Réf. : CJUE, 14 juillet 2022, aff. C-110/21 P, Universität Bremen c/ Agence exécutive européenne pour la recherche (REA) N° Lexbase : A49268B3
Lecture: 4 min
N2363BZK
Citer l'article
Créer un lien vers ce contenu
par Marie Le Guerroué
le 02 Août 2022
► Dans une décision du 14 juillet 2022, la Cour de justice de l’Union européenne a considéré qu’un professeur de droit pouvait représenter sa propre université devant le Tribunal et la Cour de justice de l’Union européenne et que cela valait, en principe, même lorsque que celui-ci était coordinateur et chef d’équipe du projet faisant l’objet du litige.
Faits et procédure. Aux fins d’obtenir un financement de l’Union pour ces recherches, l’Université de Brême en Allemagne avait présenté à l’Agence exécutive européenne pour la recherche une proposition de projet. Cette proposition ayant été rejetée, elle avait donc introduit un recours devant le Tribunal de l’Union européenne. Le Tribunal avait rejeté ce recours comme étant manifestement irrecevable. La requête avait été signée par un professeur qui enseignait à l’Université de Brême et qui était aussi désigné comme étant le coordinateur du projet proposé ainsi que le chef d’équipe de celui-ci. Selon le Tribunal, la condition d’indépendance de l’avocat, qui s’appliquerait aussi aux professeurs d’université bénéficiant du privilège de pouvoir représenter des particuliers devant les juridictions de l’Union, n’était, en l’espèce, pas remplie. La CJUE avait été saisie par l’Université.
Réponse de la CJUE. La Cour rappelle d’abord que la notion d’« indépendance » de l’avocat a récemment connu une évolution en matière de représentation devant les juridictions de l’Union, le critère prédominant retenu à cet égard étant désormais la protection et la défense des intérêts du client (CJUE, 4 février 2020, aff. C-515/17 P, Uniwersytet Wroclawski c/ Agence exécutive pour la recherche (REA) N° Lexbase : A87913CL ; lire, à ce propos, N. Hervieu, L’indépendance de l’avocat au prisme du droit européen, Lexbase Avocats, avril 2020 N° Lexbase : N2814BYU).
La Cour constate à cet égard que l’existence d’un lien contractuel ou statutaire entre un professeur et l’université qu’il représente est insuffisante pour considérer que ce professeur se trouve dans une situation l’empêchant de défendre les intérêts de cette université. En effet, contrairement à la situation d’un juriste d’entreprise, le professeur en question est lié à l’université qu’il représente par un lien statutaire de droit public. Ce statut lui confère, selon les conditions et les règles du droit national, une indépendance en sa qualité non seulement d’enseignant et de chercheur, mais également de représentant de particuliers devant les juridictions de l’Union. En outre, dans la mesure où la représentation en justice ne fait pas partie des missions que ce professeur est appelé à exercer au sein de l’université en tant qu’enseignant ou chercheur, cette représentation n’est aucunement liée à ses fonctions universitaires. Elle est, dès lors, assurée en dehors de tout lien de subordination avec l’université, alors même qu’il serait appelé à la représenter. Quant aux fonctions exercées par le professeur en question dans le cadre du projet faisant l’objet du litige, la Cour constate que ces fonctions impliquaient que le professeur avait des intérêts communs avec l’Université de Brême. Toutefois, de tels intérêts ne suffisent pas à établir une incapacité de ce professeur d’assurer dûment la représentation qui lui était confiée. Dans la mesure où, par ailleurs, n’a été invoqué aucun élément permettant d’indiquer que ces intérêts faisaient obstacle à la représentation en justice de l’Université de Brême par ce professeur, le Tribunal a, selon la CJUE, conclu à tort à l’irrecevabilité du recours au motif que l’Université de Brême ne serait pas dûment représentée.
Renvoie de l'affaire. La Cour renvoie, dès lors, l’affaire devant le Tribunal pour qu’il statue sur le recours introduit par l’Université de Brême.
© Reproduction interdite, sauf autorisation écrite préalable
newsid:482363