Réf. : CE 9° et 10° ch.-r., 13 avril 2021, n° 439360, n° 440978, n° 441151, n° 442307, n° 442317, n° 442363, n° 443239, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A21834PK)
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N7215BYU
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par Marie-Lou Hardouin-Ayrinhac
le 14 Avril 2021
► Le Conseil d’État annule la possibilité de transférer les données collectées via l’application « GendNotes » vers d’autres fichiers ; en effet, la finalité consistant en une « exploitation ultérieure dans d’autres traitements », notamment par le biais d’un système de pré-renseignement, des données collectées ne satisfait pas à l’exigence d’une finalité « déterminée, explicite et légitime » énoncée au 2° de l’article 4 de la loi « Informatique et Libertés » ;
Par ailleurs, le Conseil d’État encadre la collecte des données personnelles à caractère sensible réalisée par l’application ; ces dernières ne peuvent être enregistrées qu’en cas de nécessité absolue, cette condition devant être appréciée au regard des seules nécessités de l’intervention au cours de laquelle elles sont collectées, notamment pour la compréhension d’un fait ou la qualification ultérieure d’une infraction.
Faits et procédure. Par un décret du 20 février 2020 (décret n° 2020-151, du 20 février 2020, portant autorisation d'un traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé « application mobile de prise de notes » (GendNotes) N° Lexbase : L1792LWB ; v. M.-L. Hardouin-Ayrinhac, Lexbase Pénal, février 2020 N° Lexbase : N2378BYQ), le Premier ministre a autorisé le ministre de l’Intérieur à mettre en œuvre un traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé « Application mobile de prise de notes » (GendNotes). Cette application vise à faciliter d’une part le recueil et la conservation des données collectées par les gendarmes à l’occasion d’actions de prévention, d’investigations ou d’intervention en vue de leur exploitation dans d’autres fichiers et d’autre part la transmission de comptes rendus aux autorités judiciaires.
Plusieurs associations ont demandé au Conseil d’État l’annulation de ce décret.
Décision. La décision rendue par le Conseil d’État s’articule principalement autour de deux points.
S’il résulte des éléments versés au dossier dans le cadre de l’instruction que « l’exploitation ultérieure dans d’autres traitements » des données collectées viserait notamment l’alimentation automatisée de l’application métier « Logiciel de Rédaction des Procédures de la Gendarmerie Nationale » et la mise en relation avec plusieurs autres fichiers via l’application dénommée « Messagerie tactique », le Conseil d'État constate que le décret ne comporte aucune indication quant à la nature et à l’objet des traitements concernés ni quant aux conditions d’exploitation, dans ces autres traitements, des données collectées par le traitement « Application mobile de prise de notes » (GendNotes).
Dès lors, le Conseil d’État juge que la finalité consistant en une « exploitation ultérieure dans d’autres traitements », notamment par le biais d’un système de pré-renseignement, des données collectées ne satisfait pas à l’exigence d’une finalité « déterminée, explicite et légitime » énoncée au 2° de l’article 4 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978, relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés (N° Lexbase : L8794AGS).
Ainsi, le Conseil d’État retient que les requérants sont fondés à soutenir que le décret attaqué doit être annulé en ce qu’il assigne une telle finalité au traitement qu’il autorise, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens des requêtes relatifs à la légalité du décret sur ce point.
S’agissant des données personnelles à caractère sensible relevant du I de l’article 6 de la loi du 6 janvier 1978, le Conseil d’État précise expressément, d’une part, qu’elles ne peuvent être enregistrées qu’en cas de nécessité absolue, cette condition devant être appréciée au regard des seules nécessités de l’intervention au cours de laquelle elles sont collectées, notamment pour la compréhension d’un fait ou la qualification ultérieure d’une infraction.
D’autre part, le Conseil d’État constate que ces données sensibles ne peuvent être saisies que dans les zones de commentaires libres prévues au V de l’annexe du décret et il est interdit de sélectionner une catégorie particulière de personnes à partir de ces seules informations.
Dans ces conditions, en dépit de la liberté de formulation laissée aux militaires de la gendarmerie nationale pour saisir ces données dans ces zones de commentaires libres, le Conseil d’État retient que l’autorisation d’enregistrement de données personnelles à caractère sensible dans ces zones présente des garanties appropriées au sens de l’article 88 de la loi du 6 janvier 1978 et ne méconnaît pas, par elle-même, les exigences posées par cette loi au titre du droit au respect de la vie privée, du droit à la protection des données personnelles et de la liberté de pensée, de conscience et de religion garantis par la Constitution, la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales et la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.
Conclusion. Le Conseil d’État annule la possibilité de transférer les données collectées via l’application « GendNotes » vers d’autres fichiers. Au 1° de l’article 1er du décret n° 2020-151 du 20 février 2020, les mots « en vue de leur exploitation dans d’autres traitements, notamment par le biais d’un système de pré-renseignement, » sont annulés.
En revanche, le Conseil d'État estime que les autres finalités de l’application « GendNotes », ainsi que leurs conditions de mise en œuvre sont conformes à la loi.
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