Il ressort d'un arrêt rendu le 5 décembre 2012 par la première chambre civile de la Cour de cassation, que l'usufruitier peut valablement consentir un prêt portant sur une somme dont il n'a que le quasi-usufruit (Cass. civ. 1, 5 décembre 2012, n° 11-24.758, F-P+B+I
N° Lexbase : A3139IYW). En l'espèce, Yvonne B. détenait en pleine propriété 94 parts et en usufruit 94 autres parts d'une SCI, ses six enfants détenant la nue-propriété de ces dernières ; le 1er juillet 2003, cette société avait vendu un immeuble pour le prix de 1 300 000 euros. Par acte sous seing privé du 1er octobre 2004, Yvonne B. avait prêté à son fils, Michaël B. une somme de 1 300 000 euros remboursable sans intérêts au plus tard le 30 juin 2018. Elle était décédée le 13 septembre 2006 en laissant pour lui succéder ses six enfants. L'une de ceux-ci, Mme Véronique D., avait assigné son frère Michaël en inopposabilité du prêt. Pour décider que la convention du 1er octobre 2004 était inopposable à Mme D. à compter du 13 septembre 2006 et renvoyer les parties devant le notaire en charge des opérations de partage de la succession d'Yvonne B. aux fins, notamment, de calcul du montant de la créance de la succession sur Michaël B. en application du prêt litigieux et de la part du prix de vente qui devait être restitué à chacun des héritiers du fait de l'extinction de l'usufruit, la cour d'appel (CA Versailles, 8 septembre 2011, n° 10/00302
N° Lexbase : A7146HXX) avait relevé d'abord que, par la convention du 1er octobre 2004, Yvonne B., à titre personnel, avait prêté à son fils l'intégralité de la somme provenant de la vente de l'immeuble de la SCI, y compris la part correspondant à l'usufruit des 94 parts sociales appartenant en nue-propriété à ses enfants (611 000 euros) et qu'existait un quasi-usufruit sur la partie du prix de vente correspondant à la valeur des 94 parts dont la propriété était démembrée. La cour avait ensuite retenu qu'Yvonne B. pouvait utiliser les fonds provenant de la vente à charge pour elle d'en conserver la substance et de la restituer. Son usufruit ayant pris fin le jour de son décès, les consorts B., dont Mme D., avaient retrouvé la pleine propriété de ces 94 parts. Après avoir relevé que c'est à cette date que les sommes sur lesquelles portait l'usufruit devaient être restituées par Yvonne B., usufruitière, et en l'occurrence par Michaël B., possesseur de la somme prêtée, les juges en ont déduit que Mme D. n'était pas tenue de respecter la convention de prêt consentie par Yvonne B. sur les sommes dont elle n'avait que l'usufruit et dont l'échéance de remboursement était fixée au 30 juin 2008, soit à une date largement postérieure à l'extinction de l'usufruit. Ce raisonnement est censuré, au visa des articles 587 (
N° Lexbase : L3168ABX) et 1122 (
N° Lexbase : L1210ABG) du Code civil, par la Cour suprême qui retient que le prêt était opposable aux héritiers, ayants cause universels, d'Yvonne B. quand bien même aurait-il porté sur des deniers dont elle n'avait que le quasi-usufruit.
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