Le Quotidien du 9 mars 2022 : Avocats/Périmètre du droit

[Brèves] Pratique commerciale trompeuse pour un site internet « d'actions collectives »

Réf. : Cass. crim., 22 février 2022, n° 20-87.118, F-D N° Lexbase : A02597PB

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N0574BZB

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par Marie Le Guerroué

le 08 Mars 2022

► Justifie sa décision la cour d’appel qui après avoir constaté que les caractéristiques de l'offre de « premier service de recours collectif conforme au droit français » ne correspondaient ni à la dénomination de la société ni à sa présentation ni à la publicité destinée à en promouvoir la commercialisation, que sous le vocable « médiation » était en réalité proposée une mise en œuvre non conforme de l'action de groupe, et que les concepteurs du site n'avaient pas pris toutes les précautions propres à assurer la loyauté de leur pratique commerciale, retient que le délit de pratique commerciale trompeuse est constitué.

Procédure. En avril 2013, le demandeur au pourvoi avait créé, avec d'autres associés, une société ayant notamment pour objet toutes prestations de service liées à internet et au commerce électronique et toutes prestations de service en matière de médiation. La société présentait son site internet comme le premier site d'actions collectives pour la défense des consommateurs, offrant à ceux d'entre eux qui s'estimaient lésés par des entreprises relevant par exemple des secteurs de la banque ou de la téléphonie de s'agréger à un groupe faisant état d'un dommage identique, afin d'être indemnisés dans le cadre soit d'une médiation, soit de procédures en justice. Elle se présentait comme le « premier service de recours collectifs conforme au droit français » pour permettre le regroupement de consommateurs s'estimant lésés par leurs pratiques abusives. Elle indiquait aussi mettre en œuvre une médiation afin de parvenir à une indemnisation, les consommateurs pouvant en cas d'échec saisir directement le tribunal individuellement à l'aide d'un dossier constitué sur « actioncivile.com » lors de l'inscription. À la suite de chacun des trois contrôles effectués par la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), le demandeur au pourvoi s'est successivement engagé à procéder à des modifications du site internet de la société, afin notamment de clarifier son mode d'action et les modalités de rémunération. L’associé, la société et le Conseil national des barreaux, partie civile, forment des pourvois contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 15 décembre 2020 (CA Paris, 15 décembre 2020, n° 17/02181 N° Lexbase : A03617P3), qui, pour pratique commerciale trompeuse, a, notamment, condamné le premier à 5 000 euros d'amende avec sursis, la seconde à 25 000 euros d'amende avec sursis.

  • Sur la pratique commerciale trompeuse

Pour déclarer les prévenus coupables de pratique commerciale trompeuse, l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 15 décembre 2020 énonce qu'il résulte des procès-verbaux établis par la DGCCRF à l'occasion de ses contrôles successifs, qu’alors que la loi « Hamon » (loi n° 2014-344, du 17 mars 2014, relative à la consommation N° Lexbase : L7504IZX). était sur le point d'être adoptée, le site internet de la société revendiquait offrir le premier service de recours collectif conforme au droit français, ce qui n'avait d'autre finalité que de prétendre à une antériorité et entretenait une confusion volontaire dans l'esprit du consommateur avec le dispositif légal confiant l'action de groupe exclusivement à des associations répondant à certains critères. Les juges ajoutent qu'après adoption de cette loi, malgré les modifications réalisées, les mentions étaient toujours susceptibles d'entretenir la confusion avec l'action de groupe et les modalités de rémunération n'étaient pas suffisamment précisées tant sur le site internet que dans les conditions générales de service. Ils précisent que si la participation à une action était affichée comme gratuite, l'article 5 desdites conditions générales stipulait qu'en cas de succès, la société prélevait 15 % des indemnités récupérées par les inscrits et que le demandeur au pourvoi avait dû s'engager, à ajouter le prix du service dans le formulaire d'inscription. Ils relèvent encore qu'en mettant en exergue les actions qu'elle sélectionnait, accompagnées d'une indemnité moyenne chiffrée sur la base, non d'indemnisations obtenues mais des indemnités demandées par les inscrits à l'action, la société induisait dans l'esprit du consommateur invité à s'y rallier, l'existence de chances de succès dans l'obtention d'un dédommagement prédéterminé, présenté comme issu d'une action collective des consommateurs. L'arrêt retient, en outre, que la médiation promue par le site ne correspondait pas à l'action collective des articles L. 623-1 du Code de la consommation N° Lexbase : L0187LNA et que les procédures en justice également mentionnées sur le site ne pouvaient être légalement engagées de manière collective. Il souligne au surplus que les mentions concernant un avocat présenté comme spécialisé en droit pénal et en droit de la consommation, et comme ayant été à l'origine de la requalification des contrats de participants aux émissions de téléréalité en contrat de travail dans le cadre d'un contentieux réunissant plus de trois cents plaignants, ainsi que les mentions selon lesquelles des avocats expérimentés assistent la société dans le cadre des médiations étaient de nature à accréditer dans l'esprit du public, la fiabilité du service et, au regard du renom des avocats, la certitude d'une indemnisation. La cour d'appel précise, par ailleurs, que le site présentait les actions comme potentiellement lucratives tout en gardant le silence sur les difficultés liées à la charge de la preuve, en particulier l'aléa judiciaire tenant à la complexité des problèmes juridiques comme ceux relatifs à l'assurance emprunteur ou aux tarifs abusifs des sociétés autoroutières, et qu'aucune information n'était fournie sur les risques encourus, tant au regard de la prescription de l'action que des spécificités de la procédure devant les juridictions civiles dispensées du ministère d'avocat.
Elle en conclut que les caractéristiques de l'offre ne correspondaient ni à sa dénomination ni à sa présentation ni à la publicité destinée à en promouvoir la commercialisation, que, sous le vocable « médiation » était en réalité proposée une mise en œuvre non conforme de l'action de groupe et que les concepteurs du site n'ont pas pris toutes les précautions propres à assurer la loyauté de leur pratique commerciale, de sorte que le délit de pratique commerciale trompeuse est constitué et que le demandeur au pourvoi a nécessairement engagé, en sa qualité d'organe de la société prévenue et pour le compte de celle-ci, sa responsabilité pénale.
Pour la Cour de cassation, en l'état de ces énonciations, relevant de son appréciation souveraine de l'ensemble des éléments figurant sur le site internet de la société en cause qu'elle a estimés déterminants pour apprécier la conviction que pouvait se faire le consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé du service qui y était proposé et des conditions dans lesquelles il serait réalisé, la cour d'appel, qui a répondu aux chefs péremptoires des conclusions soutenues devant elle et n'avait pas à procéder à davantage de recherches qu'elle ne l'a fait, a justifié sa décision.

  • Sur la recevabilité de l’action du CNB

Pour faire droit à l'exception d'irrecevabilité de la constitution de partie civile du CNB, l'arrêt attaqué, après avoir rappelé les dispositions de l'article 21-1 de la loi du 31 décembre 1971 N° Lexbase : L6343AGZ modifiée relatives aux missions de cet organisme, énonce qu'eu égard à la spécificité de ses attributions, il n'est pas recevable à introduire une action destinée à réprimer les infractions aux dispositions de la législation édictées par le Code de la consommation.
La Haute juridiction rend sa décision au visa de l’article précité et de l’article 593 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L3977AZC. Elle précise que selon le premier de ces textes, le Conseil national des barreaux peut, devant toutes les juridictions, exercer tous les droits réservés à la partie civile relativement aux faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession d'avocat. Il se déduit du second que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.
Dès lors, la cour en se déterminant ainsi, sans examiner la recevabilité de l'action du CNB au regard des circonstances concrètes qu'elle avait relevées pour déclarer les prévenus coupables de pratique commerciale trompeuse, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision. La cassation est encourue de ce chef.

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