Le Quotidien du 17 juin 2021 : Filiation

[Brèves] Exequatur d’un jugement ivoirien d’adoption : la démarche entreprise individuellement par les adoptants sans assistance par un organisme autorisé se heurte-t-elle à l’ordre public international français ?

Réf. : Cass. civ. 1, 9 juin 2021, n° 20-14.205, F-D (N° Lexbase : A93364UC)

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[Brèves] Exequatur d’un jugement ivoirien d’adoption : la démarche entreprise individuellement par les adoptants sans assistance par un organisme autorisé se heurte-t-elle à l’ordre public international français ?. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/69294564-breves-exequatur-dun-jugement-ivoirien-dadoption-la-demarche-entreprise-individuellement-par-les-ado
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par Marie-Lou Hardouin-Ayrinhac

le 16 Juin 2021

L'assistance des candidats à l'adoption d'un enfant étranger par un organisme autorisé ne découle d'aucune disposition de la Convention de New York du 26 janvier 1990 relative aux droits de l'enfant bénéficiant d'une applicabilité directe devant les tribunaux français ; une telle assistance n'est obligatoire en France que pour l'adoption d'enfants ressortissants d'États parties à la Convention de La Haye du 29 mai 2013, sur la protection des enfants et la coopération en matière d'adoption internationale ; or la Côte d’Ivoire n’est pas partie à cette Convention ;

Il en résulte que l'ordre public international français ne s'oppose pas à l'exequatur du jugement ivoirien prononçant l'adoption résultant de la démarche entreprise individuellement par des adoptants domiciliés en France.

Faits et procédure. Le 21 février 2019, des époux assignent le procureur de la République près le tribunal judiciaire de Lorient aux fins d'exequatur de la décision rendue le 27 juin 2014 par le tribunal de première instance d'Abidjan-Plateau (Côte d'Ivoire), qui prononce l'adoption plénière, par ces derniers, d'une enfant, née le 20 août 2009 à Port Bouet. Le président du tribunal judiciaire de Lorient se déclare incompétent au profit du président du tribunal judiciaire de Nantes.

Par un jugement en date du 9 janvier 2020, le tribunal judiciaire de Nantes rejette leur demande d'exequatur. Les époux contestent le rejet de leur demande et estiment que le juge français ne peut, sous couvert de l'ordre public international français, réviser au fond le jugement étranger qui lui est soumis pour exequatur.

Concernant le rejet de la demande d'exequatur. La première chambre civile de la Cour de cassation énonce, tout d'abord, qu'aux termes de l'article 36 de l'accord de coopération en matière de justice entre la République française et la République de Côte d'Ivoire du 24 avril 1961, en matière civile et commerciale, les décisions contentieuses et gracieuses rendues par les juridictions siégeant sur le territoire de la République française et sur le territoire de la République de Côte d'Ivoire ont, de plein droit, l'autorité de la chose jugée sur le territoire de l'autre État, si elles réunissent les conditions suivantes :

a) la décision émane d'une juridiction compétente selon les règles concernant les conflits de compétence admises dans l'État où la décision est exécutée ;

b) la décision est, d'après la loi de l'État où elle a été rendue, passée en force de chose jugée et susceptible d'exécution ;

c) les parties ont été régulièrement citées, représentées ou déclarées défaillantes ;

d) la décision ne contient rien de contraire à l'ordre public de l'État où elle est invoquée ou aux principes de droit public applicables dans cet État. Elle ne doit pas non plus être contraire à une décision judiciaire prononcée dans cet État et possédant à son égard l'autorité de la chose jugée.

La première chambre civile de la Cour de cassation déclare, ensuite, qu'aux termes de l'article 39 du même accord, le président se borne à vérifier si la décision dont l'exequatur est demandé remplit les conditions prévues à l'article 36 pour avoir de plein droit l'autorité de la chose jugée.

Pour rejeter la demande d'exequatur, le jugement du tribunal judiciaire retient que les époux, qui ont pris directement contact avec une famille en Côte d'Ivoire, ont suivi une procédure contraire à la Convention de New York du 26 janvier 1990 relative aux droits de l'enfant, qui engage non seulement la Côte d'Ivoire, mais également la France, qui ne peut valider une décision contraire à l'ordre public international résultant d'une convention bilatérale.

La première chambre civile de la Cour de cassation retient que l'ordre public international français ne s'opposait pas à l'exequatur du jugement ivoirien prononçant l'adoption résultant de la démarche entreprise individuellement par des adoptants domiciliés en France, parce que :

  • d’une part, l'assistance des candidats à l'adoption d'un enfant étranger par un organisme autorisé ne découle d'aucune disposition de la Convention de New York du 26 janvier 1990 relative aux droits de l'enfant bénéficiant d'une applicabilité directe devant les tribunaux français ;
  • d'autre part, une telle assistance n'est obligatoire en France que pour l'adoption d'enfants ressortissants d'États parties à la Convention internationale de La Haye, du 29 mai 2013 (ndlr : lire 1993), sur la protection des enfants et la coopération en matière d'adoption internationale. À noter que la France est partie à la convention précitée mais pas la Côte d'Ivoire.

Ainsi, le tribunal judiciaire a violé les articles 36 et 39 de l'accord de coopération en matière de justice entre la République française et la République de Côte d'Ivoire du 24 avril 1961.

Concernant la révision au fond du jugement étranger soumis au juge français pour exequatur. Pour statuer comme il le fait, le jugement du tribunal judiciaire retient encore l'existence d'une suspicion légitime sur les conditions du recueil du consentement de la mère et du maintien de contacts entre la mère biologique et l'enfant au moins jusqu'en 2016.

La première chambre civile de la Cour de cassation conclut, qu'en statuant ainsi, alors que le jugement du tribunal de première instance d'Abidjan-Plateau du 27 juin 2014 constatait que la mère biologique de l'enfant avait consenti personnellement à son adoption devant le juge à la date du 20 mai 2014 et retenait que le projet d'adoption présentait des avantages certains pour l'enfant, le tribunal judiciaire de Nantes, qui a procédé à la révision au fond du jugement, a violé les articles 36 et 39 de l'accord de coopération en matière de justice entre la République française et la République de Côte d'Ivoire du 24 avril 1961.

Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : Le conflit des lois relatives à la filiation adoptive et l'effet en France des adoptions prononcées à l'étranger, L'effet en France des décisions en matière d'adoption prononcées à l'étranger, in La filiation, (dir. A. Gouttenoire), Lexbase (N° Lexbase : E4419EYC).

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