Le Quotidien du 6 avril 2021 : Filiation

[Brèves] Interdiction des contacts entre la requérante et ses enfants lors d’une procédure d’adoption : violation du droit de la requérante au respect de sa vie familiale

Réf. : CEDH, 1er avril 2021, Req. 70896/17, A.I. c/ Italie (N° Lexbase : A00594NI)

Lecture: 4 min

N7073BYM

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

[Brèves] Interdiction des contacts entre la requérante et ses enfants lors d’une procédure d’adoption : violation du droit de la requérante au respect de sa vie familiale. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/66438259-brevesinterdictiondescontactsentrelarequeranteetsesenfantslorsduneproceduredadoptionvi
Copier

par Marie-Lou Hardouin-Ayrinhac

le 09 Avril 2021

► La Cour observe en particulier que la cour d’appel n’a pas tenu compte des conclusions de l’expertise qui préconisait le maintien des liens entre la requérante et les enfants et n’a pas motivé sa décision sur les raisons qui l’ont amenée à ne pas prendre en compte ces conclusions ; au vu de la gravité des intérêts en jeu, il appartenait aux autorités d’apprécier la vulnérabilité de la requérante de manière plus approfondie au cours de la procédure ;

La Cour considère que, pendant le déroulement de la procédure qui a abouti à l’interruption des contacts entre la requérante et ses enfants, les autorités n’ont pas accordé suffisamment de poids à l’importance de la vie familiale de la requérante et de ses enfants ; la procédure n’a donc pas été entourée de garanties proportionnées à la gravité de l’ingérence et des intérêts en jeu.

Faits et procédure. La requérante est une réfugiée nigériane, victime de la traite, en situation de vulnérabilité et mère de deux enfants.

Invoquant l’article 8 de la CESDH (N° Lexbase : L4798AQR) relatif au droit au respect de la vie familiale, elle se plaignait de l’empêchement automatique de son droit de visite de ses enfants, à la suite de la déclaration du tribunal considérant ceux-ci en état d’abandon et adoptables, la procédure étant toujours pendante depuis plus de trois ans.

Elle se plaignait également de la séparation de ses enfants, adoptés par des familles différentes.

La requête a été introduite devant la Cour européenne des droits de l’Homme le 13 octobre 2017.

Décision. La Cour relève que les parties ne contestent pas que les décisions litigieuses s’analysent en une ingérence dans le droit au respect de la vie familiale de la requérante, prévue par la loi et poursuivant des buts légitimes.

Elle est pleinement consciente que, dans tout processus décisionnel, l’intérêt de l’enfant doit constituer la considération primordiale.

La Cour reconnaît qu’en dépit de l’absence d’indices de violence ou d’abus commis sur ses enfants, et contrairement aux conclusions de l’expertise, la requérante a été privée de tout droit de visite, alors que la procédure d’adoption est à ce jour toujours pendante.

La décision de la CEDH s'articule principalement autour des trois points suivants : 

  • contrariété à l’intérêt supérieur des enfants de la mesure de placement dans deux familles différentes

Les juridictions ont placé les enfants dans deux familles différentes, ce qui a fait obstacle au maintien des liens fraternels. Cette mesure a provoqué l’éclatement de la famille et celui de la fratrie ; elle est donc allée à l’encontre de l’intérêt supérieur des enfants.

  • manquement des autorités à leur obligation d’appréciation de la vulnérabilité de la requérante de manière plus approfondie au cours de la procédure

La requérante était victime de traite. Les autorités lui ont fourni une assistance sanitaire et une aide sociale, en revanche, les juridictions n’ont pas pris en considération la situation de vulnérabilité de la requérante pour évaluer ses capacités parentales et sa demande de maintenir des contacts avec ses enfants. Dans le cas des personnes vulnérables, les autorités doivent faire preuve d’une attention particulière et doivent leur assurer une protection accrue.

Au vu de la gravité des intérêts en jeu, il appartenait aux autorités d’apprécier la vulnérabilité de la requérante de manière plus approfondie au cours de la procédure. Il ressort par ailleurs des décisions du tribunal et de la cour d’appel que les juridictions internes ont apprécié les aptitudes parentales de la requérante sans prendre en compte son origine nigériane ni le modèle différent d’attachement entre parents et enfants qu’on peut retrouver dans la culture africaine, comme le rapport d’expertise l’avait largement mis en évidence.

Conclusion. Pendant le déroulement de la procédure qui a abouti à l’interruption des contacts entre la requérante et ses enfants, il n’a pas été accordé suffisamment de poids au fait de permettre à l’intéressée et aux enfants de connaître une vie familiale. La procédure n’a pas été entourée de garanties proportionnées à la gravité de l’ingérence et des intérêts en jeu. Il y a eu en conséquence violation de l’article 8 de la Convention.

newsid:477073

Cookies juridiques

Considérant en premier lieu que le site requiert le consentement de l'utilisateur pour l'usage des cookies; Considérant en second lieu qu'une navigation sans cookies, c'est comme naviguer sans boussole; Considérant enfin que lesdits cookies n'ont d'autre utilité que l'optimisation de votre expérience en ligne; Par ces motifs, la Cour vous invite à les autoriser pour votre propre confort en ligne.

En savoir plus