Réf. : Cass. civ. 1, 23 juin 2021, n° 19-22.678, FS-B (N° Lexbase : A95644W7)
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par Marie Le Guerroué
le 28 Juillet 2021
► Si l'absence de l’information au procureur que la personne gardée à vue est entendue pour des faits autres que ceux ayant motivé son placement sous ce régime, fait nécessairement grief aux intérêts de la personne gardée à vue, au sens de l'article 802 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L4265AZY), et entraîne la nullité des procès-verbaux de son audition sur les nouveaux faits, ainsi que, le cas échéant, celle des actes subséquents qui trouvent dans ceux-ci leur support nécessaire et exclusif, elle n'entraîne pas la nullité de la garde à vue en son ensemble ; dès lors, en l’absence de preuve d'une atteinte aux droits de l’étranger au sens de l'article L. 552-13 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (N° Lexbase : L3505LZT), dans sa rédaction issue de la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011 (N° Lexbase : L4969IQ4), le moyen tiré de cette irrégularité ne peut emporter la mainlevée de la mesure de rétention.
Faits et procédure. À l'expiration d'une mesure de garde à vue décidée pour infractions à la législation sur les stupéfiants, un Tunisien, en situation irrégulière sur le territoire français, avait été placé en rétention administrative, en exécution d'une obligation de quitter le territoire français. Le lendemain, le juge des libertés et de la détention avait été saisi par le préfet d'une demande de prolongation de la rétention sur le fondement de l'article L. 552-1 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (N° Lexbase : L3493LZE).
L’intéressé fait grief à l'ordonnance de rejeter les exceptions de nullité et de décider de la prolongation de sa rétention administrative pour une durée maximale de vingt-huit jours, alors que si au cours de la garde à vue ouverte contre une personne, l'officier de police judiciaire notifie une garde à vue supplétive à l'encontre de la même personne, du chef d'une autre infraction, il doit aviser le procureur de la République de cette extension et l'informer des motifs et de la qualification des nouveaux faits notifiés à celle-ci, tout retard dans la mise en œuvre de cette obligation, non justifié par des circonstances insurmontables, faisant nécessairement grief aux intérêts de ladite personne. En énonçant, pour ordonner la prolongation de sa rétention administrative, après avoir observé qu'aucun élément n'établissait que le procureur de la République avait été avisé de la garde à vue supplétive, que l’intéressé ne prouvait pas que cette illégalité ait eu pour effet de porter atteinte à ses droits le premier président a violé les articles 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales (N° Lexbase : L7558AIR), 63 (N° Lexbase : L7438LP8) et 65 (N° Lexbase : L3161I3H) du Code de procédure pénale et L. 552-13 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Réponse de la Cour. La Cour de cassation rappelle dans un premier temps, les dispositions applicables au litige. Aux termes de l'article L. 552-13 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction issue de la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011, en cas de violation des formes prescrites par la loi à peine de nullité ou d'inobservation des formalités substantielles, toute juridiction, y compris la Cour de cassation, qui est saisie d'une demande d'annulation ou qui relève d'office une telle irrégularité, ne peut prononcer la mainlevée de la mesure de placement en rétention que lorsque celle-ci a eu pour effet de porter atteinte aux droits de l'étranger. Lorsqu'en application de l'article 65 du Code de procédure pénale, une personne gardée à vue est entendue pour des faits autres que ceux ayant motivé son placement sous ce régime, l'officier de police judiciaire doit, afin de permettre un contrôle effectif de la mesure, informer sans délai le procureur de la République, tant des soupçons pesant sur l'intéressé que de la qualification susceptible de lui être notifiée.
Si l'absence d'une telle information fait nécessairement grief aux intérêts de la personne gardée à vue, au sens de l'article 802 du Code de procédure pénale, et entraîne la nullité des procès-verbaux de son audition sur les nouveaux faits, ainsi que, le cas échéant, celle des actes subséquents qui trouvent dans ceux-ci leur support nécessaire et exclusif, elle n'entraîne pas la nullité de la garde à vue en son ensemble. Après avoir constaté qu'il résultait du procès-verbal du 13 janvier 2019 que l’intéressé avait fait l'objet d'une garde à vue dite supplétive pour des faits qualifiés de recel de vol et qu'aucune mention de ce procès-verbal, ni aucune autre pièce de la procédure, n'établissait que le procureur de la République en avait été avisé, le premier président, qui a souverainement estimé que l'intéressé ne rapportait pas la preuve d'une atteinte à ses droits au sens de l'article L. 552-13 précité, en a exactement déduit que le moyen tiré de cette irrégularité ne pouvait emporter la mainlevée de la mesure de rétention.
Rejet. La Cour rejette par conséquent le pourvoi.
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