Réf. : Conseil constitutionnel, décision n° 2022-1005 QPC, du 29 juillet 2022 N° Lexbase : A17178DX
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par Anne-Lise Lonné-Clément
le 01 Août 2022
► Par décision rendue le 29 juillet 2022, le Conseil constitutionnel a jugé de la conformité à la Constitution, du premier alinéa de l'article 909 du Code civil, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2007-308, du 5 mars 2007, portant réforme de la protection juridique des majeurs, interdisant à une personne de gratifier les auxiliaires médicaux qui lui ont procuré des soins au cours de sa dernière maladie.
La QPC. La question était formulée ainsi : les dispositions de l'article 909, alinéa 1er, du Code civil N° Lexbase : L8526HWP, qui interdisent à une personne de gratifier les auxiliaires médicaux qui lui ont procuré des soins au cours de sa dernière maladie, sont-elles contraires aux articles 2 N° Lexbase : L1366A9H, 4 N° Lexbase : L1368A9K, 17 N° Lexbase : L1364A9E de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen en ce qu'elles portent atteinte au droit de disposer librement de ses biens en dehors de tout constat d'inaptitude du disposant ?
Contexte. Pour rappel, le Conseil constitutionnel a censuré, en 2021, certaines des dispositions de l’article L. 116-4 du Code de l’action sociale et des familles, en ce qu’elles avaient pour objet d’interdire aux personnes âgées de gratifier ceux qui leur apportent, contre rémunération, des services à la personne à domicile ; suivant les arguments de la requérante, les Sages ont estimé que l'interdiction était formulée en des termes trop généraux et portait ainsi au droit de propriété une atteinte disproportionnée à l'objectif poursuivi (Cons. const., décision n° 2020-888 QPC, du 12 mars 2021 N° Lexbase : A80714K7 ; cf. J. Casey, obs. n° 4 in Sommaires d’actualité de droit des successions & libéralités 2021-1 (Janvier – Juillet), Lexbase Droit privé, n° 875, 2 septembre 2021 N° Lexbase : N8596BYZ).
Dans une analyse critique de cette décision de censure, l’auteur précité relevait que « les motifs du Conseil pourraient aussi justifier la disparition des incapacités de recevoir de l’article 909 du Code civil N° Lexbase : L8526HWP (médecin de la dernière maladie, MJPM, ministres du culte…). Pourtant, ces dispositions demeurent. La discordance avec la disparition de l’interdiction du CASF est criante. Non que nous voulions faire disparaître aussi le contenu de l’article 909 du Code civil, bien au contraire. Mais le défaut de cohérence est évident. »
C’est ainsi que la Cour de cassation, dans sa décision de renvoi du 24 mai 2022 (Cass. QPC, 24 mai 2022, n° 22-40.005, FS-D N° Lexbase : A32147YP), avait estimé que la question soulevée présentait un caractère sérieux en ce que, ayant pour conséquence de réduire le droit de disposer librement de ses biens de la personne soignée pour la maladie dont elle meurt hors tout constat d'inaptitude de celle-ci, l'article 909, alinéa 1er, du Code civil serait susceptible de porter une atteinte disproportionnée au droit de propriété protégé par l'article 2 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen du 26 août 1789.
Décision du Conseil constitutionnel. Le Conseil constitutionnel ne l’entend pourtant pas ainsi, relevant la particularité de la « nature de la relation entre un professionnel de santé et son patient atteint d'une maladie dont il va décéder ».
Dans sa décision du 29 juillet 2022, les Sages relèvent ainsi, en premier lieu, qu’en adoptant ces dispositions, le législateur a entendu assurer la protection de personnes dont il a estimé que, compte tenu de leur état de santé, elles étaient placées dans une situation de particulière vulnérabilité vis-à-vis du risque de captation d'une partie de leurs biens par ceux qui leur prodiguaient des soins. Il a ainsi poursuivi un but d'intérêt général.
En second lieu, d'une part, l'interdiction contestée ne vaut que pour les libéralités consenties pendant le cours de la maladie dont le donateur ou le testateur est décédé. D'autre part, elle ne s'applique qu'aux seuls membres des professions médicales, de la pharmacie et aux auxiliaires médicaux énumérés par le Code de la santé publique, à la condition qu'ils aient dispensé des soins en lien avec la maladie dont est décédé le patient.
Ainsi, eu égard à la nature de la relation entre un professionnel de santé et son patient atteint d'une maladie dont il va décéder, l'interdiction est bien fondée sur la situation de vulnérabilité dans laquelle se trouve le donateur ou le testateur à l'égard de celui qui lui prodigue des soins.
Dès lors, l'atteinte au droit de propriété qui résulte des dispositions contestées est justifiée par un objectif d'intérêt général et proportionnée à cet objectif. Le grief tiré de la méconnaissance du droit de propriété doit donc être écarté.
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