Réf. : Cass. civ. 3, 27 mai 2021, n° 20-13.204, FS-P (N° Lexbase : A48244TT)
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N7739BYB
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par Juliette Mel, Docteur en droit, Avocat associé, Rome Associés, Chargée d’enseignements à l’UPEC et Paris Saclay, Responsable de la commission Marchés de Travaux, Ordre des avocats
le 03 Juin 2021
► L’exercice du droit de rétractation ne prive pas, per se, le maître d’ouvrage de solliciter des dommages et intérêts du constructeur de maison individuelle ;
► les juges du fond exercent, à cet égard, leur liberté d’appréciation sur la faute commise par le constructeur.
La législation et la règlementation du contrat de construction de maison individuelle protègent, pour ne pas dire, surprotègent l’accédant à la propriété parce qu’il est souvent primo-accédant et que la construction de sa maison d’habitation nécessite, aussi souvent, la souscription d’un important prêt bancaire.
Le juge, dans son interprétation de ces dispositions, verse, lui aussi, dans une approche in favorem comme en atteste l’arrêt rapporté.
En l’espèce, des accédants à la propriété concluent un contrat de construction de maison individuelle (ci-après désigné CCMI), financé par un emprunt. Ils assignent le constructeur et le banquier en résiliation des contrats de construction et de prêt avant de modifier leurs prétentions pour solliciter, à titre principal, l’anéantissement du contrat de CCMI outre l’allocation de dommages et intérêts. Déboutés par les conseillers d’appel de leur demande indemnitaire, ils forment un pourvoi en cassation.
Ils exposent que l’exercice, par le maître d’ouvrage de sa faculté de rétractation ne le prive pas de la possibilité d’exercer une action en responsabilité délictuelle sur la faute commise par le cocontractant dans la conclusion du contrat. Les deux fautes invoquées par le maître d’ouvrage sont, d’une part, l’inachèvement de la maison à la date de livraison prévue par le contrat et, d’autre part, les irrégularités ayant affecté le contrat.
Le pourvoi est rejeté. Le maître d’ouvrage ne peut se prévaloir des conséquences dommageables du non-respect du délai prévu par le contrat anéanti par l’exercice de son droit de rétractation dont il n’a pas été privé. L’exercice du droit de rétractation ne résulte pas, en l’espèce, d’une faute du constructeur mais du seul exercice de ce droit par le maître d’ouvrage.
L’exercice du droit de rétractation ne prive donc pas le maître d’ouvrage de l’allocation de dommages et intérêts, mais encore faut-il prouver une faute distincte de l’exercice même de ce droit. Ils sont ainsi déboutés de leur demande de démolition.
La solution n’est pas nouvelle. En cas d’anéantissement du contrat par rétractation du consentement comme en cas d’annulation de celui-ci, la démolition de l’ouvrage ne peut être ordonnée que si elle constitue une sanction proportionnée à la gravité des désordres et des non-conformités (pour exemple, Cass. civ. 3, 15 octobre 2015, n° 14-23.612, FS-P+B+R N° Lexbase : A5827NTY), notamment au regard des travaux réalisés et de la gravité des désordres (Cass. civ. 3, 22 novembre 2018, n° 17-12.537, FS-P+B+I N° Lexbase : A3876YMI).
La solution mérite d’être approuvée. La formule célèbre du Doyen Carbonnier, « du néant, rien ne peut sortir » (J. Carbonnier, Les obligations, tome IV, PUF 2000, n° 106), se prête assez mal au contrat de CCMI tant les causes d’anéantissement de l’acte sont nombreuses. Il faut, par exemple, que l’exécution en nature du contrat soit impossible (pour exemple, Cass. civ. 3, 12 avril 2018, n° 17-26.906, FS-D N° Lexbase : A1441XLX).
Pour autant, le maître d’ouvrage ne perd pas la possibilité de solliciter des dommages et intérêts en réparation des préjudices qui lui sont causés par cette nullité (Cass. civ. 3, 21 janvier 2016, n° 14-26.085, FS-P+B N° Lexbase : A5599N47) comme le rappelle l’arrêt rapporté.
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