La lettre juridique n°896 du 3 mars 2022 : Procédure civile

[Textes] Énième décret de procédure civile : annexe à la déclaration d’appel, médiation, etc.

Réf. : Décret n° 2022-245 du 25 février 2022 favorisant le recours à la médiation, portant application de la loi pour la confiance dans l'institution judiciaire et modifiant diverses dispositions N° Lexbase : L5564MBP

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par Charles Simon, avocat au Barreau de Paris, administrateur de l’AAPPE et de Droit & Procédure

le 02 Juin 2022

Mots-clés : procédure civile • déclaration d’appel • médiation • article 700 • saisine du tribunal judiciaire • injonction de payer

La Chancellerie propose un nouveau patchwork de réformes de la procédure civile. Les points saillants concernent l’annexe à la déclaration d’appel ; la médiation et l’obligation de recours à un préalable amiable avant la saisine du tribunal judiciaire en cas de trouble anormal du voisinage.


 

Alors que l’ensemble des acteurs, magistrats, greffiers, avocats, universitaires, demandent une pause dans les réformes incessantes de la procédure civile, la Chancellerie, en bon Shadock, accélère.

Après les décrets

  • n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 « réformant la procédure civile » N° Lexbase : L8421LT3 ;
  • n° 2019-1419 du 20 décembre 2019 « relatif à la procédure accélérée au fond devant les juridictions judiciaires » N° Lexbase : L1578LUY ;
  • n° 2020-1452 du 27 novembre 2020 « portant diverses dispositions relatives notamment à la procédure civile et à la procédure d'indemnisation des victimes d'actes de terrorisme et d'autres infractions » N° Lexbase : L2353L8N ;
  • et n° 2021-1322 du 11 octobre 2021 « relatif à la procédure d'injonction de payer, aux décisions en matière de contestation des honoraires d'avocat et modifiant diverses dispositions de procédure civile » N° Lexbase : L4794L83 ;

voici venu le temps du décret n° 2022-245 du 25 février 2022 « favorisant le recours à la médiation, portant application de la loi pour la confiance dans l’institution judiciaire et modifiant diverses dispositions ».

En l’espace d’un peu plus de deux ans, ce sont ainsi cinq décrets d’importance diverse que les praticiens ont dû digérer, garantissant, au passage, que leurs codes papier ne soient jamais à jour.

Ces praticiens risquent à nouveau d’être frappés de sidération à la lecture de cet énième décret de procédure civile et des deux arrêtés qui l’accompagnent, arrêté du 24 février 2022 pris en application de l’article 1411 du Code de procédure civile N° Lexbase : L5665MBG et arrêté du 25 février 2022 modifiant l’arrêté du 20 mai 2020 relatif à la communication par voie électronique en matière civile devant les cours d’appel N° Lexbase : L5628MB3.

C’est en effet un festival entre annexe à la déclaration d’appel (I) ; médiation (II) ; article 700 du CPC (III) ; obligation d’un préalable amiable avant la saisine du tribunal judiciaire (IV) ; apposition de la formule exécutoire par le greffe en cas d’accord issue d’une médiation, une conciliation ou une procédure participative contresigné par avocat (V) ; injonctions de payer (VI) et autres menus détails (VII). Le tout dans un style plus ou moins heureux.

I. Annexe à la déclaration d’appel

A. Reconnaissance textuelle de l’annexe à la déclaration d’appel

À tout seigneur tout honneur. Si l’annexe à la déclaration d’appel n’apparaît pas dans le titre du décret n° 2022-245 du 25 février 2022, c’est bien la disposition la concernant qui devrait intéresser le plus les praticiens. Cette disposition est pour le moins subreptice et cryptique.

L’article 901 du Code de procédure civile N° Lexbase : L5415L83 est modifié de la façon suivante (modifications entre ***) :

« la déclaration d'appel est faite par acte***, comportant le cas échéant une annexe,*** contenant, outre les mentions prescrites par les 2° et 3° de l'article 54 N° Lexbase : L8645LYT et par le cinquième alinéa de l'article 57 N° Lexbase : L9288LT8… »

Cette nouvelle rédaction est applicable y compris aux procédures en cours.

En complément, les articles 3 et 4 de l’arrêté du 20 mai 2020 relatif à la communication par voie électronique en matière civile devant les cours d’appel N° Lexbase : L1630LXN sont également modifiés de la façon suivante par l’arrêté du 25 février 2022 accompagnant le décret :

« le message de données relatif à l’envoi d'un acte de procédure remis par la voie électronique est constitué d’un fichier au format XML destiné à faire l'objet d'un traitement automatisé par une application informatique du destinataire.

« ***Lorsque ce fichier est une déclaration d’appel, il comprend obligatoirement les mentions des alinéas 1 à 4 de l'article 901 du Code de procédure civile. En cas de contradiction, ces mentions prévalent sur celles mentionnées dans le document fichier au format PDF visé à l’article 4*** [c’est-à-dire l’annexe à la déclaration d’appel]. »

« Lorsqu’un document doit être joint à un acte, ***ledit acte renvoie expressément à ce document.***« ***Ce document*** est communiqué sous la forme d’un fichier séparé ***du*** fichier ***visé à l'article 3***. Ce document est un fichier au format PDF, produit soit au moyen d’un dispositif de numérisation par scanner si le document à communiquer est établi sur support papier, soit par enregistrement direct au format PDF au moyen de l’outil informatique utilisé pour créer et conserver le document original sous forme numérique.

On comprend qu’il s’agit là de couper court à l’émoi provoqué par un arrêt récent de la Cour de cassation du 13 janvier 2022 qui déniait toute valeur à l’annexe à la déclaration d’appel (Cass. civ. 2, 13 janvier 2022, n° 20-17.516, FS-B N° Lexbase : A14867IU.

Il en a déjà été question dans ces pages [1].

B. Le problème à résoudre

Pour rappel, le problème est le suivant : lorsque l’avocat régularise une déclaration d’appel par RPVA, il doit remplir un formulaire en-ligne peu pratique (espace limité ; pas de mise en page possible), produisant un fichier informatique particulièrement inesthétique. Certains avocats ont donc eu l’idée de remplir a minima le formulaire en-ligne, en particulier le champ « objet/portée de l’appel », et de joindre une « annexe » au format PDF reprenant la forme des anciennes déclarations d’appel-papier.

Le souci est, bien sûr, que cela rend largement inutile le formulaire en-ligne puisque son objectif est de permettre de gagner du « temps de greffe » en automatisant la création d’un nouveau fichier dit récapitulatif à partir des informations que l’avocat a remplies. C’est ce fichier récapitulatif qui tient lieu de déclaration d’appel selon l’article 8 de l’arrêté du 20 mai 2020.

Car, de façon étonnante, la déclaration d’appel n’est pas le fichier que l’avocat envoie, mais l’acte que le greffe génère automatiquement, après enregistrement (Cass. civ. 2, 6 décembre 2018, n° 17-27.206, F-P+B N° Lexbase : A7887YPS). Cela est contraire à toute logique et au texte de l’article 901 du Code de procédure civile (« la déclaration d'appel est faite par acte… signée par l'avocat constitué… Elle est remise au greffe… »). Mais la logique et les textes n’arrêtent pas actuellement la Chancellerie.

Quoi qu’il en soit, dans son arrêt du 13 janvier 2022, la Cour de cassation a confirmé une cour d’appel qui avait estimé n’être saisie de rien car les chefs critiqués du jugement se trouvaient dans l’annexe et non dans la déclaration d’appel générée à partir des informations portées dans le formulaire en-ligne. La Cour de cassation retient, en particulier, que l’appelant n’alléguait pas un empêchement technique à renseigner la déclaration justifiant le recours à une annexe.

C. Une réponse qui ne résout sans doute rien

On comprend donc que le décret et l’arrêté du 25 février 2022 visent à revenir sur cette jurisprudence. Mais les modifications apportées vont-elles permettre de mettre fin au problème rencontré ? Rien n’est moins sûr.

En effet, les expressions « le cas échéant » ; « lorsqu’un document doit être joint à un acte » laissent entendre que l’avocat n’est pas libre de choisir entre remplir le formulaire en-ligne ou fournir une annexe. Le recours à l’annexe demeure bien subsidiaire et doit être justifié, ce que confirme le fait que l’article 3 de l’arrêté du 20 mai 2020 énonce toujours que « [le fichier XML issu des informations renseignées dans le formulaire en-ligne] comprend obligatoirement les mentions des alinéas 1 à 4 de l'article 901 du code de procédure civile » et donc les chefs de jugement critiqués (CPC. art. 901 4°).

Il est donc possible que, même après cette modification textuelle, la Cour de cassation maintienne sa position. C’est ainsi sans doute beaucoup de bruit pour rien comme certains commentateurs l’indiquent déjà [2].

II. Médiation

La médiation est la partie quantitativement la plus importante du décret n° 2022-245 du 25 février 2022.

Sans prétendre à l’exhaustivité, on retiendra plus particulièrement quatre points :

  • la possibilité ouverte au juge d’enjoindre aux parties de rencontrer un médiateur (A);
  • les nouvelles modalités de fixation de la rémunération du médiateur (B);
  • le versement de la provision directement entre les mains du médiateur (C);
  • et la consécration de la médiation devant la Cour de cassation (D).

A. La possibilité pour le juge d’enjoindre aux parties de rencontrer un médiateur

Concernant le premier point, le juge a désormais expressément le pouvoir d’enjoindre aux parties de rencontrer un médiateur. Mais il ne peut pas les forcer à entrer en médiation. Il ne s’agit donc bien que de les contraindre à en apprendre plus sur la médiation, en espérant que cela les incite à sauter le pas et à en entamer effectivement une. Il est précisé que la décision du juge est une mesure d'administration judiciaire.

Dans la pratique, un certain nombre de juges s’arrogeaient déjà ce pouvoir. C’est la poursuite du développement punitif des modes alternatifs de règlement des litiges, alors que l’interrogation des parties sur l’opportunité du recours à un tel mode de règlement des litiges débouchait jusqu’à présent souvent sur un refus de principe. Peut-être les refus seront-ils tout aussi nombreux demain mais le juge aura la satisfaction de savoir que les parties ont d’abord dû rencontrer un médiateur avant de lui dire non.

On notera qu’aucune sanction n’est attachée au non-respect par les parties de l’injonction que le juge leur a faite.

Enfin, la précision que cette « décision » du juge serait une mesure d’administration judiciaire paraît superflue. En effet, le juge ne tranchant rien ici, on comprend mal le qualificatif de « décision » et comment quiconque pourrait penser en faire appel, sauf à s’engager dans une stratégie dilatoire forcenée. Nous laissons de côté la partie mal lunée qui fera appel dans tous les cas, y compris lorsque les textes lui disent qu’elle n’en a pas le droit.

B. Les modalités de fixation de la rémunération du médiateur

Concernant le deuxième point et les nouvelles modalités de fixation de la rémunération du médiateur, jusqu’à présent, la façon dont cette rémunération était fixée était nébuleuse. On pouvait simplement observer en pratique que, généralement, les sommes demandées finalement par le médiateur correspondaient peu ou prou aux provisions que les parties avaient déjà acquittées.

La nouvelle rédaction de l’article 131-13 du Code de procédure civile N° Lexbase : L5986MBC vise à corriger ce flou, en prévoyant désormais que la rémunération du médiateur est fixée, à l'issue de sa mission, en accord avec les parties. À défaut d’accord, la rémunération du médiateur est fixée par le juge.

Les praticiens verront à l’usage si cette nouvelle façon de procéder est source de litige entre médiateurs et parties.

C. Le versement de la provision directement entre les mains du médiateur

Concernant le troisième point, l’article 131-3 du Code de procédure civile N° Lexbase : L5817IRU indique désormais que la provision à valoir sur la rémunération du médiateur est versée entre les mains de ce dernier. Il n’y a donc plus lieu à consignation entre les mains de la régie d’avances et de recettes du tribunal, ce qui permettra encore de gagner du « temps de greffe » puisqu’il s’agit, manifestement, de l’unité de mesure de l’intérêt des réformes de la procédure civile pour la Chancellerie.

De façon logique, la nouvelle rédaction de l’article 131-13 du Code de procédure civile prévoit que, si le juge fixe la rémunération du médiateur à un montant inférieur à celui demandé par le médiateur, celui-ci restitue, s’il y a lieu, le trop versé.

D. Médiation devant la Cour de cassation

Enfin, concernant le quatrième point, l’article 1012 du Code de procédure civile N° Lexbase : L5916MBQ prévoit que, devant la Cour de cassation, un médiateur peut être désigné après recueil de l'accord des parties. Il est précisé que la décision ordonnant la médiation est prise après le dépôt des mémoires, soit potentiellement six mois après la date du pourvoi (quatre mois pour le mémoire ampliatif et deux mois pour le mémoire en défense aux termes des articles 978 N° Lexbase : L7856I4Q et 982 N° Lexbase : L1186H4P du Code de procédure civile).

Comme souvent, la Cour de cassation se hâte donc avec lenteur. Là encore, il faudra voir à l’usage ce qu’il en sort et s’il s’agit d’une innovation utile ou d’une énième fausse bonne idée.

III. L’article 700 du Code de procédure civile

L’article 700 du Code de procédure civile N° Lexbase : L5913MBM est modifié pour permettre aux parties de « produire les justificatifs des sommes qu'elles demandent ». On avouera que cet ajout laisse pantois : le fait qu’il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention est en effet un principe directeur du procès aux termes de l’article 9 du Code de procédure civile N° Lexbase : L1123H4D.

Cet ajout fait, en réalité, écho à d’autres ajouts identiques disséminés dans d’autres textes par l’article 48 de la loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l'institution judiciaire N° Lexbase : L3146MAR (C. proc. pén.,216 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L1341MAW en matière d’arrêts de la Chambre de l’instruction ; CJA, art. L. 761-1 du Code de justice administrative N° Lexbase : L1303MAI devant toutes les juridictions administratives…).

La procédure civile relevant du domaine réglementaire, un décret était nécessaire pour implémenter cet ajout aussi à l’article 700 du Code de procédure civile. art.

À quoi sert-il ? Il se dit que l’idée est de permettre aux avocats de verser leurs factures aux débats afin de justifier des « frais irrépétibles » selon l’expression consacrées. Mais cela pose un certain nombre de problèmes puisqu’aussi bien la date que le libellé des factures peuvent révéler des informations sensibles, en particulier sur la stratégie des parties. Il se murmure donc que les instances représentatives de la profession d’avocat auraient été frileuses à aller plus loin dans ce qu’il est possible, voire ce qui doit être communiqué pour justifier des demandes d’article 700. Le résultat est ainsi un texte dont l’utilité est discutable.

À voir si les choses évoluent à brève échéance sur ce point, avec la restitution des États généraux de la justice qui doivent aussi traiter de la question de l’article 700.

IV. Obligation d’un préalable amiable avant la saisine du tribunal judiciaire

Une des innovations des dernières réformes de la procédure civile est de limiter l’accès au tribunal judiciaire en obligeant le demandeur à mettre d’abord en œuvre un mode de règlement amiable des litiges dans certains cas. Cette obligation résulte soit du montant des demandes soit de la matière. C’est l’article 750-1 du Code de procédure civile qui la prévoit. Le décret n° 2022-245 du 25 février 2022 complète tout à la fois les matières concernées et les exceptions.

A. Extension de l’obligation d’un préalable amiable aux troubles anormaux du voisinage

Le trouble anormal de voisinage est désormais couvert par l’obligation de recours à procédure amiable préalable. Cela n’est pas sans poser une difficulté : le trouble anormal de voisinage est une notion purement jurisprudentielle, dérivée de l’article 1240 du Code civil N° Lexbase : L0950KZ9, même si la doctrine note qu’elle s’achemine doucement vers une reconnaissance législative [3]. La Cour de cassation qualifie le trouble anormal de voisinage de « principe » (Cass. civ. 3, 20 mai 2021, n° 20-11.926, F-D N° Lexbase : A80034S9), c’est dire la nature gazeuse de la notion.

Comment donc reconnaître un trouble du voisinage ? A priori en se reportant aux termes de la saisine du demandeur. Soit elle indiquera se fonder sur un trouble de voisinage et il n’y aura pas de débat, soit elle ne l’indiquera pas et un débat pourra s’ouvrir pour une éventuelle requalification du fondement de la demande en trouble anormal de voisinage, nécessitant la mise en œuvre d’un mode amiable de règlement des litiges avant la saisine du tribunal. Il sera en tout cas intéressant de voir si de cette consécration textuelle du trouble de voisinage au profit d’un texte de procédure pousse à une définition textuelle de cette notion en droit substantiel.

À noter que l’obligation de recours à procédure amiable préalable en cas de troubles de voisinage est applicable aux procédures en cours. Cela n’a, semble-t-il aucun sens. Si la demande était recevable lorsqu’elle a été introduite devant le tribunal, elle ne peut pas devenir irrecevable a posteriori, du fait du non-accomplissement d’une obligation qui n’existait pas jusqu’alors.

Pour ramener de la cohérence, il faut revenir aux principes. En effet, dans un avis, la Cour de cassation a rappelé tout d'abord que, selon « les principes généraux du droit transitoire, […] en l'absence de disposition spéciale, les lois relatives à la procédure et aux voies d'exécution sont d'application immédiate ». Mais elle précise immédiatement que, « si [ces lois] sont applicables aux instances en cours, elles n'ont pas pour conséquence de priver d'effet les actes qui ont été régulièrement accomplis, sous l'empire de la loi ancienne » (Cass. avis, 22 mars 1999, 99-00.001).

Par conséquent, l'application de la réforme aux procédures en cours n'est qu'apparente puisque ses dispositions nouvelles relatives à l'assignation ne sont pas applicables aux assignations déjà délivrées.

Il aurait été plus simple d'indiquer directement que, en l'espèce, la réforme s'appliquait aux procédures introduites (sous-entendu, par assignation) postérieurement à son entrée en vigueur.

B. Exclusion de l’obligation d’un préalable amiable pour les affaires où une procédure simplifiée de recouvrement des petites créances a été tentée

À l’inverse, il n’y a désormais plus lieu à passer obligatoirement par une tentative de procédure amiable avant la saisine du tribunal judiciaire lorsqu’une procédure simplifiée de recouvrement des petites créances a été tentée.

Pour rappel, cette procédure simplifiée est prévue aux articles L. 125-1 N° Lexbase : L7315LPM et R.125-1 N° Lexbase : L9214LTG et suivants du Code des procédures civiles d’exécution. Elle est menée par l’huissier du créancier. Il se dit que cette procédure ne serait pas un franc succès. Peut-être que la perspective d’échapper, grâce à elle, à l’obligation de passer par une conciliation, une médiation ou une tentative de procédure participative permettra de la développer.

D’autant que sa mise en œuvre est simple (il suffit de trouver un huissier pour envoyer une lettre recommandée) et que le constat de son échec est rapide (un mois à compter de l’envoi de la lettre par l’huissier, et non de sa réception par le débiteur, aux termes de l’article R. 125-2 III. du Code des procédures civiles d’exécution N° Lexbase : L5595LTE).

V. Apposition de la formule exécutoire par le greffe en cas d’accord issue d’une médiation, une conciliation ou une procédure participative contresigné par avocat

Continuant dans son inventaire à la Prévert, c’est-à-dire qui n’a ni queue ni tête selon le site Wiktionary.org [4], le décret n° 2022-245 du 25 février 2022 introduit également une nouvelle section dans le Code de procédure civile ainsi intitulée : « De l’apposition de la formule exécutoire par le greffe ». Elle regroupe les articles 1568 N° Lexbase : L5926MB4 à 1571 N° Lexbase : L5929MB9 du Code de procédure civile nouvellement créés et est donc rattachée au Livre V du Code sur la résolution amiable des différends.

Elle prévoit que c’est le greffe qui appose la formule exécutoire lorsque les accords conclus à l’issue d’une médiation, d’une conciliation ou d’une procédure participative prennent la forme d’un acte contresigné par les avocats de chacune des parties.

Quel intérêt par rapport à une homologation par le juge prévue par l’article 1565 du Code de procédure civile N° Lexbase : L5924MBZ ? À notre avis aucun, d’autant que le nouvel article 1570 du Code de procédure civile N° Lexbase : L5928MB8 prévoit que toute personne intéressée peut former une demande aux fins de suppression de la formule exécutoire devant la juridiction dont le greffe a apposé cette formule. Il s’agit donc d’un titre exécutoire au rabais qui pourrait se révéler d’autant plus dangereux que les motifs pour solliciter la suppression de la formule exécutoire ne sont pas précisés et pourraient donc être de tout ordre.

Les praticiens pourront ainsi être tentés de continuer à passer par l’homologation du juge plutôt que par l’apposition de la formule exécutoire du greffier, sauf à ce que les juges refusent désormais leur homologation lorsque les accords conclus prennent la forme d’un acte contresigné par les avocats de chacune des parties.

L’article 1571 du Code de procédure civile indique par ailleurs, de façon lapidaire, que « les dispositions de la présente section sont applicables à la transaction ». Est-ce à dire que n’importe quelle transaction, qu’elle prenne la forme ou non d’un acte contresigné par avocat, pourrait faire l’objet d’une apposition de la formule exécutoire par le greffe ? Cela irait à l’encontre de l’article 1565 du Code civil qui donne toujours au juge le pouvoir d’homologuer la transaction conclue sans qu’il ait été recouru à une médiation, une conciliation ou une procédure participative. Il s’agit donc, à notre avis, d’une rédaction défectueuse de l’article 1571 du Code de procédure civile.

VI. Injonctions de payer

Le décret n° 2022-245 du 25 février 2022 modifie l’article 1411 du Code de procédure civile N° Lexbase : L5420L8A portant sur l’injonction de payer. Par ailleurs, l’arrêté du 24 février 2022 pris en application de l’article 1411 du Code de procédure civile y est tout entier consacré.

Un article entièrement consacré à la question sera prochainement publié dans la revue Lexbase Droit privé, nous renvoyons à sa lecture pour en savoir plus.

VII. Divers

Le décret n° 2022-245 du 25 février 2022 contient enfin deux dispositions intéressant la procédure civile qu’on rangera dans la catégorie « divers » tellement elles n’ont rien à voir avec rien dans un texte pourtant déjà hétéroclite.

Tout d’abord, l’article 456 du Code de procédure civile N° Lexbase : L5909MBH est modifiée pour prévoir que, si le jugement est établi sous forme électronique, le retrait de la qualification d’un ou plusieurs éléments nécessaires à la protection de la signature du président ou du greffier constitue un vice de forme.

Qu’est-ce à dire ?

La Chancellerie fait ici de la science-fiction : la possibilité, pour un jugement, d’être établi sous forme électronique, existe depuis plus de neuf ans (décret n° 2012-1515 du 28 décembre 2012 portant diverses dispositions relatives à la procédure civile et à l'organisation judiciaire N° Lexbase : L7997IUQ). Mais le jugement électronique n’existe toujours pas en pratique. Malgré cela, la Chancellerie prend les devants en prévoyant que, si pour une raison quelconque, une signature électronique n'était plus certaines, par exemple du fait de l’expiration d’un certificat, alors le jugement serait toujours valable, sauf à prouver un grief qu’on imagine que les tribunaux rejetteront toujours.

C’est une mauvaise façon de travailler dont, hélas, la Chancellerie est actuellement coutumière. Plutôt que de traiter les problèmes actuels, elle se projette et cherche à régler d’hypothétiques problèmes futurs, sur la base des données techniques d’aujourd’hui. Quand ces données évolueront, la solution qu’elle a gravée dans le marbre du Code restera et ne prouvera que son court-termisme actuel.

Nous ne pensons donc aucun bien de cette modification qui nous semble être de l’ordre du gadget.

Ensuite, l’article 7 du décret n° 2021-1887 du 29 décembre 2021 relatif au registre des sûretés mobilières et autres opérations connexes N° Lexbase : L1955MAN est modifié.

On avouera que nous ne comprenons pas cette disposition. Il semble s’agir de régler le sort de sûretés et garanties prises avant l’entrée en vigueur de la réforme des sûretés mais non encore publiées à cette date.

La brièveté entre le texte modifié (décret n° 2021-1887 du 29 décembre 2021) et sa modification (décret n° 2022-245 du 25 février 2022) fait cependant que la difficulté ne concerne sans doute qu’un nombre limité de cas.


[1] C. Bléry, Application inopportune de la notion d'accessoire à la déclaration d'appel, Lexbase Droit privé, janvier 2022, n°892 N° Lexbase : N0197BZC.

[2] F. Cuif, Annexe à la déclaration d’appel : le point sur le décret du 25 février 2022 [en ligne].

[3] JCl. Civil Code, art. 1240 à 1245-17 N° Lexbase : L0627KZA, fasc. 265-10, 1.

[4] Définition « inventaire à la Prévert » du site Wiktionary.org [en ligne].

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