La lettre juridique n°874 du 22 juillet 2021 : Fiscalité du patrimoine

[Focus] La fiscalité de la vente en viager

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par Virginie Pradel, Fiscaliste, Docteur en droit, Institut de recherche fiscale

le 17 Janvier 2022


Mots-clés : patrimoine • viager 

La vente en viager peut représenter une excellente opportunité pour l’acquéreur comme pour le vendeur. Force est toutefois de constater que la demande demeure encore faible par rapport à l’offre. Une majorité de Français entretient assurément des réserves vis-à-vis de ce dispositif. Ces dernières résultent notamment de considérations morales et des clichés véhiculés par le film « Le Viager ».


 

La vente en viager est un contrat qui permet à une personne propriétaire d’un bien immobilier, le plus souvent une personne âgée disposant de peu de ressources, de vendre son bien tout en se réservant un revenu qui lui sera versé jusqu’à son décès et éventuellement la jouissance du bien.

L’acquéreur qui devra verser la rente est appelé débirentier, tandis que le vendeur bénéficiaire de ladite rente est appelé crédirentier.

La vente en viager se réalise le plus souvent sous la forme d’un « viager occupé ». Ce type de vente prévoit une dissociation entre :

  • nue-propriété et usufruit : dans ce cas, le vendeur conserve la possibilité d’occuper personnellement le bien ou de le louer [1] ;
  • droit d’usage et d’habitation : dans ce cas, le vendeur ne peut pas louer le bien et peut seulement l’occuper.

Le viager peut également être « libre » permettant à l’acquéreur d’utiliser immédiatement le bien immobilier, soit en l’occupant, soit en le louant.

Cet article a vocation à présenter la fiscalité applicable au débirentier et au crédirentier.

📌 S’agissant des droits d’enregistrement

Le débirentier doit s’acquitter des droits d’enregistrement sur la valeur en capital de la rente versée au crédirentier.

Cette valeur est exprimée dans l’acte de vente (taxation du prix converti en rente viagère) ou fixée par une déclaration estimative des parties (prix consistant directement en rente viagère). Dans ce dernier cas, l’administration peut, pour contrôler l’évaluation fournie par les parties, utiliser les barèmes des compagnies d’assurances sur la vie ou de la caisse nationale de prévoyance [2].

Le cas échéant, le montant de la rente doit être augmenté du bouquet.

Les droits d’enregistrement s’appliquent dans les conditions de droit commun. Leur taux global s’élève à 5,8 % dans la plupart des départements.

📌 S’agissant de la taxe foncière et de la taxe d’enlèvement des ordures ménagères (TEOM)

Le débirentier est tenu de s’acquitter de la taxe foncière et de la TEOM dans la mesure où ce dernier est propriétaire du bien occupé [3].

📌 S’agissant de la taxe d’habitation

Dans le cas d’un viager « occupé », le crédirentier doit s’acquitter de la taxe d’habitation.

Dans le cas d’un viager « libre », c’est :

  • le débirentier s’il occupe le logement ;
  • le locataire lorsque le logement vendu est mis en location.

📌 S’agissant de l’impôt sur la fortune immobilière (IFI)

Si le viager est « occupé », le crédirentier conserve le droit d’usage et d’habitation ou l’usufruit. Dans les deux cas, il doit déclarer la valeur de ce droit au titre de l’IFI. Le droit d’usage et d’habitation comme l’usufruit sont calculés à partir du même barème fiscal. Toutefois, le droit d’usage étant plus restreint, un abattement de 40 % lui est appliqué.

De son côté, le débirentier d’un viager « occupé » doit déclarer à l’IFI la valeur de la nue-propriété du bien.

Si le viager est « libre », le débirentier déclare la pleine propriété. Le crédirentier n’est, quant à lui, pas imposé.

Dans tous les cas, le crédirentier peut déduire le capital représentatif de la rente à verser.

Pour rappel, le barème de l’IFI est le suivant :

  • patrimoine net taxable entre 0 et 800 000 euros : 0 %
  • patrimoine net taxable entre 800 000 euros et 1 300 000 euros : 0,5 %
  • patrimoine net taxable entre 1 300 000 euros et 2 570 000 euros : 0,7 %
  • patrimoine net taxable entre 2 570 000 euros et 5 000 000 d’euros : 1 %
  • patrimoine net taxable entre 5 000 000 d’euros et 10 000 000 d’euros : 1,25 %
  • patrimoine net taxable au-delà de 10 000 000 d’euros : 1,5 %.

💡 Précisions 

Le seuil d’imposition à l’IFI correspond à un patrimoine net taxable de 1 300 000 euros. Toutefois, lorsqu’une personne est imposable à l’IFI, le calcul commence à 800 000 euros.

Pour les patrimoines nets taxables compris entre 1 300 000 euros et 1 400 000 euros, un système de décote permet d’atténuer l’impôt. Le montant de la décote est égal à 17 500 — (1,25 x montant du patrimoine net taxable).

📌 S’agissant de l’impôt sur le revenu (IR)

Pour le crédirentier, la rente viagère versée par le débirentier représente un revenu imposable au barème progressif de l’IR, pour une fraction seulement de son montant. Le législateur exonère en effet d’IR la quote-part des arrérages censée correspondre au remboursement partiel du capital initial.

Le montant des arrérages imposables est déterminé d’après l’âge du crédirentier lors de l’entrée en jouissance de la rente viagère et non d’après l’âge atteint par le crédirentier l’année de l’imposition.

La fraction imposable est ainsi fixée l’année où la rente entre en service. Elle demeure ensuite invariable. Elle ne peut donc plus être modifiée.

Fraction imposable

Le crédirentier est âgé

Le jour d’entrée en service de la rente doit être situé

70 %

De moins de 50 ans

Avant le jour du cinquantième anniversaire

50 %

De 50 à 59 ans inclus

Entre le jour du cinquantième anniversaire et la veille du soixantième anniversaire, ces deux jours étant inclus.

40 %

De 60 à 69 ans inclus

Entre le jour du soixantième anniversaire et la veille du soixante-dixième anniversaire, ces deux jours étant inclus.

30 %

De plus de 69 ans

Le jour du soixante-dixième anniversaire ou postérieurement.

 

La date d’entrée en jouissance de la rente viagère est déterminée différemment selon que cette rente est à jouissance immédiate ou à jouissance différée.

Si la rente est à jouissance immédiate, la date à retenir est celle du contrat constitutif de rente viagère dans le cas d’aliénation d’un bien, par exemple, ou celle de la remise des fonds ou du capital aliéné.

Si la rente est à jouissance différée, la date à retenir est celle d’entrée en jouissance effective de la rente. Cette date peut, en effet, être différente de celle d’entrée en jouissance théorique fixée par le contrat primitif de rente, à partir de laquelle l’organisme débiteur s’engage à servir la rente. L’entrée en jouissance n’est pas nécessairement automatique et dépend, notamment, de la diligence des intéressés qui sont tenus de satisfaire à certaines obligations pour obtenir de l’organisme débiteur l’établissement du titre de rente.

La date à retenir figure, en principe, sur le titre de rente ainsi établi.

Le barème de l’IR est le suivant ;

Tranches

Taux d’imposition à appliquer sur la tranche correspondante

Jusqu’à 10 084 euros

0 %

De 10 085 euros à 25 710 euros

11 %

De 25 711 euros à 73 516 euros

30 %

De 73 517 euros à 158 122 euros

41 %

Plus de 158 122 euros

45 %

💡 Précisions 

L’abattement de 10 % pour frais professionnels n’est pas applicable à la fraction imposable des rentes viagères.

📌 La fiscalité applicable en cas de revente d’un bien en viager

Pour le calcul de la plus-value immobilière, le prix d’acquisition retenu est en principe la valeur en capital de la rente majorée de l’éventuel bouquet.

Si la revente a lieu avant le décès du crédirentier, le prix d’acquisition retenu est constitué :

  • des versements déjà opérés au profit du crédirentier ;
  • de la valeur en capital de la rente à la date de la revente ;
  • du montant du « bouquet ».

Si la revente a lieu après le décès du crédirentier, on retient les versements opérés au profit du crédirentier, majorés du bouquet.

La plus-value immobilière est taxée l’année de la cession.

Le taux applicable est de 36,2 % :

  • 19 % d’impôt sur le revenu ;
  • 17,2 % de prélèvements sociaux.

La plus-value imposable bénéficie toutefois d’un abattement par année de détention au-delà de la cinquième, qui aboutit à une exonération :

  • d’IR après 22 ans ;
  • de prélèvements sociaux après 30 ans.

Lorsque le bien vendu en viager est la résidence principale du vendeur, l’éventuel bouquet reçu n’est pas soumis à la taxation des plus-values immobilières.

Ce dernier est toutefois soumis à la taxation des plus-values immobilières dans le cas d’une résidence secondaire ou d’un investissement locatif.

Le vendeur bénéficie alors d’un abattement en fonction de son âge :

  • 30 % avant 50 ans ;
  • 50 % entre 50 et 59 ans ;
  • 60 % entre 60 et 69 ans ;
  • 70 % au-delà de 69 ans. 
 

[1] C. civ. art. 595 (N° Lexbase : L3176ABA).

[2] BOI-ENR-DMTOI-10-10-20-10 § 60 (N° Lexbase : X5497AL8).

[3] BOI-IF-TFB-10-20-20 § 100 (N° Lexbase : X7896ALZ) « Dans le cas de vente en viager avec réserve du seul droit d'usage et d'habitation au profit du vendeur, c'est l'acheteur qui est le redevable légal de la taxe ».

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