Le Quotidien du 17 juin 2021 : Bancaire

[Brèves] Précisions utiles relatives au droit applicable aux prêts en devises

Réf. : CJUE, 10 juin 2021, deux arrêts, aff. C-609/19 (N° Lexbase : A00894W9) et aff. C-776/19 à C-782/19 (N° Lexbase : A00904WA)

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N7922BY3

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par Jérôme Lasserre Capdeville

le 16 Juin 2021

► D’abord, un consommateur ayant souscrit un prêt libellé en devise étrangère qui ignore le caractère abusif d’une clause incluse dans le contrat de prêt ne peut être exposé à aucun délai de prescription pour la restitution des sommes payées sur la base de cette clause ;

Ensuite, l’information fournie par le prêteur au consommateur sur l’existence du risque de change ne satisfait pas à l’exigence de transparence si elle est fondée sur l’hypothèse que la parité entre la monnaie de compte et la monnaie de paiement restera stable tout au long de la durée du contrat.

Les prêts en devise, et plus particulièrement ceux accordés en francs suisses (CHF) et remboursés en euros, suscitent depuis plusieurs années du contentieux notables (J. Lasserre Capdeville, Prêts en devise consentis aux consommateurs : quelles actions en cas de préjudice ?: in ouvrage collectif : « Mélanges AEDBF-France, tome VII », sous la direction de J.-J. Daigre et B. Bréhier, Revue Banque Edition, 2018, p. 17). On comprend qu’en raison des caractéristiques de ces prêts, leur souscription comportait un risque de change lié aux fluctuations du cours de l’euro par rapport à celui du CHF.

Or, par un grand nombre d’arrêts, la Cour de cassation, interrogée en la matière, n’a pas donné raison aux emprunteurs qui agissaient, principalement, sur le fondement du devoir d’information, du devoir de mise en garde et du droit des clauses abusives (V., par ex., Cass. civ. 1, 24 octobre 2019, n° 18-12.255, F-P+B+I N° Lexbase : A4710ZSA ; J. Lasserre-Capdeville, Lexbase Affaires, novembre 2019, n° 612 N° Lexbase : N1038BY4).

Leurs avocats ont alors donné de nouvelles orientations à leurs actions. D’une part, le tribunal correctionnel de Paris a, par un arrêt du 26 février 2020 (Trib. corr. Paris, 26 février 2020, n° 12290076010), déclaré l’établissement BNP Paribas Personal Finance coupable du délit de pratiques commerciales trompeuses. D’autre part, concernant plus particulièrement le droit des clauses abusives, des questions préjudicielles ont été posées à la CJUE par le tribunal d’instance de Lagny-sur-Marne et le tribunal de grande instance de Paris.

Par deux décisions du 10 juin 2021, particulièrement motivées, la CJUE vient répondre à ces questions. Plusieurs solutions en découlent. Nous ne retiendrons, ici, que les plus notables.

En premier lieu, la Cour rappelle que les clauses abusives figurant dans un contrat de consommation ne lient pas le consommateur et doivent être considérées comme n’ayant jamais existé, de sorte qu’elles ne peuvent avoir d’effet sur sa situation de droit et de fait. En conséquence, la Cour considère qu’une demande introduite par le consommateur aux fins de la constatation du caractère abusif d’une clause incluse dans un tel contrat ne peut être soumise à un quelconque délai de prescription (CJUE, 10 juin 2021, n° C-776/19 à C-782/19, considérant 48).

Pour autant, la Cour souligne que la Directive sur les clauses abusives (Directive n° 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs N° Lexbase : L7468AU7) ne s’oppose pas à une réglementation nationale qui soumet à un délai de prescription l’action visant à faire valoir les effets restitutifs de cette constatation. Toutefois, la Cour relève qu’un délai de prescription pour la restitution de sommes versées sur la base d’une clause abusive qui risque d’avoir expiré avant même que le consommateur ne puisse avoir connaissance de la nature abusive de cette clause ne peut en aucun cas être compatible avec la directive (CJUE, 10 juin 2021, n° C-776/19 à C-782/19, considérant 48).

En deuxième lieu, la Cour rappelle qu’il appartient aux juridictions de renvoi d’apprécier si les clauses litigieuses fixent un élément essentiel caractérisant les contrats de prêt en cause et constituant l’objet principal de ceux-ci. En effet, dans une telle hypothèse, la directive ne permet d’examiner leur caractère abusif que dans le cas où elles n’ont pas été rédigées de manière claire et compréhensible (CJUE, 10 juin 2021, n° C-776/19 à C-782/19, considérant 53 – CJUE, 10 juin 2021, n° C-609/19, considérant 27). Cette solution est aujourd’hui bien connue.

En troisième lieu, la Cour relève que ne satisfait pas à l’exigence de transparence la communication, lors de la conclusion du contrat, par le professionnel au consommateur d’informations, même nombreuses, « si celles-ci sont fondées sur l’hypothèse que la parité entre la monnaie de compte et la monnaie de paiement restera stable tout au long de la durée de ce contrat » (CJUE, 10 juin 2021, n° C-776/19 à C-782/19, considérant 74). Il en est notamment ainsi lorsque le consommateur n’a pas été averti par le professionnel du contexte économique susceptible d’avoir des répercussions sur les variations des taux de change.

En quatrième lieu, à la lumière des connaissances du professionnel qui portent sur le contexte économique prévisible pouvant avoir des répercussions sur les variations des taux de change, des moyens supérieurs de ce professionnel pour anticiper le risque de change ainsi que du risque considérable relatif aux variations des taux de change que les clauses litigieuses font peser sur le consommateur, la Cour considère que ces clauses peuvent donner lieu à un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties découlant du contrat de prêt au détriment du consommateur (CJUE, 10 juin 2021, n° C-776/19 à C-782/19, considérant 100). En effet, dans la mesure où le professionnel n’a pas respecté l’exigence de transparence à l’égard du consommateur, ces clauses semblent faire peser sur ce consommateur un risque disproportionné par rapport aux prestations et au montant du prêt reçus, puisque leur application a pour conséquence que celui-ci doit supporter le coût de l’évolution des taux de change à terme.

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