Le Quotidien du 5 novembre 2021 : Construction

[Brèves] De la portée du PV de réception signé entre le maître d’ouvrage et l’architecte

Réf. : Cass. civ. 3, 20 octobre 2021, n° 20-20.428, FS-B (N° Lexbase : A5244494)

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N9324BYY

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par Juliette Mel, Docteur en droit, Avocat associé, Rome Associés, Chargée d’enseignements à l’UPEC et Paris Saclay, Responsable de la commission Marchés de Travaux, Ordre des avocats

le 04 Novembre 2021

► La réception tacite des travaux suppose l’absence de réception expresse et la manifestation de la volonté non équivoque du maître d’ouvrage de recevoir l’ouvrage ;
► la volonté non équivoque du maître d’ouvrage de recevoir l’ouvrage peut être concrétisée par la signature d’un PV de réception avec l’architecte ;
► la signature de ce PV n’établit toutefois pas une réception expresse, faute de respect du principe du contradictoire.

La Haute juridiction rappelle les fondamentaux. Pour s’interroger sur l’existence d’une présomption de réception tacite, encore faut-il qu’il n’y ait pas de réception expresse. Autrement dit, la présomption, par la prise de possession doublée du paiement du prix, n’est à établir que pour prouver la volonté du maître d’ouvrage de recevoir l’ouvrage lorsqu’il n’y a pas de réception expresse, même non contradictoire, comme le rappelle la Haute juridiction dans la décision rapportée. Dans le cas contraire, la question de la réception tacite ne se pose pas.

Le régime de la réception tacite est compliqué. Doit être caractérisée la volonté non-équivoque du maître d’ouvrage de recevoir l’ouvrage. Si cette volonté est caractérisée, il y a réception tacite mais si, au contraire, est caractérisée la volonté non-équivoque de ne pas recevoir l’ouvrage, il n’y a pas de réception tacite possible. L’approche paraît simple mais cela est loin d’être le cas.

Sont ainsi insuffisants, pris isolément, à caractériser une réception tacite, la prise de possession des lieux (Cass. civ. 1, 4 octobre 2000, n° 97-20.990, publié au bulletin N° Lexbase : A7732AHT, Constr. Urb. 2000, n° 298), le paiement du prix (Cass. civ. 3, 30 septembre 1998, n° 96-17.014, publié au bulletin N° Lexbase : A5487AC9, Constr. Urb. 1998, com 409), la signature d’une déclaration d’achèvement des travaux et d’un certificat de conformité (Cass. civ. 3, 11 mai 2000, n° 98-21.431 N° Lexbase : A4667CRB, AJDI 2000, 741), des difficultés financières (CA Metz, 12 mars 2003, n° 01/01157 N° Lexbase : A8846S3Z), l’achèvement de l’ouvrage (Cass. civ. 3, 25 janvier 2011, n° 10-30.617, F-D N° Lexbase : A8600GQL), la succession d’une entreprise à une autre (Cass. civ. 3, 19 mai 2016, n° 15-17.129, FS-P+B N° Lexbase : A0851RQL), le paiement du solde dû à l’entreprise (Cass. civ. 3, 22 juin 1994, n° 90-11.774 N° Lexbase : A6284ABD), surtout lorsque des réserves importantes sont émises par le maître d’ouvrage (Cass. civ. 3, 10 juillet 1991, n° 89-21.825 N° Lexbase : A2841ABT).

Mais, la prise de possession des lieux doublée du paiement complet du prix peut suffire à caractériser cette volonté (Cass. civ. 3, 18 mai 2017, n° 16-11.260, FS-P+B N° Lexbase : A4987WD3) même si les travaux ne sont pas achevés (Cass. civ. 3, 8 novembre 2006 n° 04-18.145, FS-P+B N° Lexbase : A2934DSH, JCP G 2006, IV, 3336). C’est ainsi que, depuis une jurisprudence amorcée le 24 novembre 2016 (Cass. civ. 3, 24 novembre 2016, n° 15-25.415, FS-P+B N° Lexbase : A3460SLQ) clairement confirmée en 2019 (Cass. civ. 3, 30 janvier 2019, n° 18-10.197, FS-P+B+I N° Lexbase : A5083YUS ; Cass. civ. 3, 18 avril 2019, n° 18-13.734, FS-P+B+I N° Lexbase : A3818Y9B), la réception tacite est présumée lorsqu’il y a paiement intégral du prix et prise de possession. La Haute juridiction y tient. Elle a déjà eu l’occasion d’y revenir (Cass. civ. 3, 5 mars 2020, n° 19-13.024, FS-D N° Lexbase : A54163IG, obs. J. Mel, Lexbase Droit privé, avril 2020, n° 819 N° Lexbase : N2886BYK).

La présente décision permet d’y revenir. Un maître d’ouvrage confie à une entreprise la réalisation de travaux sous la maîtrise d’œuvre d’un architecte. Des malfaçons surviennent et le maître d’ouvrage assigne en réparation les constructeurs et leur assureur de responsabilité civile décennale.

La cour d’appel de Versailles, dans un arrêt rendu le 6 juillet 2020 (CA Versailles, 6 juillet 2020, n° 18/05660 N° Lexbase : A63123QT), considère que les travaux n’ont pas été réceptionnés, faute pour l’entreprise d’avoir été convoquée à une réception. Il n’y a, pas plus, à s’interroger sur l’existence d’une réception tacite puisque celle-ci ne peut être prononcée qu’en l’absence de réception expresse.

En l’espèce, la volonté de recevoir l’ouvrage est caractérisée par l’existence du PV de réception. Mais, comme le principe du caractère contradictoire de la réception expresse n’a pas été respecté, faute de convocation de l’entreprise, l’acte de réception ne lui est pas opposable.

Aucune action contre l’entreprise et son assureur décennal sur le fondement de l’article 1792 du Code civil (N° Lexbase : L1920ABQ) n’est donc possible.

La présomption de réception tacite est invoquée à l’appui du pourvoi mais celui-ci est rejeté. La volonté du maître d’ouvrage a bien été caractérisée par la signature du PV de réception, lequel n’est pas opposable au constructeur, faute pour celui-ci d’avoir été convoqué.

La solution est alambiquée, surtout à se rappeler que la jurisprudence considère que la seule convocation du constructeur suffit à établir le caractère contradictoire même si celui-ci ne vient pas au rendez-vous de réception.

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