L'Autorité de la concurrence a sanctionné, dans une décision du 13 décembre 2012, Orange et SFR à hauteur de 183 millions d'euros pour avoir mis en oeuvre des pratiques anticoncurrentielles sur le marché de la téléphonie mobile (Aut. con., décision n° 12-D-24, 13 décembre 2012
N° Lexbase : X9741ALD). Ces deux sociétés ont commercialisé, essentiellement entre 2005 et 2008, des offres donnant la possibilité d'appeler en illimité uniquement au sein de leurs réseaux. Ainsi, pour l'Autorité, ces forfaits, qui ont constitué le coeur de l'offre post payée proposée aux particuliers, ont créé une différenciation tarifaire abusive entre les appels "
on net" (sur leurs réseaux respectifs) et "
off net" (vers les réseaux concurrents). Elles ont donc freiné la concurrence de deux manières : elles ont contribué, d'une part, à figer le marché en attirant les consommateurs vers les deux plus gros réseaux et en les verrouillant de fait une fois le choix opéré ; elles ont, d'autre part, été de nature à affaiblir le troisième opérateur. Ainsi Bouygues Télécom a dû riposter en lançant des offres qui ont nettement renchéri ses coûts. En effet, le gendarme de la concurrence relève, notamment, que ces offres ont amplifié tout d'abord artificiellement l'effet "tribu", c'est-à-dire la propension des proches à se regrouper auprès d'un même opérateur, en incitant les consommateurs à changer d'opérateur pour rejoindre celui de leurs proches. Une fois les tribus constituées, ces offres ont "verrouillé" durablement les consommateurs auprès de leur opérateur en augmentant significativement les coûts de sortie encourus par les abonnés aux offres illimitées
on net comme par leurs proches qui souhaitent souscrire une nouvelle offre auprès d'un opérateur concurrent. Cette différenciation entre appels
on net et
off net a donc eu pour effet de dégrader la fluidité du marché de détail, en rendant plus difficile la migration des clients vers un autre opérateur en place. Pour déterminer le montant de la sanction, l'Autorité a notamment pris en considération le caractère certain de la gravité des faits, s'agissant de pratiques tarifaires abusives tendant à affaiblir, voire à exposer les concurrents de plus petite taille à une éviction du marché de détail de la téléphonie mobile en élevant significativement leurs coûts. Elle a cependant tenu compte de l'importance modérée du dommage causé à l'économie en l'espèce, la société Bouygues Télécom ayant notamment été en mesure de se maintenir sur le marché au moyen de la commercialisation d'offres d'abondance "cross net". Au final elle a infligé les sanctions pécuniaires suivantes : 117 419 000 euros à Orange France et France Télécom et 65 708 000 euros à SFR.
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