Le Quotidien du 25 janvier 2022 : Actualité judiciaire

[A la une] Affaire dite « des sondages de l’Élysée » : pour Claude Guéant, plus dure sera la chute

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par Vincent Vantighem

le 26 Janvier 2022

Il a dû apprendre la nouvelle à la télévision. Seul. Dans sa cellule de 9m² du quartier dit « des personnes vulnérables » du centre pénitentiaire de Paris – La Santé (14e arrondissement). Entre celle de Georges Tron, l’ancien maire (LR) de Draveil condamné pour viol. Et celle du chanteur Jean-Luc Lahaye, mis en examen pour le même motif. Malgré les réquisitions du parquet national financier, Claude Guéant a refusé, vendredi 21 janvier, d’être extrait de cellule pour venir assister à l’audience de jugement de la 32e chambre du tribunal judiciaire de Paris consacrée à l’affaire dite « des sondages de l’Élysée ».

Il n’a donc pas entendu Benjamin Blanchet, le président, lire quelques extraits du jugement de 178 pages de cette affaire qui a replongé l’opinion publique dans les années Sarkozy : « atteinte grave à l’autorité de l’État », « discrédit sur la présidence de la République », « perte des repères cardinaux ». Et surtout les critiques le visant directement : « Claude Guéant a consciemment violé les règles de la commande publique afin de servir les intérêts privés […] Les agissements de l’intéressé sont d’autant plus intolérables qu’ils ont eu pour objet l’enrichissement frauduleux de personnalités très proches de Nicolas Sarkozy alors président de la République et ce au détriment des finances de l’État déjà largement éprouvées ». Résultat : une peine d’un an de prison dont quatre mois avec sursis a été prononcée à son encontre.

Une pierre de plus dans le jardin judiciaire de l’ancienne éminence grise. De quoi accélérer un peu plus sa chute et assombrir son avenir, alors qu’il vient de célébrer ses 77 ans, lundi 17 janvier, en détention. Incarcéré depuis le 13 décembre pour ne pas avoir respecter ses obligations après sa condamnation dans l’affaire dite « des primes en liquide », Claude Guéant paye surtout aujourd’hui le prix de ses fonctions passées, lui qui était surnommé « Le Cardinal », voire « Le Vice-président » du temps de sa superbe. Caustique, le président Benjamin Blanchet a en effet pris le soin de lister, par le menu, toutes les fonctions passées du prévenu au cours d’une lecture qui dura environ une heure : « Ancien élève de l’École Nationale d’Administration (ENA), il a essentiellement œuvré au sein du ministère de l’Intérieur en assumant des fonctions de sous-préfet, préfet de département et de préfet de région ainsi que de directeur général de la police nationale... »

Un mandat de dépôt à effet différé mais sans effet

C’est donc en raison de sa « personnalité » mais aussi du fait qu’il avait trahi « la confiance » que la justice lui avait accordée lors de sa condamnation dans l’affaire des « primes en liquide » avant de se décider à l’incarcérer que le président de la 32e a planté sa dernière banderille à la toute fin de l’audience. En l’espèce : un mandat de dépôt à effet différé. Depuis le 24 mars 2020, la loi prévoit en effet la possibilité de prononcer des mandats de dépôt différés dans le temps. Le dispositif prévoit que le condamné soit convoqué dans un délai d’un mois suivant le jugement par un procureur de la République qui programme alors son incarcération.

Pourquoi le magistrat a-t-il opté pour cette mesure ? Pour sanctionner la « gravité des faits » comme il l’assure ? Pour marquer les esprits ? Sans doute un peu des deux. Car, en l’état, ce mandat de dépôt à effet différé est sans conséquence. Il n’a pas été assorti de l’exécution provisoire et, à peine délivré, il n’a fallu longtemps pour qu’il soit suspendu par l’appel interjeté contre le jugement prononcé par Benjamin Blanchet. Sitôt la fin de l’audience, Philippe Bouchez El Ghozi, l’avocat de Claude Guéant, s’est précipité hors du prétoire, sans prendre la peine de répondre aux questions des journalistes, pour s’engouffrer dans un ascenseur. Direction : le 6e étage du tribunal judiciaire où il a immédiatement fait appel de la condamnation.

« Le Code des marchés publics s’appliquait évidemment à l’Élysée »

Il y aura donc une nouvelle audience consacrée à cette affaire dite des « sondages de l’Élysée ». Car, Pierre Giacometti et Patrick Buisson, également prévenus dans ce dossier, ont aussi formé des appels. Le premier a écopé d’une peine de six mois de prison avec sursis et une amende de 75 000 euros, le second de deux ans de prison avec sursis et 100 000 euros d’amende. À ce tableau, il faut ajouter la personnalité d’Emmanuelle Mignon, ex-directrice de cabinet de Nicolas Sarkozy lorsqu’il était à l’Élysée, condamnée à six mois de prison avec sursis. Seul Julien Vaulpré, conseiller « Analyses » à l’époque des faits a finalement été relaxé.

« Ils étaient débiteurs à l’égard du peuple français, a asséné Benjamin Blanchet. Les faits ont été commis alors que la France endurait de graves déficits publics. Alors qu’une crise financière sévissait déjà. Force est de déplorer que cela n'a pas incité les personnes coupables à cesser. » Autrement dit : ils n’auraient donc jamais dû commander des dizaines et des dizaines de sondages aux sociétés de Patrick Buisson et de Pierre Giacometti sans passer par la traditionnelle procédure d’appel d’offres et de mise en concurrence.

Car, contrairement à ce qu’ils ont plaidé lors de l’audience en décembre, la tradition que l’Élysée fasse ce qu’elle veut ne vaut pas loi. « Le Code des marchés publics s’appliquait évidemment à la présidence de la République, rappelle ainsi le jugement. Un usage, une tradition, une coutume de style constitutionnel ou républicain, quelles que soient leur ancienneté ou leur origine, ne peuvent avoir une portée contraignante... ». Ce jugement étant désormais gravé dans le marbre, les prévenus ont donc du pain sur la planche s’ils veulent obtenir, comme ils l’ont réclamé en première instance, une relaxe.

Pour Claude Guéant, l’urgence n’est pas là. Le 7 février, il sera fixé sur sa demande d’aménagement de peine dans l’affaire des « primes en liquide ». Seule solution pour pouvoir sortir de détention. Et se préparer à son prochain procès prévu les 15 et 16 février devant le tribunal judiciaire de Nanterre (Hauts-de-Seine) où il sera jugé pour « financement illicite de campagne électorale » alors que des anomalies ont été constatées lors de sa campagne de 2012 pour les élections législatives à Boulogne-Billancourt. Plus que jamais, l’avenir de l’ancien Préfet s’inscrit désormais sur un calendrier judiciaire.

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