La lettre juridique n°531 du 13 juin 2013 : Fiscalité internationale

[Le point sur...] Etude du réseau conventionnel français - Troisième partie : l'assistance administrative

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N7434BTI

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par Sophie Cazaillet, Rédactrice en chef de Lexbase Hebdo - édition fiscale

le 13 Juin 2013

La France dispose d'un des réseaux conventionnels les plus étendus au monde. Fondées sur le Modèle de convention fiscale de l'OCDE (N° Lexbase : L6769ITU), les conventions fiscales signées par la France ne sortent pourtant pas toutes du même moule. Dans un monde globalisé, dans lequel les frontières prennent l'allure de contraintes, les conventions fiscales tentent, tout d'abord, d'éliminer les doubles impositions ; mais de plus en plus, ces textes visent à faciliter ce que l'on appelle "l'assistance administrative". Depuis quelques années, plus précisément depuis le début de la crise financière en 2008, la lutte contre la fraude et l'évasion fiscales sont devenues le fer de lance de l'OCDE, de l'UE et de leurs Etats membres. Le meilleur outil en place aujourd'hui, à défaut d'une véritable lutte organisée au niveau mondial, est la convention fiscale. Or, lorsque l'on y regarde de plus près, le réseau conventionnel français n'est pas toujours à la hauteur des ambitions françaises en cette matière. Pour stopper la fuite des quelques 60 à 80 milliards d'euros au travers de la fraude fiscale internationale, les conventions fiscales possèdent des clauses qui mériteraient d'être revues. Les dernières conventions signées avec les "paradis fiscaux", qui ne traitent que de ce sujet, ne convainquent pas plus. L'ambition de cette étude n'est pas de dresser un portrait complet de l'assistance administrative dans le réseau conventionnel français (1), mais de donner un aperçu de ce que la France a, depuis 1950, date des premières conventions fiscales dignes de ce nom, prévu en ce domaine (2). Cette étude achève celle des deux autres aspects du réseau conventionnel français : la fiscalité des particuliers (lire Etude du réseau conventionnel français - Première partie : les revenus et le patrimoine des particuliers, Lexbase Hebdo n° 529 du 29 mai 2013 - édition fiscale N° Lexbase : N7205BTZ) et la fiscalité des entreprises (lire Etude du réseau conventionnel français - Deuxième partie : les revenus des entreprises, Lexbase Hebdo n° 530 du 5 juin 2013 - édition fiscale N° Lexbase : N7328BTL).

I - L'échange de renseignements

C'est la clause la plus médiatique du Modèle de convention de l'OCDE. L'article 26, composé de cinq paragraphes, prévoit de nombreuses choses. Tout d'abord, un champ d'application large, puisque la clause s'applique à tous les impôts, même ceux qui ne sont pas visés par la convention, et porte sur toute sorte de renseignements, dès lors qu'ils sont "vraisemblablement pertinents". Ensuite, ces renseignements sont tenus secrets, et ne doivent pas être trouvés entre les mains d'une personne qui n'est pas directement intéressée à la procédure (le contribuable lui-même, le juge, l'agent compétent pour traiter du cas...). La clause d'échange de renseignements n'oblige pas l'Etat requis à trouver et fournir l'information "à tout prix". Il n'est pas demandé à l'Etat de violer ses propres lois, ou même celles de l'Etat requérant, ou le secret commercial et professionnel. Mais l'Etat requis ne peut pas refuser de procéder à l'échange sous prétexte que ces renseignements ne lui sont d'aucune utilité pour le recouvrement de l'impôt sur son territoire. Enfin, le dernier paragraphe de la clause recèle une règle "magique" : la levée du secret bancaire.

A - Les formes d'échange

Le Modèle de convention de l'OCDE précise, dans ses commentaires, que l'échange de renseignements à des fins fiscales présente trois formes : un échange sur demande, pour un cas précis, étant bien entendu qu'il faut utiliser tout d'abord les sources habituelles de renseignements prévues par la procédure fiscale interne avant de présenter la demande de renseignements à l'autre Etat ; un échange automatique, par exemple quand les renseignements sur une ou plusieurs catégories de revenus ayant leur source dans un Etat contractant et encaissés dans l'autre Etat contractant sont transmis systématiquement à l'autre Etat (cette forme d'échange est usuelle parmi les Etats membres de l'UE -à quelques exceptions près-, depuis la Directive "épargne" 2003/48/CE du 3 juin 2003 N° Lexbase : L6608BH9 et la Directive "intérêts - redevances" 2003/49/CE du 3 juin 2003 N° Lexbase : L6609BHA) ; et un échange spontané, par exemple, lorsqu'un Etat a obtenu, au cours de certaines enquêtes, des renseignements qu'il suppose présenter un intérêt pour l'autre Etat.

Par principe, l'échange de renseignements prévu par les conventions signées par la France est toujours sur demande. Toutefois, quelques conventions font figure d'exception, et instaurent un échange automatique. C'est le cas dans quatre conventions : la Convention France - Autriche, signée le 26 mars 1993 (N° Lexbase : L6665BHC ; cf. l’Ouvrage "Conventions fiscales internationales" N° Lexbase : E4355EXL), la Convention France - Grèce, signée le 21 août 1963 (N° Lexbase : L6697BHI ; cf. l’Ouvrage "Conventions fiscales internationales" N° Lexbase : E8195ETP), la Convention France - Liban, signée le 24 juillet 1962 (N° Lexbase : L6714BH7 ; cf. l’Ouvrage "Conventions fiscales internationales" N° Lexbase : E8250ETQ), et la Convention France - Maroc, signée le 29 mai 1970 (N° Lexbase : L6722BHG ; cf. l’Ouvrage "Conventions fiscales internationales" N° Lexbase : E8271ETI), qui laissent aux autorités compétentes le soin de lister les renseignements qui seront échangés d'office et ceux qui le seront sur demande.

Dans la Convention France - Panama, signée le 30 juin 2011 (N° Lexbase : L8027ITH ; cf. l’Ouvrage "Conventions fiscales internationales" N° Lexbase : E8240ETD), en revanche, la possibilité d'un échange de renseignements spontané ou automatique est expressément exclue. Cette clause est originale, car elle reprend certains des commentaires de l'OCDE dans son Modèle, notamment en ce qui concerne la "pêche aux renseignements", et le fait que l'Etat requérant doit avoir épuisé tous ses outils internes avant d'envoyer une demande à l'Etat requis. En outre, elle prévoit des règles spécifiques en ce qui concerne les entités ou constructions légales enregistrées dans un Etat contractant mais qui n'y dégagent aucun revenu.

D'autres conventions fiscales ne prévoient aucune clause d'échange de renseignements. C'est le cas dans deux conventions : la Convention France - Arabie saoudite, signée le 18 février 1982 (N° Lexbase : L6661BH8 ; cf. l’Ouvrage "Droit fiscal" N° Lexbase : E8243ETH) et la Convention France - Bahreïn, signée le 10 mai 1993 (N° Lexbase : L7775IT7 ; cf. l’Ouvrage "Conventions fiscales internationales" N° Lexbase : E8244ETI).

B - Le secret bancaire

Depuis 2005, l'OCDE a intégré à son Modèle de convention fiscale, plus précisément à son article 26, concernant l'échange de renseignements, un paragraphe 5 visant à lever le secret bancaire.
Ce paragraphe est rédigé comme suit : "en aucun cas les dispositions du paragraphe 3 ne peuvent être interprétées comme permettant à un Etat contractant de refuser de communiquer des renseignements uniquement parce que ceux-ci sont détenus par une banque, un autre établissement financier, un mandataire ou une personne agissant en tant qu'agent ou fiduciaire ou parce que ces renseignements se rattachent aux droits de propriété d'une personne".

Ce paragraphe est repris comme tel dans 34 conventions signées par la France avec ses principaux partenaires (Convention France - Etats-Unis, signée le 31 août 1994 N° Lexbase : L5151IEI ; cf. l’Ouvrage "Convention fiscales internationales" N° Lexbase : E1932EU4, Convention France - Royaume-Uni, signée le 19 juin 2008 N° Lexbase : L7771ITY ; cf. l’Ouvrage "Conventions fiscales internationales" N° Lexbase : E1721EUB et Convention France - Japon, signée le 3 mars 1995 N° Lexbase : L6709BHX ; cf. l’Ouvrage "Conventions fiscales internationales" N° Lexbase : E8287ET4) et certains territoires "à risque" (Convention France - Suisse N° Lexbase : L6752BHK ; cf. l’Ouvrage "Conventions fiscales internationales" N° Lexbase : E3367EUA, Convention France - Luxembourg N° Lexbase : L6716BH9 ; cf. l’Ouvrage "Conventions fiscales internationales" N° Lexbase : E8201ETW, Convention France - Hong Kong N° Lexbase : L7772ITZ ; cf. l’Ouvrage "Conventions fiscales internationales" N° Lexbase : E0058EUP, Convention France - Singapour N° Lexbase : L6750BHH ; cf. l’Ouvrage "Conventions fiscales internationales" N° Lexbase : E8294ETD, Convention France - Malte N° Lexbase : L6721BHE ; cf. l’Ouvrage "Conventions fiscales internationales" N° Lexbase : E8202ETX, Convention France - Monaco N° Lexbase : L6726BHL ; cf. l’Ouvrage "Conventions fiscales internationales" N° Lexbase : E1799EU8, etc.). Cent conventions ne prévoient pas la levée du secret bancaire...

Il est intéressant de noter que, parmi celles qui rendent inopposable ce secret, seules neuf conventions ajoutent à cette clause d'échange de renseignements complète une clause d'assistance au recouvrement (Convention franco-australienne N° Lexbase : L7524ITT ; cf. l’Ouvrage "Conventions fiscales internationales" N° Lexbase : E8298ETI, franco-américaine, franco-japonaise, franco-luxembourgeoise N° Lexbase : L6716BH9 ; cf. l’Ouvrage "Conventions fiscales internationales" N° Lexbase : E8201ETW, Convention avec la Polynésie française, Saint-Barthélemy, Saint-Martin, la Suisse N° Lexbase : L6752BHK ; cf. l’Ouvrage "Conventions fiscales internationales" N° Lexbase : E3367EUA et le Togo N° Lexbase : L6762BHW ; cf. l’Ouvrage "Conventions fiscales internationales" N° Lexbase : E8278ETR).

Parmi les cent conventions qui laissent intactes le secret bancaire, le cas de quelques-unes doit être relevé. Ainsi, la Convention franco-allemande sur l'élimination de la double imposition sur les impôts sur les revenus (N° Lexbase : L7861ITC ; cf. l’Ouvrage "Conventions fiscales internationales" N° Lexbase : E4606EU7) ne prévoit pas l'inopposabilité du secret bancaire, alors que celle relative à l'élimination de la double imposition sur les impôts sur les successions et les donations (N° Lexbase : L7861ITC ; cf. l’Ouvrage "Conventions fiscales internationales" N° Lexbase : E4606EU7) la prévoit. Dans la Convention franco-belge (N° Lexbase : L6670BHI ; cf. l’Ouvrage "Conventions fiscales internationales" N° Lexbase : E1689EU4), le secret bancaire est expressément opposable. L'avenant du 7 juillet 2009 n'est, en effet, pas encore entré en vigueur.

A part ces deux particularités, les conventions signées par la France respectent plutôt le Modèle de l'OCDE, dans ses versions ante et post 2005.

Il convient cependant de pointer du doigt l'absence de levée du secret bancaire dans les conventions signées avec les pays suivants : Autriche, Bahreïn, Brésil (N° Lexbase : L6672BHL ; cf. l’Ouvrage "Conventions fiscales internationales" N° Lexbase : E4541EUQ), Chine (N° Lexbase : L6677BHR ; cf. l’Ouvrage "Conventions fiscales internationales" N° Lexbase : E8283ETX), Chypre (N° Lexbase : L6678BHS ; cf. l’Ouvrage "Conventions fiscales internationales" N° Lexbase : E8190ETI), Corée (N° Lexbase : L6681BHW ; cf. l’Ouvrage "Conventions fiscales internationales" N° Lexbase : E5044EX4), Emirats arabes unis (N° Lexbase : L6686BH4 ; cf. l’Ouvrage "Conventions fiscales internationales" N° Lexbase : E8245ETK), Equateur (N° Lexbase : L6687BH7 ; cf. l’Ouvrage "Conventions fiscales internationales" N° Lexbase : E8237ETA), Gabon, Grèce, Inde (N° Lexbase : L5152IEK ; cf. l’Ouvrage "Conventions fiscales internationales" N° Lexbase : E8285ETZ), Indonésie (N° Lexbase : L6701BHN ; cf. l’Ouvrage "Conventions fiscales internationales" N° Lexbase : E8286ET3), Irlande, Israël (N° Lexbase : L6705BHS ; cf. l’Ouvrage "Conventions fiscales internationales" N° Lexbase : E8247ETM), Jamaïque (N° Lexbase : L6708BHW ; cf. l’Ouvrage "Conventions fiscales internationales" N° Lexbase : E8238ETB), Koweït (N° Lexbase : L6712BH3 ; cf. l’Ouvrage "Conventions fiscales internationales" N° Lexbase : E8249ETP), Liban, Madagascar (N° Lexbase : L6717BHA ; cf. l’Ouvrage "Conventions fiscales internationales" N° Lexbase : E8300ETL), Niger (N° Lexbase : L6729BHP ; cf. l’Ouvrage "Conventions fiscales internationales" N° Lexbase : E8274ETM), Nigeria (N° Lexbase : L6730BHQ ; cf. l’Ouvrage "Conventions fiscales internationales" N° Lexbase : E8275ETN), Nouvelle-Zélande (N° Lexbase : L6733BHT ; cf. l’Ouvrage "Conventions fiscales internationales" N° Lexbase : E8301ETM), Nouvelle-Calédonie (N° Lexbase : L5155IEN ; cf. l’Ouvrage "Conventions fiscales internationales" N° Lexbase : E8113ETN), Pakistan (N° Lexbase : L6734BHU ; cf. l’Ouvrage "Conventions fiscales internationales" N° Lexbase : E8292ETB), Pays-Bas (N° Lexbase : L6735BHW ; cf. l’Ouvrage "Conventions fiscales internationales" N° Lexbase : E8204ETZ), Pologne (N° Lexbase : L6737BHY ; cf. l’Ouvrage "Conventions fiscales internationales" N° Lexbase : E8205ET3), Portugal (N° Lexbase : L6740BH4 ; cf. l’Ouvrage "Conventions fiscales internationales" N° Lexbase : E1718EU8), République tchèque (N° Lexbase : L8029ITK ; cf. l’Ouvrage "Conventions fiscales internationales" N° Lexbase : E8207ET7), Russie (N° Lexbase : L6747BHD ; cf. l’Ouvrage "Conventions fiscales internationales" N° Lexbase : E8223ETQ), Sénégal (N° Lexbase : L6759BHS ; cf. l’Ouvrage "Conventions fiscales internationales" N° Lexbase : E8277ETQ), etc..

De quoi faire réfléchir le Gouvernement avant une nouvelle salve de réprimandes et de signatures rapides d'accords dédiés à une lutte contre l'opacité, pourtant bien présente et préservée dans le réseau existant.

II - L'assistance au recouvrement

La clause relative à l'assistance au recouvrement est certainement l'une de celles qui respectent le moins la lettre du Modèle de l'OCDE. En effet, dans le réseau conventionnel français, lorsque cette clause existe, ce qui n'est le cas que dans quarante conventions (dont la Convention France - Albanie, signée le 24 décembre 2002 N° Lexbase : L7523ITS ; cf. l’Ouvrage "Conventions fiscales internationales" N° Lexbase : E8213ETD, la Convention France - Australie, signée le 20 juin 2006 N° Lexbase : L7524ITT ; cf. l’Ouvrage "Conventions fiscales internationales" N° Lexbase : E8298ETI, la Convention France - Etats-Unis, la Convention France - Guinée, signée le 15 février 1999 N° Lexbase : L8021ITA ; cf. l’Ouvrage "Conventions fiscales internationales" N° Lexbase : E8266ETC, la Convention France - Italie, signée le 5 octobre 1989 N° Lexbase : L6706BHT ; cf. l’Ouvrage "Conventions fiscales internationales" N° Lexbase : E1685EUX, la Convention France - Liban, la Convention France - Maroc, la Convention France - Norvège, signée le 19 décembre 1980 N° Lexbase : L6731BHR ; cf. l’Ouvrage "Conventions fiscales internationales" N° Lexbase : E8203ETY, la Convention France - Ouzbékistan, signée le 22 avril 1996 N° Lexbase : L7530IT3 ; cf. l’Ouvrage "Conventions fiscales internationales" N° Lexbase : E8291ETA, la Convention France - Sénégal, la Convention France - Suisse, etc.), elle modifie toujours une condition de délai, et la procédure à suivre.

La clause d'assistance au recouvrement est apparue en tant que telle dans la dernière mise à jour du Modèle de convention de l'OCDE, en janvier 2003. Auparavant, cette question était réglée par la convention multilatérale conjointe OCDE/Conseil de l'Europe sur l'assistance administrative mutuelle en matière fiscale, du 25 janvier 1988.

Cela explique en partie pourquoi 94 conventions, soit la majorité des conventions signées par la France, ne prévoient pas une telle clause. Toutefois, d'autres raisons justifient cette omission, pour les Etats ayant signé une convention ou un avenant à une convention après 2003. Par exemple, la Macédoine a expressément refusé l'insertion de l'article 28 du Modèle OCDE dans sa Convention avec la France (N° Lexbase : L7916ITD ; cf. l’Ouvrage "Conventions fiscales internationales" N° Lexbase : E8220ETM).

III - Le cas spécifique des conventions dédiées à l'assistance administrative

A - Les accords signés avec Saint-Martin, Saint-Barthélemy et la Polynésie française (TOM)

Le 1er mai 2011, trois accords passés entre la France et les territoires d'outre-mer de Saint-Martin, Saint-Barthélemy et la Polynésie française, et approuvés par une loi du 19 avril 2011 (LO n° 2011-416 N° Lexbase : L9977IP9), sont entrés en vigueur.

Ces trois accords prévoient deux choses : en premier lieu, une clause d'échange de renseignements, conforme à celle proposée par l'article 26 du Modèle de l'OCDE, et qui va même plus loin. En effet, elle prévoit que l'échange s'opère soit d'office, soit sur demande, comme dans les Conventions franco-autrichienne, franco-grecque, franco-marocaine et franco-libanaise. En second lieu, ces accords instaurent une assistance en matière de recouvrement des impôts, très proche de celle prévue par le Modèle de l'OCDE.

C'est donc, en réalité, une reprise des deux clauses du Modèle qu'opère la France dans ces accords. Il est étonnant de noter que la France a, le même jour (le 19 avril 2011), par le biais de la même loi, approuvé une convention tendant à éliminer la double imposition avec Saint-Martin. La séparation de ces deux textes vise peut-être à renforcer l'Accord. De même, avec la Polynésie française, la France avait déjà une Convention fiscale qui date du 28 mars 1957 (N° Lexbase : L8028ITI ; cf. l’Ouvrage "Conventions fiscales internationales" N° Lexbase : E3703EYS).

B - Les récents accords signés avec les "paradis fiscaux"

Comme dans la plupart des sujets juridiques, sur l'appellation de "paradis fiscal", il y a deux écoles : ceux qui considèrent qu'ils existent, et ceux qui pensent qu'ils n'existent pas. Pour des raisons de commodités rédactionnelles, nous utiliserons ce terme.

Depuis la crise financière de 2008, qui fait ressentir ses effets encore aujourd'hui, et encore pour quelques temps, l'OCDE, le G20 et l'Union européenne, notamment, livrent une guerre sans merci à la fraude fiscale. L'OCDE a établi une liste noire des Etats et territoires non coopératifs. La France a fait de même. Le critère, pour échapper à ce listing, est la signature d'au moins douze conventions fiscales prévoyant une assistance administrative. La France, notamment durant l'année 2011, a signé, dans ce cadre, onze conventions fiscales dédiées à cette assistance, c'est-à-dire qu'elles ne remplissent pas leur mission première d'élimination de la double imposition. Ces conventions ont été signées avec les Etats suivants : Anguilla (N° Lexbase : L8015ITZ ; cf. l’Ouvrage "Conventions fiscales internationales" N° Lexbase : E0117EUU), les Antilles néerlandaises (N° Lexbase : L0404IUI ; cf. l’Ouvrage "Conventions fiscales internationales" N° Lexbase : E0061EUS), Aruba (N° Lexbase : L6109IW8 ; cf. l’Ouvrage "Conventions fiscales internationales" N° Lexbase : E2279EY3), le Costa Rica (N° Lexbase : L8018IT7 ; cf. l’Ouvrage "Conventions fiscales internationales" N° Lexbase : E4843EUW), Dominique (N° Lexbase : L8019IT8 ; cf. l’Ouvrage "Conventions fiscales internationales" N° Lexbase : E0062EUT), Grenade (N° Lexbase : L8020IT9 ; cf. l’Ouvrage "Conventions fiscales internationales" N° Lexbase : E0056EUM), les Iles Cook (N° Lexbase : L8022ITB ; cf. l’Ouvrage "Conventions fiscales internationales" N° Lexbase : E0057EUN), l'Ile de Man (N° Lexbase : L8034ITQ ; cf. l’Ouvrage "Conventions fiscales internationales" N° Lexbase : E0063EUU), les Iles Turques et Caïques (N° Lexbase : L8023ITC ; cf. l’Ouvrage "Conventions fiscales internationales" N° Lexbase : E0042EU4), Jersey (N° Lexbase : L2670IWS ; cf. l’Ouvrage "Conventions fiscales internationales" N° Lexbase : E6156EXB) et le Libéria (N° Lexbase : L8025ITE ; cf. l’Ouvrage "Conventions fiscales internationales" N° Lexbase : E0118EUW).

Que prévoient ces accords ?

Ces accords, tous rédigés selon le même modèle, prévoient des clauses proches du Modèle OCDE. Ainsi, l'échange de renseignements est organisé, dans des clauses qui détaillent un peu plus le texte strict du Modèle. Toutefois, il est important de noter qu'à aucun moment le secret bancaire n'est expressément exclu. Ainsi, l'Etat n'a pas à violer son droit interne pour fournir à l'Etat requérant les informations qu'il lui demande. De même, un paragraphe prévoit que le secret commercial, industriel ou professionnel, et celui qui couvre un procédé commercial, est protégé. Les accords précisent que les correspondances entre un avocat et son client sont couvertes par ce secret. Il n'est pas question des établissements financiers. Toutefois, le texte des accords indiquent que les Etats modifient leur législation afin qu'elle leur permette de fournir à l'Etat requérant les renseignements portant sur :

- les propriétaires juridiques et les bénéficiaires effectifs des sociétés, sociétés de personnes, fonds de placement collectif et autres personnes ;
- les constituants, les fiduciaires, les bénéficiaires et les tiers protecteurs dans une fiducie ;
- les fondateurs, les membres du conseil de la fondation et les bénéficiaires dans le cas des fondations.

Encore une fois, il semble que certaines structures soient considérées comme "dignes de méfiance", comme les trusts, les FCP et les fondations, mais le secret bancaire n'est pas inquiété.

L'échange de renseignements est effectué soit sur demande, soit de façon spontanée. La méthode automatique est donc implicitement écartée.

Ainsi, concernant l'échange de renseignements, ces accords vont moins loin que ce que prévoit le Modèle de l'OCDE. Cela est d'autant plus étonnant que les pays partenaires de la France sur ces accords sont considérés comme des paradis fiscaux.

A d'autres égards, pourtant, les accords vont plus loin que le Modèle, notamment en prévoyant une possibilité, pour un Etat, d'envoyer ses agents dans l'autre Etat afin qu'ils y effectuent des enquêtes, interrogent des personnes et prennent connaissance de documents.

Cette clause semble remplacer, en quelque sorte, l'absence marquante de celle relative à l'assistance au recouvrement. En effet, une telle assistance n'est pas prévue. Les enquêtes à l'étranger pallient-elles à ce manque ? Certainement pas, car si les agents de l'Etat requérant pourraient être plus soucieux de l'efficacité de leur action que ceux de l'Etat requis, surtout si l'enquête en question risque d'entraîner une fuite de capitaux de son territoire, la non-assurance de ce que l'impôt sera effectivement mis en recouvrement dans l'Etat requis pour le compte de l'Etat requérant est un défaut important de ce type d'accord.

Il convient donc de s'interroger sur l'intérêt de ce type de convention, signée rapidement dans un contexte de lutte contre les paradis fiscaux. Les clauses de ces textes protègent-elles vraiment le pouvoir d'imposer de la France ? L'avenir le dira, mais le présent laisse planer un doute décevant.


(1) Pour une étude d'ensemble et synthétique sur certaines données, voir ce tableau.
(2) Il est à noter qu'il ne sera pas fait mention ici des relations de la France avec Taïwan, ces dernières découlant de la loi de finances rectificative pour 2010 (loi n° 2010-1658 du 29 décembre 2010 N° Lexbase : L9902IN3 ; voir N° Lexbase : E2530EYD), ni des relations entre le Danemark et la France, puisque le Danemark a dénoncé sa convention fiscale avec effet au 1er janvier 2009 (pour plus d'informations, lire France - Danemark : des relations fiscales pas très conventionnelles - Questions à Maximilien Jazani, Managing Partner, Manswell, Lexbase Hebdo n° 527 du 15 mai 2013 - édition fiscale N° Lexbase : N7003BTK ; et voir N° Lexbase : E8191ETK).

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