Le Quotidien du 14 avril 2022 : Autorité parentale

[Brèves] Refus d’octroi d’un DVH à l’ex-épouse de la mère : l’appréciation des juges du fond sanctionnée par la CEDH

Réf. : CEDH, 7 avril 2022, Req. 2338/20, Callamand c/ France N° Lexbase : A39737TC

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N1161BZZ

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par Anne-Lise Lonné-Clément

le 13 Avril 2022

► Le rejet, par les juridictions françaises, de la demande d’obtenir un droit de visite et d’hébergement de l’enfant de son ancienne conjointe a emporté violation du droit au respect de la vie privée et familiale de la requérante ;

la CEDH souligne, d’une part, qu’il est difficile de déceler dans le raisonnement de la cour d’appel de Bordeaux, qui n’avait pas estimé nécessaire de procéder à une évaluation psychologique de l’enfant, la raison pour laquelle elle s’est séparée de l’appréciation du tribunal de grande instance de Bordeaux et du ministère public quant à l’issue à réserver à la demande de la requérante ; elle note, d’autre part, que les motifs de l’arrêt de la cour d’appel ne démontrent pas qu’un juste équilibre ait été ménagé entre l’intérêt de la requérante à la préservation de sa vie privée et familiale et l’intérêt supérieur de l’enfant ; elle conclut donc à une violation de l’article 8 de la Convention.

L’affaire concernait le rejet de la demande de la requérante française tendant à l’obtention d’un droit de visite et d’hébergement de l’enfant de son ancienne conjointe, qui avait été conçue par assistance médicale à la procréation.

Il faut savoir que le fondement d’une telle demande siège à l’article 371-4, alinéa 2, du Code civil N° Lexbase : L8011IWM aux termes duquel : « Si tel est l'intérêt de l'enfant, le juge aux affaires familiales fixe les modalités des relations entre l'enfant et un tiers, parent ou non, en particulier lorsque ce tiers a résidé de manière stable avec lui et l'un de ses parents, a pourvu à son éducation, à son entretien ou à son installation, et a noué avec lui des liens affectifs durables. »

Pour rappel, la Cour de cassation a eu l’occasion d’indiquer que ces dispositions ne confèrent pas un « droit de principe » pour le parent d’intention de maintenir des liens avec l’enfant qu’il a élevé, et qu’en cela ce texte est compatible avec les principes issus des articles 8 N° Lexbase : L4798AQR et 14 N° Lexbase : L4747AQU de la CEDH et 3, § 1, de la Convention internationale des droits de l’enfant N° Lexbase : L6807BHL (Cass. civ. 1, 6 novembre 2019, n° 19-15.198, FS-P+B+I N° Lexbase : A3962ZUB ; Cass. civ. 1, 24 juin 2020, n° 19-15.198, F-P+B+I N° Lexbase : A33673PE ; v. A. Gouttenoire, L’ex-concubine de la mère n’est pas titulaire d’un droit à entretenir des relations avec l’enfant après la séparation, Lexbase Droit privé, juillet 2020, n° 833 N° Lexbase : N4274BYX).

Il en résulte que ce droit (qui n’est pas de principe) est soumis à l'appréciation du juge en considération de l'intérêt supérieur de l'enfant (v. Cass. civ. 1, 24 juin 2020, n° 19-15.198, F-P+B+I, précité).

C’est donc dans ce cadre que la Cour de cassation, dans la présente affaire jugée par la CEDH, s’en était remise à l’appréciation souveraine des juges du fond, qui avaient estimé qu’il n’était pas de l’intérêt actuel de l’enfant de maintenir des liens avec l’ex-épouse de la mère, et qu’il y avait lieu de rejeter la demande d’attribution d’un droit de visite et d’hébergement sur l’enfant (Cass. civ. 1, 26 juin 2019, n° 18-17.767, F-D N° Lexbase : A2995ZHE : selon la Cour suprême, ayant relevé, d’abord, que l’intéressée, qui n’avait été qu’associée au projet de maternité de la mère, n’avait pas tenu à établir de liens de droit durables avec l’enfant, n’ayant engagé aucune procédure d’adoption de l’enfant pendant le temps de son mariage, ensuite, qu’elle n’avait élevé cette dernière que jusqu’à l’âge de deux ans, celle-ci ne démentant pas que le quotidien de l’enfant était pris en charge par sa mère, enfin, qu’elle n’établissait pas pouvoir accueillir sereinement l’enfant, alors que celle-ci paraissait souffrir de la situation de conflit liée à la séparation du couple, la cour d’appel avait souverainement estimé qu’il n’était pas de l’intérêt actuel de l’enfant de maintenir des liens avec elle, et qu’il y avait lieu de rejeter la demande d’attribution d’un droit de visite et d’hébergement sur l’enfant).

C’est alors que l’intéressée a décidé de faire valoir sa demande devant la CEDH. Elle obtient gain de cause.

Après avoir relevé qu’il existait entre la requérante et l’enfant des liens personnels effectifs bénéficiant de la protection de l’article 8 de la Convention N° Lexbase : L4798AQR, la Cour a noté que la requérante ne demandait ni d’établir un lien de filiation ni d’obtenir le partage de l’autorité parentale, mais seulement la possibilité de continuer à voir, de temps en temps, une enfant à l’égard de laquelle elle avait agi en se considérant comme un coparent pendant plus de deux ans depuis sa naissance.

La Cour souligne, d’une part, qu’il est difficile de déceler dans le raisonnement de la cour d’appel de Bordeaux, qui n’avait pas estimé nécessaire de procéder à une évaluation psychologique de l’enfant, la raison pour laquelle elle s’est séparée de l’appréciation du tribunal de grande instance de Bordeaux et du ministère public quant à l’issue à réserver à la demande de la requérante. Elle note, d’autre part, que les motifs de l’arrêt de la cour d’appel ne démontrent pas qu’un juste équilibre ait été ménagé entre l’intérêt de la requérante à la préservation de sa vie privée et familiale et l’intérêt supérieur de l’enfant. Elle conclut donc à une violation de l’article 8 de la Convention.

En ce qui concerne le grief de discrimination fondée sur l’orientation sexuelle, présenté par la requérante, la Cour, après avoir relevé qu’il n’avait pas été soulevé devant le juge interne, conclut que l’exigence d’épuisement des voies de recours internes n’est pas remplie.

Pour aller plus loin : on relèvera que ce type de contentieux donne lieu à une jurisprudence abondante de la Cour de cassation, laquelle opère un contrôle (limité) de l’appréciation des juridictions du fond ; les décisions concernent tout autant des demandes d’ex-conjoint, d’ex-partenaires de PACS, ou d’ex-concubins, et se prononcent tant en faveur d’un octroi, que d’un refus d’octroi, de DVH ; v. ÉTUDE : L'autorité parentale sur la personne de l'enfant, spéc. L'entretien de relations personnelles des enfants avec leurs ascendants ou autres personnes, parents ou non, in L’Autorité parentale (dir. A. Gouttenoire), Lexbase N° Lexbase : E5810EYT.

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