Constitue un prêt de main d'oeuvre illicite le recours massif à l'intérim, en violation des règles du Code du travail, ce qui était source de profit pour l'entreprise de travail temporaire comme pour l'entreprise utilisatrice dont la masse salariale, qui pouvait ainsi s'ajuster au carnet de commandes de la société, était allégée du paiement des gratifications ou primes dues à son personnel salarié, ce qui démontre le caractère lucratif de l'opération de prêt de main-d'oeuvre, et que, du fait du caractère habituel des reconductions irrégulières des contrats, conclus en connaissance de cause, l'élément intentionnel du délit poursuivi, imputable tant au fournisseur qu'à l'utilisateur de la main-d'oeuvre en cause, est avéré. Telle est la solution retenue par la Chambre criminelle de la Cour de cassation dans un arrêt du 13 novembre 2012 (Cass. crim., 13 novembre 2012, n° 10-80.862, F-P+B
N° Lexbase : A5558IYI).
Dans cette affaire, des fonctionnaires de l'inspection du travail ont constaté au siège d'une société de travail temporaire, dirigée par M. P., par ailleurs directeur des ressources humaines de la société A. que, de 2005 à 2006, l'entreprise de travail temporaire avait mis à la disposition de la société A. soixante-dix intérimaires, représentant plus de quarante-quatre "temps plein", sur un effectif moyen de deux cent vingt-six salariés en contrat de travail à durée indéterminée, et qu'en particulier, pendant cette période, six travailleurs intérimaires avaient été présents de façon constante au sein de la société A. pour y effectuer des tâches relevant de l'activité habituelle de cette entreprise. Les deux sociétés, qui appartiennent toutes deux au même groupe, et leurs dirigeants, ont été poursuivis devant le tribunal correctionnel du chef de prêt illicite de main-d'oeuvre. La cour d'appel a constaté que six salariés avaient travaillé de façon exclusive, au sein de la société A., pendant plusieurs mois consécutifs, à des tâches peu qualifiées d'emballeurs, de conditionneurs et de magasiniers correspondant à l'activité normale et permanente d'une entreprise de déménagement, en violation des dispositions régissant le travail temporaire. Les juges ont retenu que les prévenus n'ont pas fait la preuve contraire de ces constatations, n'ayant produit que de simples "fiches de poste" non datées, dénuées de toute valeur probante. Pour la Chambre criminelle, la cour d'appel, qui a souverainement apprécié la valeur des preuves soumises au débat contradictoire et exactement retenu que l'opération de prêt de main-d'oeuvre conclue, relevant d'une fraude à la loi, constituait un prêt de main-d'oeuvre illicite, a légalement justifié sa décision (sur les dispositions générales sur les entreprises de travail temporaire, cf. l’Ouvrage "Droit du travail"
N° Lexbase : E7954ESE).
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