Réf. : CJUE, 15 juillet 2021, aff. C-804/18 et C-341/19 (N° Lexbase : A01924Z7)
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par Charlotte Moronval
le 21 Juillet 2021
► L’interdiction de porter toute forme visible d’expression de convictions politiques, philosophiques, religieuses sur le lieu de travail peut être justifiée par le besoin de l’employeur de se présenter de manière neutre ou de prévenir des conflits sociaux ;
Toutefois, cette justification doit répondre à un besoin véritable de l’employeur et, dans le cadre de la conciliation des droits et intérêts en cause, les juridictions nationales peuvent tenir compte du contexte propre à leur État membre et notamment des dispositions nationales plus favorables en ce qui concerne la protection de la liberté de religion.
Les faits. Mme X et Mme Y, employées au sein de sociétés de droit allemand en tant que, respectivement, éducatrice spécialisée et conseillère de vente et caissière, ont porté, sur leur lieu de travail respectif, un foulard islamique.
Considérant que le port d’un tel foulard ne correspondait pas à la politique de neutralité politique, philosophique et religieuse poursuivie à l’égard des parents, des enfants et des tiers, l’employeur de Mme X a demandé à celle-ci d’enlever ce foulard et, à la suite de son refus, l’a, à deux reprises, provisoirement suspendue de ses fonctions, tout en lui infligeant un avertissement.
L’employeur de Mme Y, quant à lui, devant le refus de celle-ci de retirer ce foulard sur son lieu de travail, l’a, d’abord, affectée à un autre poste lui permettant de porter ledit foulard, puis, après l’avoir renvoyée chez elle, lui a enjoint de se présenter sur son lieu de travail sans signes ostentatoires et de grande taille d’expression d’une quelconque conviction religieuse, politique ou philosophique.
La procédure. Mme X a saisi le tribunal du travail d’Hambourg, en Allemagne, d’un recours visant à condamner son employeur à retirer de son dossier personnel les avertissements relatifs au port du foulard islamique. De son côté, Mme Y a introduit un recours devant les juridictions nationales visant à faire constater l’invalidité de l’injonction de son employeur et à obtenir une indemnité en réparation du préjudice subi. Mme Y ayant obtenu gain de cause devant ces juridictions, son employeur a introduit un recours en révision devant la Cour fédérale du travail en Allemagne.
Les questions préjudicielles. C’est dans ce contexte que les deux juridictions de renvoi ont décidé de demander à la CJUE si :
La position de la CJUE. Énonçant la solution susvisée, les juges européens estiment qu’une règle interne d’une entreprise, interdisant aux travailleurs de porter tout signe visible de convictions politiques, philosophiques ou religieuses sur le lieu de travail, ne constitue pas, à l’égard des travailleurs qui observent certaines règles vestimentaires en application de préceptes religieux, une discrimination directe fondée sur la religion ou sur les convictions, au sens de cette directive, dès lors que cette règle est appliquée de manière générale et indifférenciée.
Par ailleurs, une différence de traitement indirectement fondée sur la religion ou les convictions, découlant d’une règle interne d’une entreprise interdisant aux travailleurs de porter tout signe visible de convictions politiques, philosophiques ou religieuses sur le lieu de travail, est susceptible d’être justifiée par la volonté de l’employeur de poursuivre une politique de neutralité politique, philosophique et religieuse à l’égard des clients ou des usagers, pour autant :
La Cour précise également qu’une telle discrimination ne peut être justifiée que si l’interdiction couvre toute forme visible d’expression des convictions politiques, philosophiques ou religieuses. Une interdiction qui est limitée au port de signes de convictions politiques, philosophiques ou religieuses ostentatoires et de grande taille est susceptible de constituer une discrimination directe fondée sur la religion ou les convictions, laquelle ne saurait en tout état de cause être justifiée.
Enfin, la Cour juge que les dispositions nationales protégeant la liberté de religion peuvent être prises en compte en tant que dispositions plus favorables, dans le cadre de l’examen du caractère approprié d’une différence de traitement indirectement fondée sur la religion ou les convictions.
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