Réf. : Cass. civ. 3, 25 mai 2022, n° 21-15.736, F-D N° Lexbase : A56487YT
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par Juliette Mel, Docteur en droit, Avocat associé, M2J Avocats, Chargée d’enseignements à l’UPEC et Paris Saclay, Responsable de la commission Marchés de Travaux, Ordre des avocats
le 09 Juin 2022
► Dans les marchés privés, la procédure des comptes entre les parties est conventionnelle ; ce sont donc les parties qui fixent les modalités de décompte et les sanctions applicables ; si aucune sanction n’est prévue dans le contrat, le dépassement des délais n’est pas sanctionné par ce que le contrat ne dit pas.
En fin de chantier, l’entreprise adresse à son donneur d’ordre, le maître d’ouvrage et/ou au maître d’œuvre et/ou à une autre entreprise si elle intervient dans le cadre d’une sous-traitance, un projet de décompte général dans lequel elle récapitule les sommes qu’elle estime lui être dues, que ce soit au titre du solde de son marché de base, de travaux supplémentaires, validés ou non, ou encore d’une réclamation, par exemple pour prolongation de délais.
À cette occasion, se nouent souvent des contentieux, notamment sur les délais de contestations accordés à celui qui reçoit le projet mais, également, à l’entreprise pour éventuellement contester, à son tour, la contestation. Ces délais, même encadrés par les stipulations du marché de l’entreprise, suscitent des difficultés d’interprétations liés aux enjeux financiers de ce décompte pour les parties, alors, que dire si aucun délai n’est stipulé !
En l’espèce, le contrat d’entreprise précisait la procédure applicable pour le paiement des travaux, notamment l’envoi du mémoire définitif de l’entreprise au maître d’ouvrage et au maître d’œuvre dans le délai de soixante jours à compter de la réception des travaux ou de la résiliation du marché, l’examen du mémoire par le maître d’œuvre dans les quarante-cinq jours à compter de sa réception puis la notification de la contestation par le maître d’ouvrage, à défaut de quoi ce dernier est réputé l’accepter.
La cour d’appel de Rennes, dans un arrêt du 4 mars 2021 (CA Rennes, 4 mars 2021, n° 18/07056 N° Lexbase : A79004IG) rejette la demande de l’entreprise, faute pour elle d’avoir adressé le décompte au maître d’œuvre et à l’entreprise dans un certain délai. La Haute juridiction censure. La stipulation contractuelle sur laquelle la cour d’appel se fonde ne prévoit aucune sanction, il n’y a donc pas lieu de sanctionner.
La solution n’est pas nouvelle. La force obligatoire de ces délais d’acceptation et de contestation du projet de décompte, souvent mentionnés dans ce qu’il est usuel de dénommer le CCAG, comme par exemple la NFP-03-001 nécessite une stipulation claire, c’est-à-dire une contractualisation (pour exemple, Cass. civ. 3, 8 février 2018, n° 17-10.039, FS-P+B N° Lexbase : A6713XCM). C’est d’ailleurs pour cette raison qu’il est parfaitement possible d’y déroger par des stipulations contraires (Cass. civ. 3, 26 novembre 2014, n° 13-24.888, FS-P+B N° Lexbase : A5425M4P ou, plus récemment, Cass. civ. 3, 14 janvier 2021, n° 18-23.355, F-D N° Lexbase : A72224CH).
Il a ainsi été jugé que l’établissement et la notification du décompte par le maître d’ouvrage ne permettaient pas de se prévaloir de l’acceptation tacite de l’entreprise, si le maître d’ouvrage n’avait pas respecté les dispositions contractuelles permettant de faire établir le mémoire par le maître d’œuvre (Cass. civ. 3, 25 mai 2011, n° 10-19.271, FS-P+B N° Lexbase : A8772HSP).
Par un raisonnement à rebours, le silence gardé par l’entreprise peut valoir décision implicite de rejet ou d’accord lorsque les stipulations du contrat le prévoient (pour exemple Cass. civ. 3, 31 octobre 2001, n° 99-13.004, publié au bulletin N° Lexbase : A9912AWZ ; Cass. civ. 3, 8 février 2018, n° 17-10.039, FS-P+B N° Lexbase : A6713XCM, Lexbase Droit privé, n° 733, 8 mars 2018 obs. J. Mel N° Lexbase : N2961BXX).
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