Le Quotidien du 4 novembre 2021 : Éditorial

[A la une] Grossesse et discrimination dans la profession d'avocat

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par Elise Fabing, Avocate associée spécialiste en droit du travail, Alkemist Avocats.

le 03 Novembre 2021

À l’heure de la libération de la parole sur les réseaux sociaux dans notre profession, sur les comptes Paye ta robe ou Balance ton Cabinet (à eux deux, plus de 20 000 abonné(e)s), et à la suite de la publication par le Barreau de Paris des effarants, mais peu surprenants, résultats du troisième Baromètre des droits, il est nécessaire de s’interroger sur le sort des avocates, et plus particulièrement pendant cette période de vie de grande vulnérabilité personnelle et professionnelle qu’est la jeune maternité. 

Notre profession se féminise. Pourtant, selon les chiffres communiqués par la Caisse nationale des barreaux, près de 30 % des avocates décident de changer de voie avant d’atteindre leur dixième année de carrière. Soit dix points de plus que leurs confrères. En effet, il est de notoriété publique que notre profession est particulièrement dure pour les femmes : des discriminations sexistes, au harcèlement moral ou sexuel, aux difficultés de concilier une vie personnelle avec une vie professionnelle (trop) intense dans certaines structures... Les difficultés sont encore trop nombreuses pour les avocates.

Nous avions déjà frémi après la publication de l’enquête du Défenseur des droits sur notre profession en 2018, qui mettait en lumière les 53 % de femmes victimes de discriminations au cours de leur carrière. Aujourd’hui, les chiffres du baromètre sont vertigineux : le premier motif de discrimination est la grossesse, avec 50 % des avocats interrogés qui déclarent avoir vécu ou constaté des discriminations liées à la grossesse (contre 21 % des Français au sein de la société). Suivent ensuite le genre (42 %) et l’apparence physique (41 %).

Évidemment, il faut questionner notre profession de manière profonde. 

Pour beaucoup de mes consœurs et confrères, notre profession serait si exigeante qu’elle serait incompatible avec la maternité (Quid de la paternité ?).

Peut-être conviendrait-il de mettre un stop définitif à la pratique d’imposer des objectifs de facturations qui génèrent un temps de travail déraisonnable, empêchant, à moins de mettre sa santé en danger, tout développement de clientèle personnelle ? Avec une procédure réellement dissuasive pour que les cabinets s’y plient. Cela serait un grand progrès pour tous les collaboratrices/collaborateurs, même si cela ne suffira pas à rétablir l’égalité femme homme au barreau.

Pourquoi notre profession ne prendrait-elle pas une longueur d’avance en matière d’égalité femme homme en imposant un congé paternité de la même durée que le congé maternité ? Cela constituerait un formidable outil de lutte contre les discriminations sexistes, en plus d’une avancée sociale remarquable pour une parentalité apaisée.

Notre Ordre a déjà été précurseur en donnant droit à un congé paternité d’un mois, avant le droit du travail ou en imposant la protection absolue de l’avocate enceinte, même en période d’essai. J’appelle de mes vœux un engagement fort de ma profession contre la discrimination liée à la maternité. Il est de notre devoir d’œuvrer à davantage de justice au sein même de notre noble profession.

Nous pouvons aussi nous questionner sur la sous-représentation des femmes avocates associées au sein des plus gros cabinets d’avocats, qui pourrait être la cause de discriminations sexistes si massives. Parce que les collaboratrices n’ont aucun problème à se faire embaucher, elles sont majoritaires, mais elles se heurtent malheureusement au fameux plafond de verre au moment de l’accès à l’association, Graal absolu de notre profession. 

Il semble nécessaire d’imposer des quotas d’avocates associées au sein des cabinets de plus de 50 avocats. À mon sens, sans mesures obligatoires, les choses ne bougeront pas avant au moins un siècle.

Autre point fondamental : une remise en question de nos juridictions ordinales est importante. Elle fait face à un déficit de confiance inquiétant, et apparaît souvent comme protectrice des cabinets influents. 

Pourquoi ne pas mettre en place un système impartial d’enquête dans les cabinets d’avocats en cas de dénonciation de faits de harcèlement ou de discrimination ? 

Il pourrait être intéressant d’informer massivement les avocates de leurs recours possibles devant le Défenseur des droits. 

Certes, nos référents collaboration font un travail remarquable. Mais au vu de ces atroces chiffres, cela n’est pas suffisant. 

Notre magnifique profession n’est pas digne d’une réalité discriminatoire aussi terrifiante.

Nous exerçons le plus beau métier du monde, nous devons être exemplaires. 

La défense et la lutte contre les discriminations sont l’ADN de notre profession. 

Soyons précurseur(e)s. 

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