Le Quotidien du 28 juillet 2021 : Covid-19

[Focus] Refus de vaccination contre la covid-19 à des adolescents : quelles conséquences pour le médecin ?

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par Laïla Bedja

le 01 Septembre 2021

Au début de l’été, afin d’accélérer la campagne vaccinale contre la covid-19 mais aussi de couvrir une population plus large, le Gouvernement a déployé des moyens et étendu la vaccination aux adolescents à partir de douze ans.

En Indre-et-Loire, la préfecture a mis en place un centre de vaccination itinérant, le « vaccibus ». Un médecin généraliste qui pilotait le centre mobile a refusé la vaccination à plusieurs adolescents, alors que ces derniers étaient accompagnés d’un représentant légal (la loi du 5 aôut 2021, de gestion de la crise sanitaire, prévoit la possibilité pour le mineur de plus de seize ans de se faire vacciner seul, par dérogation à l'article 371-1 du Code civil N° Lexbase : L0246LRK en matière d'autorité parentale) ou disposaient d’une attestation et sans qu’ils présentent de contre-indications médicales. Pour motiver son refus, le médecin aurait avancé que « les études pour les moins de seize ans n’étaient pas bien faites […]».

Une question peut être dégagée de ce fait : le médecin peut-il refuser de vacciner certaines personnes au regard de ses convictions scientifiques personnelles ?

Cadre général. Si le droit à la santé est prévu par la Constitution, les professionnels de santé ont aussi un droit de refuser des soins. Ainsi, concernant les médecins, l’article R. 4127-47 du Code de la santé publique (N° Lexbase : L8329GTN) prévoit que :

« Hors le cas d'urgence et celui où il manquerait à ses devoirs d'humanité, un médecin a le droit de refuser ses soins pour des raisons professionnelles ou personnelles. S'il se dégage de sa mission, il doit alors en avertir le patient et transmettre au médecin désigné par celui-ci les informations utiles à la poursuite des soins. »

Dans notre cas, le médecin, d’après ses opinions scientifiques et au regard des études, pourrait refuser la vaccination, qui n’est pas obligatoire, s’il avait exercé dans son cabinet.

En revanche, son refus ne paraît pas justifier dès lors qu’il a accepté de diriger le centre mobile affrété par la préfecture. En effet, selon l’article R. 4127-32 du Code de la santé publique (N° Lexbase : L8270GTH), « Dès lors qu'il a accepté de répondre à une demande, le médecin s'engage à assurer personnellement au patient des soins consciencieux, dévoués et fondés sur les données acquises de la science, en faisant appel, s'il y a lieu, à l'aide de tiers compétents ». Cette obligation déontologique permet de couvrir de nombreux motifs de refus de soins.

En l’espèce, le médecin a accepté de piloter une antenne mobile et donc accepté, en théorie, la vaccination de l’ensemble des personnes pouvant y être candidates, et notamment, les personnes de plus de douze ans. Il ne pourrait être admis, dans ce cadre, un refus de vaccination par le médecin. Ce refus pouvant entraîner une sanction disciplinaire.

Apporter son concours à la protection de la santé. Un autre manquement déontologique pourrait être reproché au médecin. Alors qu’il prête concours à une action entreprise par une personne publique, le médecin refuse de se soumettre aux conditions de la vaccination. L’article R. 4127-12 du Code de la santé publique (N° Lexbase : L1215IT8) prévoit ainsi que : « Le médecin doit apporter son concours à l'action entreprise par les autorités compétentes en vue de la protection de la santé et de l'éducation sanitaire. Il participe aux actions de vigilance sanitaire. La collecte, l'enregistrement, le traitement et la transmission d'informations nominatives ou indirectement nominatives sont autorisés dans les conditions prévues par la loi. » Un manquement à cette règle pourrait encore ici entraîner une sanction disciplinaire.

Discrimination. Une sanction pourrait éventuellement être envisagée sur le terrain de la discrimination. Pour qu’un acte soit considéré comme légalement discriminatoire, il doit être fondé sur un critère mentionné expressément par la loi. Ainsi, le Code de la santé publique prévoit (CSP, art. L. 1110-3 N° Lexbase : L7043LN8) :

« Aucune personne ne peut faire l'objet de discriminations dans l'accès à la prévention ou aux soins.
Un professionnel de santé ne peut refuser de soigner une personne pour l'un des motifs visés
au premier alinéa de l'article 225-1 (N° Lexbase : L2676LBQ) ou à l'article 225-1-1 (N° Lexbase : L8794ITU) du Code pénal […] ».

Et l’article 225-1 du Code pénal dispose que constitue « une discrimination toute distinction opérée entre les personnes physiques sur le fondement […] de leur âge […] ».

Un décret du 2 octobre 2020 (décret n° 2020-1215 N° Lexbase : L3757LYS) est venu compléter la définition en précisant que « constitue un refus de soins discriminatoire, au sens de l'article L. 1110-3, toute pratique tendant à empêcher ou dissuader une personne d'accéder à des mesures de prévention ou de soins, par quelque procédé que ce soit et notamment par des obstacles mis à l'accès effectif au professionnel de santé ou au bénéfice des conditions normales de prise en charge financière des actes, prestations et produits de santé, pour l'un des motifs de discrimination mentionnés aux articles 225-1 et 225-1-1 du Code pénal ».

Dans le cas exposé, le médecin a écarté volontairement des personnes en raison de leur âge, ne leur permettant pas de bénéficier de la vaccination à laquelle ils peuvent prétendre et qui leur est recommandée.

Là encore, le médecin s’expose alors à une sanction disciplinaire.

La sanction disciplinaire. Le contentieux disciplinaire qui sanctionne les manquements à la confraternité ou aux devoirs envers les patients, des actes entraînant une déconsidération de la profession, des fautes de diagnostic, est un contentieux spécial. Les chambres disciplinaires (de première instance et nationale, en cas d’appel de la décision de première instance) sont chargées de ce contentieux. La chambre disciplinaire de première instance est saisie d’une plainte déposée par :

  • un patient ;
  • un autre médecin ;
  • une administration ou un organisme public ;
  • une association.

La chambre de première instance doit statuer dans un délai de six mois (CSP, art. L. 4124-1 N° Lexbase : L3019DLE). Elle peut déclarer la plainte irrecevable ou condamner le praticien. La sanction peut être un avertissement, un blâme, une interdiction d’exercice avec ou sans sursis de la médecine pouvant aller jusqu’à trois ans. La sanction la plus forte étant la radiation du tableau de l’Ordre. Le Conseil d’État est la juridiction compétente en cassation.

Une nuance est à apporter concernant les médecins chargés d’une mission de service public, tels que les praticiens hospitaliers ou le médecin-conseil de la Sécurité sociale. Ces derniers ne peuvent être poursuivis que par le ministre chargé de la Santé, le représentant de l'État dans le Département, le Directeur général de l’Agence régionale de santé, le procureur de la République, le Conseil national de l’Ordre des médecins ou le conseil départemental de l’Ordre des médecins où il est inscrit.

Vers une rupture du contrat ? Enfin, il convient, au-delà de la sanction disciplinaire pouvant être prononcée par la juridiction ordinale, de s’attarder sur les modalités d’exercice du médecin. En effet, plusieurs statuts existent. Il convient de prendre en compte [1] :

  • la structure juridique qui appuie le centre de vaccination (établissement hospitalier, centre de santé, maison de santé, CPTS, collectivité) ;
  • le statut du professionnel de santé (salarié d’un établissement ou d’un centre de santé, libéral installé, remplaçant libéral, retraité libéral en cumul emploi retraite, retraité sans activité, étudiant.

Plusieurs options sont possibles pour déterminer le statut :

  • le contrat de travail ;
  • la « convention de collaboration ».

Par exemple, si le médecin est retraité libéral en cumul emploi-retraite et qu’il exerce pour une collectivité, il est engagé par un contrat à durée déterminée. Partant, si la collectivité considère que le médecin a commis une faute en refusant la vaccination à des adolescents de moins de seize ans, ce dernier risque une rupture du contrat de travail.

 

[1] Instruc. DGS-Urgent n° 2021-14, du 10 février 2021, Stratégie vaccinale contre la COVID-19 - Modalités de rémunération des établissements et professionnels de santé [en ligne].

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