravé, notamment par des conditions procédurales discriminatoires ou contraires au procès équitable ;
  • le litige doit présenter un lien suffisant avec l’État membre de la juridiction saisie, celui-ci pouvant être fondé, notamment, sur la nationalité de l’une des parties.

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