Le Quotidien du 22 avril 2021 : Construction

[Brèves] La présomption de réception tacite : un outil de simplification ?

Réf. : Cass. civ. 3, 1er avril 2021, n° 19-25.563, FS-P (N° Lexbase : A47844NI)

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par Juliette Mel, Docteur en droit, Avocat associé, Rome Associés, Chargée d’enseignements à l’UPEC et Paris Saclay, Responsable de la commission Marchés de Travaux, Ordre des avocats

le 21 Avril 2021

► La réception tacite suppose de caractériser la volonté non-équivoque du maître d’ouvrage de recevoir l’ouvrage ;
La prise de possession de l’ouvrage et le paiement du prix des travaux font présumer la volonté non équivoque du maître d’ouvrage de recevoir l’ouvrage.

Afin de simplifier la preuve de la volonté non-équivoque du maître d’ouvrage de recevoir l’ouvrage, la jurisprudence a instauré une présomption de réception tacite en cas de prise de possession de l’ouvrage doublée du paiement des travaux. C’est ainsi que depuis une jurisprudence amorcée le 24 novembre 2016 (Cass. civ. 3, 24 novembre 2016, n° 15-25.415, FS-P+B N° Lexbase : A3460SLQ) clairement confirmée en 2019 (Cass. civ. 3, 30 janvier 2019, n° 18-10.197, FS-P+B+I N° Lexbase : A5083YUS ; Cass. civ. 3, 18 avril 2019, n° 18-13.734, FS-P+B+I N° Lexbase : A3818Y9B), la réception tacite est présumée lorsqu’il y a paiement intégral du prix et prise de possession. La Haute juridiction y tient. Elle a déjà eu l’occasion d’y revenir (Cass. civ. 3, 5 mars 2020, n° 19-13.024, FS-D N° Lexbase : A54163IG obs. J. Mel, Lexbase Droit privé, avril 2020, n° 819 N° Lexbase : N2886BYK) et de réitérer il y a peu (Cass. civ. 3, 18 mars 2021, n° 19-24.537, FS-D N° Lexbase : A89024LB).

Est-ce pour autant que la réception tacite s’en trouve « sécurisée » c’est-à-dire moins contestable ? Il est permis d’en douter comme en témoigne l’arrêt rapporté.

En l’espèce, une société maître d’ouvrage confie à un constructeur la réalisation de travaux d’étanchéité de la toiture de bâtiments donnés à bail commercial. Le locataire se plaint de désordres, notamment d’infiltrations causées par les travaux, et obtient, après expertise, la condamnation du bailleur à réaliser les travaux de reprise. Le bailleur maître d’ouvrage se retourne logiquement contre le constructeur et son assureur de responsabilité civile décennale. Il est prétendu que les travaux n’auraient pas été réceptionnés à la date d’apparition des désordres, ce qui fait naturellement obstacle à l’engagement de la responsabilité civile décennale du constructeur ainsi qu’à la mobilisation des garanties souscrites auprès de l’assureur.

Faute de réception expresse, il s’est donc agi de savoir si les travaux avaient été tacitement réceptionnés. Si la prise de possession n’était pas contestée, la date de paiement effectif l’était. Les premiers juges, comme les juges d’appel (CA Douai, 10 octobre 2019, n° 18/02648 N° Lexbase : A8644ZQ9), estiment que le maître d’ouvrage était informé de la persistance des infiltrations liées à la réfection de la toiture à la date du paiement des travaux. Dès lors, les désordres étaient apparents à la date de la réception tacite.

La Haute juridiction rappelle que, s’agissant d’une question de fait – la date du paiement –, elle n’exerce qu’un contrôle de motivation. L’appréciation des éléments qui caractérisent la présomption de la réception tacite relève, en effet, du pouvoir souverain d’appréciation des juges du fond. Le pourvoi est ainsi rejeté.

L’espèce montre les limites de la simplification souhaitée par la mise en œuvre d’une présomption de réception tacite. Il y aura toujours à contester. Les notions de prise de possession et de paiement du prix sont des questions de faits. La prise de possession consiste-t-elle à mettre des meubles, vivre dans l’ouvrage ou simplement avoir les clés ? Le paiement du prix n’a pas à être intégral pour caractériser la présomption, mais doit être significatif. Une question se pose alors : à partir de quand un paiement est-il significatif, 70 % ? 80 % du prix ?

Répondre à ces questions est pourtant essentiel dès lors que la caractérisation de la réception va permettre, notamment, au maître d’ouvrage d'agir à l’encontre du constructeur sur le fondement de la responsabilité civile décennale de l’article 1792 du Code civil (N° Lexbase : L1920ABQ).

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