Réf. : Cass. crim., 13 avril 2021, n° 21-80.989, FS-P (N° Lexbase : A80494PS)
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par Marie Le Guerroué
le 21 Avril 2021
► La personne mise en examen dont l’avocat ne s’est pas présenté au débat contradictoire différé devant le juge des libertés et de la détention au motif qu’il n’avait pu contacter son client téléphoniquement, en raison d’une carence de l’administration pénitentiaire, ne saurait invoquer une violation des droits de la défense dès lors que le juge d’instruction a délivré en temps utile un permis de communiquer à cet avocat, propre à assurer un exercice effectif de ces droits, sauf pour ce dernier à établir l’existence de circonstances insurmontables ayant fait obstacle à son déplacement au parloir de l’établissement pénitentiaire.
Faits et procédure. Lors de son interrogatoire de première comparution, un mis en examen a désigné pour l’assister deux avocats au barreau de Paris. Le même jour, il a comparu devant le juge des libertés et de la détention et a sollicité un débat différé qui a été fixé au 6 janvier 2021. Le 1er janvier 2021, un des avocats a écrit au juge d’instruction afin qu’il autorise le mis en examen à l’appeler depuis le centre pénitentiaire sur ses numéros de téléphone fixe et portable qu’il mentionnait. Par courriel du lundi 4 janvier 2021, le juge d’instruction a informé celui-ci qu’il autorisait la personne mise en examen à agir ainsi, l’invitant à faire toutes démarches nécessaires à cette fin. Par télécopie du 6 janvier 2021, l’avocat a fait savoir au juge des libertés et de la détention que le mis en examen ne l’ayant pas contacté, il ne se présenterait pas à l’audience. Par ordonnance du même jour, le juge des libertés et de la détention place la personne mise en examen en détention provisoire. Le mis en examen forme appel de cette décision.
Chambre de l’instruction. Pour écarter le moyen de nullité, pris de ce que la personne mise en examen n’a pu téléphoner à son avocat qu’après le débat contradictoire différé, l’arrêt rendu par la chambre de l’instruction énonce que les avocats choisis par le mis en examen ont été avisés dès le 31 décembre 2020 de leur libre communication avec la personne mise en examen. Les juges ajoutent que, le 4 janvier 2021, le juge d’instruction a informé l’avocat que le mis en examen était, « bien entendu », autorisé à le joindre téléphoniquement et a invité cet avocat à se rapprocher de la maison d’arrêt. Ils relèvent que le choix opéré quant au mode de communication relevant de la seule responsabilité de la défense, il ne saurait être retenu une quelconque atteinte à l’exercice des droits de la défense, au seul motif allégué de l’absence d’un échange téléphonique dont rien ne permet de s’assurer qu’il résultait bien d’une intention commune. Les juges en déduisent que le mis en examen et son conseil ont été mis en mesure de communiquer de manière effective avant le débat contradictoire.
Réponse de la Cour. La Cour rappelle qu’il résulte de l’article 6, § 3, b) et c) de la Convention européenne des droits de l’Homme (N° Lexbase : L7558AIR) que le droit pour l’accusé de s’entretenir avec son avocat, essentiel à l’exercice des droits de la défense, doit être effectif et concret, mais que cet article ne précise néanmoins pas les conditions d’exercice de ce droit, laissant aux États le choix des moyens propres à permettre à leur système judiciaire de le garantir. Elle précise aussi que si la loi pénitentiaire n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 (N° Lexbase : L9344IES) consacre le droit des détenus à téléphoner aux membres de leur famille ou pour préparer leur réinsertion et rappelle par ailleurs le principe de la libre communication entre le détenu et son avocat, ni ce texte ni aucune autre disposition du Code de procédure pénale n’organise en l’état la communication téléphonique pour les besoins de la défense entre le détenu et l’avocat. Il s’ensuit que la personne mise en examen dont l’avocat ne s’est pas présenté au débat contradictoire différé devant le juge des libertés et de la détention au motif qu’il n’avait pu contacter son client téléphoniquement, en raison d’une carence de l’administration pénitentiaire, ne saurait invoquer une violation des droits de la défense dès lors que le juge d’instruction a délivré en temps utile un permis de communiquer à cet avocat, propre à assurer un exercice effectif de ces droits, sauf pour ce dernier à établir l’existence de circonstances insurmontables ayant fait obstacle à son déplacement au parloir de l’établissement pénitentiaire.
Rejet. Dès lors, pour la Chambre criminelle, en se prononçant ainsi, la chambre de l’instruction n’a méconnu aucune des dispositions invoquées au moyen. En effet, l’avocat de la personne mise en examen, destinataire du permis de communiquer, n’a pas justifié ni même allégué qu’il avait été dans l’impossibilité de se rendre à la maison d’arrêt où était détenu son client.
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