Le Quotidien du 21 juin 2021 : Actualité judiciaire

[A la une] Au procès Bygmalion, le parquet requiert une peine de prison ferme à l’encontre de Nicolas Sarkozy

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[A la une] Au procès Bygmalion, le parquet requiert une peine de prison ferme à l’encontre de Nicolas Sarkozy. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/69355021-a-la-une-au-proces-bygmalion-le-parquet-requiert-une-peine-de-prison-ferme-a-lencontre-de-nicolas-sa
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par Vincent Vantighem, Grand Reporter à 20 Minutes

le 20 Juin 2021

Ce n’était évidemment pas son but premier. Mais l’affaire Bygmalion aura aussi été l’occasion parfaite de réviser les proverbes classiques et autres adages. À commencer par le fait que « les absents ont toujours tort ». Nicolas Sarkozy a dû s’en souvenir, jeudi 17 juin, en entendant les réquisitions du ministère public. Enfin, quand on les lui a racontées, surtout... Car l’ancien chef de l’État était absent quand Nicolas Baïetto, le procureur, a réclamé, vers 16 heures 30, une peine d’un an de prison dont six mois avec sursis et 3 750 euros d’amende à son encontre.

Une peine lourde de sens. Quasiment le maximum légal qu’il encourrait pour « financement illégal de campagne électorale » (un an de prison ferme maximum). Mais logique pour le parquet au regard de son statut d’ancien Président de la République et aussi et surtout de la « désinvolture » avec laquelle il a traversé ce procès. « Il ne regrette visiblement rien puisqu’il n’est venu qu’à une seule audience, a donc tancé Vanessa Perrée, la procureure adjointe. Ce comportement de ne pas se considérer comme un justiciable comme un autre, comme un citoyen parmi les citoyens, est à l’avenant de ce qu’il a été lors de cette campagne présidentielle, se situant hors de la mêlée... »

Mais non ! Pour le parquet, l’ancien chef de l’État était bien au cœur du jeu quand il est parti à l’assaut de sa réélection en 2012, alors que François Hollande menaçait. « Il a sciemment participé au dépassement [de son compte de campagne] en augmentant le nombre de meetings alors que la note d’alerte préconisait de le diminuer... » Poussant le parallèle avec « le sport de haut niveau », le parquet a expliqué que l’ancien chef de l’État avait agi comme un dopé, « en utilisant des moyens que d’autres ne pouvaient utiliser ». Vingt millions d’euros de moyens pour être précis…

La « fable » de Nicolas Sarkozy démontée par la procureure

Car les faits ne font plus l’ombre d’un doute. Selon l’accusation, l’ancien champion de la droite a dépensé 42,8 millions d’euros lors de la campagne de 2012. Alors que la loi lui imposait de demeurer sous le plafond de 22,5 millions d’euros. Pour que le fric-frac électoral ne soit pas dévoilé, un système de fausses factures a donc été mis en place. Chargée d’organiser les meetings, la société Event & Cie, filiale de Bygmalion, adressait des factures à l’UMP pour des conventions bidon. En réalité, les documents correspondaient aux meetings grandioses de Nicolas Sarkozy.

Neuf ans après les faits, l’ancien chef de l’État les conteste toujours. Mardi 15 juin, à la barre pendant cinq heures, il a nié l’évidence. Agité, débordé par sa propre colère, il a tenté d’expliquer que sa campagne de 2012 avait été similaire à celle de 2007. Ni plus chère. Ni plus clinquante. « J’ai fait le même nombre de meetings ! Le même nombre de villes ! Elle est où ma campagne en or massif ?, a-t-il éructé à la barre. J’aimerais qu’on me dise en quoi ma campagne a été différente de celle de M. Hollande ou de Mme. Le Pen ! »

Reprenant son expression de « fable », Vanessa Perrée a, lors des réquisitions, tenté de démontrer que Nicolas Sarkozy avait bien explosé les compteurs, contrairement à ses dénégations. D’abord, en utilisant les mathématiques et en expliquant qu’en trois meetings – ceux du Trocadéro, de Villepinte et de la Concorde – il avait déjà dépensé 10,5 millions d’euros, soit près de la moitié du budget total dont il disposait. Et en rappelant qu’il avait fait, au total, 44 meetings.

Et puis, au cas où cela ne suffisait pas, la procureure adjointe a décidé de revenir sur la réunion publique de Saint-Just-Saint-Rambert (Loire), le 8 mars 2012, visiblement, il n’y avait pas grand monde dans les travées ce jour-là. Entre 350 et 1 000 personnes selon les estimations. Et pourtant, la procureure a listé l’ensemble des salariés qui avaient été requis pour animer le rendez-vous. Deux assistants vidéo, un traiteur pour 130 personnes, une dizaine de stagiaires pour les chaises, trois ingénieurs du son…  L’inventaire à la Prévert a pris deux bonnes minutes. Et c’est long deux minutes ! La procureure s’est alors tue dans un prétoire abasourdi. Obligée de reprendre son souffle avant de lâcher sa punchline : « Contrairement à ce que Nicolas Sarkozy a dit : Non, sa campagne était bien en or massif ! »

La « tête à chapeau » de Jérôme Lavrilleux

Logique. Le parquet doit forcément démontrer les infractions afin de les caractériser et de requérir les peines qu’il estime justes et nécessaires. Mais à dire vrai, et à part Nicolas Sarkozy, il n’a plus grand monde pour contester l’affaire Bygmalion. Journée après journée, les quatre semaines d’audience ont permis de comprendre que les faits étaient bien constitués. Et il suffit de se souvenir que Caroline Viguier, la présidente, de la 11e chambre, projetait chaque jour sur le grand écran du prétoire les fausses factures pour arrêter de les contester.

C’est l’occasion de parler du second adage bien connu qui veut que « faute avouée est à moitié pardonnée ». Au moins au tiers. Ou au quart… Difficile de le savoir exactement. Toujours est-il que le parquet a passé du temps a expliqué que seuls quatre des quatorze prévenus avaient reconnu les faits pour lesquels ils comparaissaient. Les autres reconnaissent qu’il y a eu un « système de ventilation » mais refusent d’avouer y avoir participé. Et Nicolas Sarkozy, lui, ne reconnaît rien.

Mais s’il y a un  bon élève de cette affaire, c’est évidemment Jérôme Lavrilleux. L’ancien bras droit de Jean-François Copé. C’est lui qui, le premier, a avoué, en pleurs, sur le plateau de BFM TV les contours de l’entourloupe. C’est lui qui, encore à la barre et lors de l’audience, a assumé. Pas totalement. En expliquant qu’il n’était pas d’accord sur le moment où il a été informé de la manœuvre. Mais il a reconnu qu’il avait « une tête à chapeau ». Et c’est encore un autre proverbe que de parler de ceux qui « portent le chapeau ».

Représentants du ministère public, Vanessa Perrée et Nicolas Baïetto ont été touchés par les discours les plus sincères. C’est pour cela qu’ils n’ont choisi de requérir que des peines de prison avec sursis – trois ans et 50 000 euros d’amende tout de même à l’encontre de Jérôme Lavrilleux – contre eux. Et à l’encontre de Bastien Millot, le fondateur de Bygmalion, qui a continué à nier l’évidence à la barre malgré les preuves qui lui étaient mises sous le nez et les dépositions de ses anciens associés, elle a requis la peine la plus lourde : deux ans de prison dont un avec sursis et 150 000 euros d’amende.

La parole est désormais à la défense. La décision devrait ensuite être mise en délibéré.

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