Le Quotidien du 29 juin 2021 : Procédure civile

[Brèves] Mesures d'instruction et secret des affaires : compétence territoriale du juge en présence d’un dépôt multiple de requêtes et conditions des mesures légalement admissibles

Réf. : Cass. civ. 2, 10 juin 2021, n° 20-11.987, F-P (N° Lexbase : A92944UR)

Lecture: 6 min

N7980BY9

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

[Brèves] Mesures d'instruction et secret des affaires : compétence territoriale du juge en présence d’un dépôt multiple de requêtes et conditions des mesures légalement admissibles. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/69502545-breves-mesures-dinstruction-et-secret-des-affaires-competence-territoriale-du-juge-en-presence-dun-d
Copier

par Alexandra Martinez-Ohayon

le 28 Juin 2021

► Il résulte des articles 42 (N° Lexbase : L1198H47) , 145 (N° Lexbase : L1497H49et 493 (N° Lexbase : L6608H7Udu Code de procédure civile qu’un juge des requêtes est compétent pour ordonner des mesures d’instruction lorsqu’il est saisi de requêtes identiques concernant plusieurs personnes ou sociétés dont certaines sont domiciliées hors de son ressort, dès lors que l’une d’entre elles au moins est domiciliée dans son ressort, que les mesures sollicitées tendent à conserver ou établir la preuve de faits similaires dont pourrait dépendre la solution d’un même litige et que la juridiction à laquelle il appartient est susceptible de connaître de l’éventuelle instance au fond.

 S’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir, avant tout procès, la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées, à la demande de tout intéressé ; constituent des mesures légalement admissibles des mesures d’instruction circonscrites dans le temps et dans leur objet et proportionnées à l’objectif poursuivi. Il incombe, dès lors, au juge de vérifier si la mesure ordonnée était nécessaire à l’exercice du droit à la preuve du requérant et proportionnée aux intérêts antinomiques en présence ;

Enfin, la Haute juridiction énonce que si le secret des affaires ne constitue pas en lui-même un obstacle à l’application des dispositions de l’article 145 précité, c’est à la condition que le juge constate que les mesures qu’il ordonne procèdent d’un motif légitime, sont nécessaires à la protection des droits de la partie qui les a sollicitées, et ne portent pas une atteinte disproportionnée aux droits de l’autre partie au regard de l’objectif poursuivi.

Faits et procédure. Dans cette affaire, la société Neovia se plaignant de faits de concurrence déloyale et de dénigrement sur internet a déposé sept requêtes identiques devant le président d’un tribunal de commerce. Les requêtes ont été déposées sur le fondement de l’article 145 du Code de procédure civile, à fin de voir ordonner des mesures aux sièges sociaux de plusieurs sociétés. Par deux ordonnances du 28 septembre 2018, les requêtes ont été accueillies, énonçant que l’huissier de justice sera séquestre des documents appréhendés et qu’il ne pourra être mis fin au séquestre que par une décision de justice contradictoire l’autorisant à remettre les documents saisis. Le 8 octobre 2018, les mesures d’instruction ont été exécutées. Deux sociétés défenderesses ont saisi un juge des référés d’une exception d’incompétence territoriale du juge des requêtes au profit du tribunal de commerce de Reims. Par ordonnance du 20 février 2019, ces demandes ont été rejetées.

Le pourvoi. Dans un premier temps, les demanderesses font grief à l’arrêt (CA Lyon, 3 décembre 2019, n° 19/01492, N° Lexbase : A7044Z4N), d’avoir confirmé l’ordonnance en ce qu’elle a dit mal fondée l’exception d’incompétence ratione loci.

En l’espèce, après avoir constaté que la société requérante avait saisi le président du tribunal de commerce de Lyon de requêtes identiques, assimilables à une requête unique, à l’encontre de huit sociétés, auxquelles il était imputé des actes présumés de concurrence déloyale, accomplis de concert, et parmi lesquelles deux sociétés avaient leur siège social dans le ressort du tribunal, la cour d’appel a retenu la compétence territoriale du président du tribunal de commerce de Lyon.

Solution. Énonçant la solution précitée, la Cour de cassation déclare le moyen non fondé.

Dans un second temps, les demanderesses font grief à l’arrêt d’avoir confirmé l’ordonnance en ce qu’elle a rejeté les demandes de rétractation totale comme partielle des ordonnances du 28 septembre 2018 et d’avoir confirmé ces ordonnances en toutes leurs dispositions.

En l’espèce, pour déduire que les mesures ordonnées étaient circonscrites dans leur objet et en conséquence légalement admissibles, la cour d’appel a retenu que :

  • les mesures ordonnées apparaissaient nécessaires et proportionnées à la protection des intérêts de la requérante, du fait que les ordonnances ne ciblaient pas de documents couverts par un secret d’ordre professionnel et qu’eu égard aux faits et aux preuves ;
  • l’ordonnance ne ciblait pas de documents personnels, ni de documents couverts par un secret professionnel ou médical, et qu’elle s’en tenait à des mots-clés pour découvrir l’identité des auteurs des messages dénigrants ;
  • l’ordonnance présidentielle ciblait de manière précise une recherche volontairement limitée aux fichiers, documents et correspondances, en rapport avec les faits litigieux, et que l’ordonnance ne se rapportait qu’à des mots-clés énumérés et en rapport avec l’activité de concurrence déloyale dénoncée.

Solution. Énonçant la solution précitée au visa de l’article 145 du Code de procédure civile, la Cour de cassation censure le raisonnement des juges d’appel. Les Hauts magistrat relèvent que la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision, en ne faisant pas ressortir précisément, comme elle y était invitée, que les mots-clés visant exclusivement des termes génériques, et les prénoms, noms et appellations des personnes contre lesquelles les mesures d’instruction avaient été sollicitées, étaient suffisamment circonscrits dans le temps et dans leur objet et que l’atteinte portée au secret des affaires était limitée aux nécessités de la recherche des preuves en lien avec le litige et n’était pas disproportionnée au regard du but poursuivi.

Dans un troisième temps, les demanderesses font le même grief à l’arrêt, en invoquant le secret des affaires. 

En l’espèce, après avoir relevé que les ordonnances ne ciblaient pas des documents couverts par un secret d’ordre professionnel, la cour d’appel a retenu qu’eu égard aux faits de la cause et aux preuves que la requérante entendait établir ou conserver, les mesures ordonnées apparaissaient nécessaires et proportionnées à la protection des intérêts de cette dernière.

Solution. Énonçant la solution précitée au visa de l’article 145 du Code de procédure civile, la Cour de cassation relève que la cour d’appel a privé sa décision de base légale, du fait qu’elle n’a pas recherché, comme elle y était invitée, si les mesures d’instruction demandées étaient nécessaires à la détermination de la preuve des faits allégués et ne portaient pas une atteinte disproportionnée au secret des affaires au regard de l’objectif poursuivi.

La Cour de cassation casse et annule l’arrêt rendu par la cour d’appel de Lyon, sauf en ce qu’il reçoit l’exception d’incompétence ratione loci et la déclare mal fondée.

Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : L’administration judiciaire de la preuve, Les mesures d’instruction, in Procédure civile, (dir. E. Vergès), Lexbase (N° Lexbase : E68003UE).

 

newsid:477980

Utilisation des cookies sur Lexbase

Notre site utilise des cookies à des fins statistiques, communicatives et commerciales. Vous pouvez paramétrer chaque cookie de façon individuelle, accepter l'ensemble des cookies ou n'accepter que les cookies fonctionnels.

En savoir plus

Parcours utilisateur

Lexbase, via la solution Salesforce, utilisée uniquement pour des besoins internes, peut être amené à suivre une partie du parcours utilisateur afin d’améliorer l’expérience utilisateur et l’éventuelle relation commerciale. Il s’agit d’information uniquement dédiée à l’usage de Lexbase et elles ne sont communiquées à aucun tiers, autre que Salesforce qui s’est engagée à ne pas utiliser lesdites données.

Réseaux sociaux

Nous intégrons à Lexbase.fr du contenu créé par Lexbase et diffusé via la plateforme de streaming Youtube. Ces intégrations impliquent des cookies de navigation lorsque l’utilisateur souhaite accéder à la vidéo. En les acceptant, les vidéos éditoriales de Lexbase vous seront accessibles.

Données analytiques

Nous attachons la plus grande importance au confort d'utilisation de notre site. Des informations essentielles fournies par Google Tag Manager comme le temps de lecture d'une revue, la facilité d'accès aux textes de loi ou encore la robustesse de nos readers nous permettent d'améliorer quotidiennement votre expérience utilisateur. Ces données sont exclusivement à usage interne.