La lettre juridique n°858 du 18 mars 2021 : Procédure civile

[Jurisprudence] Fausse adresse, impossibilité d’exécuter et nullité de l’acte

Réf. : Cass. civ. 2, 4 mars 2021, n° 19-13.344, FS-P (N° Lexbase : A01604K7)

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par Charles Simon, avocat au Barreau de Paris, administrateur de l’AAPPE et de Droit & Procédure

le 17 Mars 2021


Mots-clés : droit à l’exécution • nullité des actes de procédure • nullité de fond • grief • renvoi après cassation •forclusion

La Cour de cassation confirme qu’une adresse inexacte dans un acte de procédure est une nullité de forme qui peut causer un grief si elle empêche l’exécution. La Cour de cassation rappelle en outre la nature particulière de la déclaration de saisine de la cour d’appel de renvoi après cassation. Il ne s’agit pas d’une demande en justice. En conséquence, une déclaration de saisine annulée n’interrompt pas le délai pour saisir la juridiction de renvoi.


 

La Cour de cassation vient de rendre un arrêt qui réjouira les processualistes et les praticiens de l’exécution sur un point : elle y réaffirme que l’exécution d’une décision de justice est le prolongement nécessaire de celle-ci. Sur cette base, elle confirme un arrêt d’appel qui avait déclaré nulle une déclaration de saisine après cassation comportant une adresse inexacte. En effet, cette irrégularité, de forme, avait causé un grief à la partie adverse car elle empêchait l’exécution (II).

Les processualistes prendront en outre connaissance avec intérêt d’un second point que la Cour de cassation tranche dans son arrêt. Il concerne les effets de l’annulation de la déclaration de saisine de la cour d’appel de renvoi. Contrairement à la déclaration d’appel qui, même nulle, comporte un effet interruptif, la Cour de cassation estime que tel n'est pas le cas de la déclaration de saisine de la juridiction de renvoi n’en a pas. C’est un élément de plus dans le régime propre à la procédure sur renvoi après cassation (III).

Avant de développer ces deux points, il est nécessaire de faire un rappel des faits et de la procédure pour espérer s’y retrouver, tant cette affaire est touffue (I).

I. Plus de dix-huit ans de procédure, trois instances distinctes, deux cassations : la saga Medianor

A. Les procédures jusqu’à l’incident ayant donné lieu à l’arrêt commenté

Cette affaire commence classiquement par un concours bancaire accordé par une banque (la Société Générale) à une société (Medianor). Tout aussi classiquement, le dirigeant s’est porté caution de sa société envers la banque et sa femme a acquiescé au cautionnement.

Pour continuer dans le classicisme, la société a fait l’objet d’un redressement puis d’une liquidation judiciaire en 2000, soit il y a plus de vingt ans.

Trois actions sont, toujours classiquement, nées de cette situation.

La première est une action en soutien abusif, introduite par le liquidateur judiciaire contre la banque. Un tribunal de commerce a condamné la banque en 2003 et une cour d’appel a confirmé ce jugement en 2006. Faute d’indication complémentaire, il semble que cette première action est soldée.

La deuxième est une action en responsabilité du dirigeant et de sa femme, à nouveau contre la banque, en réparation de leur préjudice personnel résultant de leur engagement de caution. Un arrêt d’appel a condamné la banque en 2012. Cette décision a été partiellement cassée en 2014 (Cass. civ. 2, 28 janvier 2014, n° 12-27.703, F-P+B) [1]. Puis la cour d’appel de renvoi a sursis à statuer dans l’attente de la décision à intervenir dans la troisième action dont nous allons parler juste après (CA Douai, 4 février 2016, RG n° 14/04029 (N° Lexbase : A3301PKH).

Dans l’arrêt commenté, la Cour de cassation s’arrête ici dans le rappel des faits de cette deuxième action. En réalité, il apparaît qu’elle a repris par la suite et s’est conclue par un arrêt de la cour d’appel de renvoi du 28 mai 2020. Cet arrêt a débouté le dirigeant et sa femme de l’ensemble de leurs demandes à l’encontre de la banque (CA Douai, 28 mai 2020, n° 16/05552, N° Lexbase : A49873MN). Nous ne savons pas si un pourvoi a été formé comme cet arrêt et serait encore pendant.

La troisième est une action de la banque à l’encontre du dirigeant et de sa femme en leur qualité de caution. C’est l’action qui a donné lieu à l’arrêt commenté. En 2013, le tribunal de commerce de Lille a :

- condamné le dirigeant et sa femme à payer 76 224,50 euros à la banque, avec intérêts légaux à compter de l'assignation du 8 novembre 2010, outre 5 000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L1253IZG) ; 
- et ordonné la capitalisation des intérêts.

La cour d’appel a infirmé ce jugement et a dit que le cautionnement était devenu sans cause (CA Douai, 30 octobre 2014, n° 13/06339 N° Lexbase : A4090MZI). La banque s’est pourvue en cassation contre l’arrêt d’appel et la Cour de cassation l’a cassé au motif le plus bénin de tous : un défaut de motivation (CPC, art. 455 N° Lexbase : L6565H7B). En effet, la Cour de cassation a jugé que la cour d’appel n’avait pas analysé, même sommairement, les pièces sur lesquelles elle fondait sa décision (Cass. civ. 2, 28 juin 2016, n° 14-29.346 N° Lexbase : A2163RWZ). En conséquence de quoi la Cour de cassation a renvoyé l’affaire devant une nouvelle cour d’appel.

Cette procédure sur renvoi a donné lieu à un nouvel imbroglio menant à une nouvelle saisine de la Cour de cassation et à l’arrêt commenté.

B. L’incident ayant donné lieu à l’arrêt commenté

Le dirigeant et sa femme ont saisi la cour d’appel de renvoi par déclaration du 31 août 2016, soit plus de deux mois après l’arrêt de cassation. Or, le délai pour saisir la cour d’appel de renvoi est de deux mois. Mais il court à compter de la notification de l’arrêt (CPC, art. 1034 N° Lexbase : L7257LEI).

En l’espèce, cette notification est postérieure : elle date du 27 octobre 2016. Le dirigeant et sa femme avaient donc jusqu’au 27 décembre 2016 pour saisir la cour d’appel de renvoi. La saisine du 31 août 2016 avait donc bien été faite dans les temps.

En revanche, les mentions relatives à l’adresse du dirigeant et de sa femme portées sur la déclaration de saisine étaient inexactes, ne correspondant pas à leur adresse réelle. La banque a donc provoqué un incident. Le conseiller de la mise en état a annulé la déclaration de saisine. Le dirigeant et sa femme ont alors déféré cette décision devant la cour d’appel. Mais la cour d’appel l’a confirmée (CA Amiens, 15 novembre 2018, n° 18/01927 N° Lexbase : A3068YL9).

Le raisonnement de la cour est le suivant :

« Il résulte de l'article 114 du Code de procédure civile que la nullité d'un acte ne peut être prononcée pour un vice de forme que pour autant que l'irrégularité invoquée cause un grief à celui qui l'invoque.
L'exécution d'une décision de justice étant le prolongement nécessaire de celle-ci, l'identification d'une partie en justice dans le cadre de l'instance aboutissant au prononcé de celle-ci est aussi destinée à permettre son exécution.
Parmi les éléments d'identification d'une partie en justice figure son domicile dont il doit être fait mention à peine de nullité en application des articles 56 et 58 du Code de procédure civile sur l'acte qui saisit une juridiction.
L'absence ou l'inexactitude de la mention du domicile dans l'acte d'appel sur lequel s'aligne la saisine après renvoi de cassation est une cause de nullité de forme de nature à faire grief s'il est justifié qu'il nuise à l'exécution du jugement ou de l'arrêt à intervenir.
La circonstance que le jugement dont appel n'était pas assorti de l'exécution provisoire est donc indifférente. »

En l’espèce, la cour a conclu que le dirigeant et sa femme s’étaient livrés à une dissimulation de leur adresse réelle en vue d’entretenir la difficulté de leur identification en justice, quoi que cela signifie. Cela ressortait en particulier de difficultés de notification dans l’action parallèle entre la banque et le dirigeant et sa femme. La cour a en outre écarté la prétention que l’indication de l’adresse réelle du dirigeant et de sa femme dans des conclusions du 6 mars 2018 ait pu couvrir la nullité, et ce pour deux raisons :

- cette régularisation est intervenue après le délai pour saisir la cour d’appel de renvoi, expirant, pour rappel, au 27 décembre 2016 ; 

- elle n’a pas été « spontanée », à nouveau quoi que cela signifie.

Le dirigeant et sa femme ont alors formé un pourvoi qui a donné lieu à l’arrêt commenté. Mais il y a plus ! 

Sans attendre la décision de la cour d’appel sur leur déféré, le dirigeant et sa femme ont régularisé le 18 mai 2018 une nouvelle déclaration de saisine de la cour d’appel de renvoi. La cour a déclaré cette seconde déclaration irrecevable comme tardive, la mauvaise foi du dirigeant et de sa femme privant leur première saisine, annulée, d’effet interruptif (CA Amiens, 21 février 2019, n° 18/01810, N° Lexbase : A4075YYL). Cet arrêt a aussi fait l’objet d’un pourvoi qui a lui aussi donné lieu à l’arrêt commenté, les deux pourvois ayant fait l’objet d’une jonction. C’est donc aux termes d’une véritable saga judiciaire que l’arrêt commenté est intervenu.

II. Le droit à l’exécution justifie l’annulation d’un acte de procédure comportant une adresse inexacte

A. Un grief lié à l’exécution peut exister du fait que l’exécution s’inscrit dans le procès

Le premier point d’intérêt de l’arrêt commenté concerne la nullité de la déclaration de saisine initiale de la cour d’appel de renvoi du fait de l’inexactitude de l’adresse qu’elle comportait. La Cour de cassation confirme le raisonnement de la cour d’appel exposé ci-dessus, à savoir qu’il s’agit d’une nullité de forme qui fait grief car elle empêche l’exécution. Cette solution n’est pas, en soi, une nouveauté.

En effet, la Cour de cassation avait déjà pu confirmer la décision d'une cour d’appel qui avait annulé des conclusions d’appel aux motifs que l’inexactitude de l’adresse mentionnée causait un grief, en empêchant l’exécution (Cass. civ. 2, 8 novembre 2001, n° 00-14.440 N° Lexbase : A0491AXH). On retrouve cette solution dans d’autres décisions, en particulier au stade de l’appel (par exemple, CA Toulouse, 30 mai 2017, n° 17/01629 N° Lexbase : A7386WEB ; CA Lyon, 30 mars 2010, n° 08/08910 N° Lexbase : A8077GNH). Mais il existe aussi des décisions contraires (CA Lyon, 17 décembre 2015, n° 15/06184 N° Lexbase : A5247NZD). Le premier apport de l’arrêt commenté est donc de consacrer pleinement la solution selon laquelle le caractère inexact de l’adresse mentionnée dans un acte cause grief car elle empêche l’exécution. Le raisonnement est remarquable en ce qu’il livre une clé de compréhension jusqu’à présent absente : il en est ainsi car l’exécution d’une décision de justice est le prolongement nécessaire de celle-ci.

Plus largement, cette solution s’inscrit dans l’idée qu’il existe un droit à l’exécution des décisions de justice. Ce droit a notamment été consacré par la Cour européenne des droits de l’Homme qui a jugé que l’exécution d’un jugement ou arrêt, de quelque juridiction que ce soit, doit être considérée comme faisant partie intégrante du « procès » au sens de l’article 6 (art. 6) de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme (CEDH, 19 mars 1997, n° 18357/91, Hornsby c. Grèce N° Lexbase : A8438AWG).Il n’y a donc pas deux procédures séparées : la procédure de jugement puis la procédure d’exécution de celui-ci. Il n’y en a qu’une seule, le procès démarrant avec l’assignation et se terminant avec l’exécution du jugement obtenu.

B. Le grief peut résulter d’un fait futur et hypothétique

Le second apport de l’arrêt commenté est qu’il précise que le grief peut résulter d’un événement futur. La Cour de cassation indique, en effet, que l’absence ou l’inexactitude de l’adresse mentionnée à l’acte cause un grief en ce qu’elle nuit à l’exécution du jugement ou de l’arrêt à intervenir.

Cela nous paraît osé. Car, dans le cas d’un événement futur, le grief est aussi hypothétique : rien ne garantit que la personne qui soulève l’irrégularité soit bien créancière à l’avenir de l’exécution.

Dans le cas d’espèce, la question est cependant brouillée par le fait que la banque disposait bien d’un titre, le jugement du tribunal de commerce de Lille qui condamnait le dirigeant et sa femme. Même s’il n’était pas exécutoire, faute d’être revêtu de l’exécution provisoire, il permettait à la banque de pratiquer des saisies conservatoires (CPCEx, art. L. 511-2 N° Lexbase : L5914IRH). Or l’inexactitude de l’adresse du dirigeant et de sa femme l’en empêchait selon l’arrêt d’appel. Sur cette base, la cour d’appel a ainsi pu caractériser le grief causé par l’irrégularité et la Cour de cassation l’en approuve. Reste maintenant à attendre de prochaines décisions pour savoir comment caractériser, en fait, le grief résultant de l’exécution de la décision à intervenir lorsque l’irrégularité n’aura pas encore causé de grief mais ne pourrait créer qu’un grief hypothétique.

C. Toutes les mentions utiles à l’exécution sont-elles égales devant le grief ?

Ceci dit, en poussant le raisonnement au-delà de ce que la Cour de cassation a tranché ici, la question se pose de savoir si toutes les inexactitudes et omissions de mentions portées sur un acte de procédure peuvent permettre de caractériser un grief en lien avec l’exécution, entraînant la nullité de l’acte.

Classiquement, pour les personnes physiques, les mentions obligatoires des actes, à peine de nullité, sont les suivantes : nom, prénom, profession, domicile, nationalité, date et lieu de naissance (notamment CPC, art. 54 N° Lexbase : L8645LYT ; 648 N° Lexbase : L6811H7E ; 765 N° Lexbase : L9306LTT ; 766 N° Lexbase : L3373ABK renvoyant à 765 ; 901 N° Lexbase : L8613LYN, renvoyant à 54 ; 960 N° Lexbase : L0359ITH). La déclaration de pourvoi fait exception puisque les mentions obligatoires se limitent en l’espèce, pour les personnes physiques, à leur nom, prénoms et domicile (CPC, art. 975 N° Lexbase : L7855I4P).

L’inexactitude des nom, prénoms et domicile sont manifestement de nature à causer un grief en lien avec l’exécution, en empêchant la notification du jugement. En effet, cette notification entre dans l’exécution du jugement selon la Cour de cassation (Ass. plén., 24 février 2006, n° 05-12.679 (N° Lexbase : A4318DNA[2]. À l’inverse, il est douteux que la mention de la profession et de la nationalité ait une quelconque incidence sur l’exécution.

On pourrait penser de même pour la date et le lieu de naissance. Mais l’expérience montre que ces deux informations sont essentielles au stade de l’exécution. Car, pour exécuter, il faut trouver le débiteur et ses biens. L’huissier dispose, à cette fin, d’un pouvoir d’interrogation des administrations et du Ficoba, le fichier national des comptes bancaires et assimilés (CPCE, art. L. 152-1 N° Lexbase : L9503I74) et L. 152-2 N° Lexbase : L9502I73). Ce dernier recense les comptes bancaires détenus en France par une personne ou une société. Or, pour interroger les administrations et le Ficoba, il faut disposer de la date de naissance du débiteur en plus de ses nom et prénoms. À défaut, les homonymies empêchent toute identification.

Il en est de même pour le lieu de naissance qui, seul, permet d’obtenir un extrait d’acte de naissance en interrogeant la mairie de naissance. Cet extrait est essentiel pour vérifier les mentions marginales (mariage, décès, décisions inscrites au répertoire civil…). Ceci dit, l’absence ou le caractère erroné de la mention de la date et du lieu de naissance portée sur un acte doit-il être sanctionné par la nullité de l’acte ? En tant que praticien de l’exécution, on l’espère. Mais il s’agit de sujets tellement prosaïques que l’on craint que les tribunaux ne saisissent pas leur importance capitale et trouvent le grief trop indirect. L’avenir seul dira donc si ce moyen trouvera à prospérer.

III. La déclaration de saisine de la cour d'appel de renvoi suit un régime propre et son annulation n’interrompt pas les délais pour saisir la cour d’appel de renvoi

Le second point d’intérêt de l’arrêt commenté ne concerne pas l’exécution mais creuse le sillon du particularisme de la procédure d’appel, en particulier sur renvoi après cassation. La Cour de cassation a, en effet, procédé à une substitution de motif pour déclarer irrecevable la seconde déclaration de saisine que le dirigeant et sa femme avaient régularisée le 18 mai 2018. La cour d’appel semblait s’appuyer, sans le dire, sur l’adage « fraus omnia corrumpit » pour juger que la première déclaration n’avait pu interrompre le délai de saisine. Ce tour de passe-passe était nécessaire car la jurisprudence est en sens inverse. On rappellera à ce sujet que la Cour de cassation juge désormais qu’une déclaration d’appel nulle interrompt le délai de recours. En effet, la déclaration d’appel est l’acte de saisine de la cour d’appel (Cass. civ. 2, 16 octobre 2014, n° 13-22.088, F-P+B (N° Lexbase : A6522MY9). Or, l’article 2241 du Code civil (N° Lexbase : L7181IA9) dispose que :

« la demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion.

Il en est de même lorsqu'elle est portée devant une juridiction incompétente ou lorsque l'acte de saisine de la juridiction est annulé par l'effet d'un vice de procédure. »

En conséquence de ce texte et de son interprétation par la Cour de cassation, en cas d’annulation d’une déclaration d’appel pour vice de forme ou de fond, il est donc possible de régulariser une nouvelle déclaration dans un nouveau délai de recours commençant à courir à compter de la notification de la décision d’annulation (en ce sens, Guinchard (S., s. la dir.), Droit et pratique de la procédure civile 2021|2022, Dalloz, 9e éd., 2020, 272.132). Pour écarter l’application de cette solution au cas d’espèce, la Cour de cassation n’emprunte pas la voie, glissante, de l’exception tenant à la fraude que la cour d’appel avait empruntée. À la place, elle procède par un raisonnement en deux temps pour écarter le pourvoi :

- tout d’abord, la déclaration de saisine de la cour d’appel de renvoi n’est pas une demande en justice au sens de l’article 2241 du Code civil. En conséquence, même nulle, la première déclaration n’a pas pu interrompre le délai de saisine de la cour d’appel de renvoi ;
- ensuite, la seconde déclaration a été régularisée après l’expiration du délai de saisine. Elle est donc irrecevable.

Le premier temps du raisonnement est une manifestation du particularisme de la procédure devant la cour d’appel de renvoi. En effet, comme la Cour de cassation le rappelle, cette procédure est la continuation de la procédure devant la première cour d’appel, l’instruction étant reprise en l’état de la procédure non atteinte par la cassation (CPC, art. 631 N° Lexbase : L6792H7P). En conséquence, on savait déjà que :

- il est possible de s’en tenir à ses conclusions devant la première cour d’appel et de ne pas conclure devant la Cour d’appel de renvoi (CPC, art. 634 N° Lexbase : L6795H7S ; Cass. civ. 2, 20 janvier 2005, n° 03-14.750, FS-P+B N° Lexbase : A0830DGT) ;
- les délais de distance ne peuvent venir augmenter le délai pour saisir la cour d’appel de renvoi (Cass. civ. 2, 4 février 2021, n° 19-23.638, F-P+I N° Lexbase : A81604EX[3], ne s’agissant ni d’un délai de comparution, d’appel, d’opposition, de tierce opposition, de recours en révision et de pourvoi en cassation.

Le renvoi après cassation ne crée donc pas une nouvelle procédure d’appel distincte de celle avant la cassation. En conséquence, malgré son nom, la déclaration de saisine de la cour d’appel de renvoi n’est pas un « vrai » acte de saisine de la juridiction d’appel au sens de l’article 2241 du Code civil. Seule compte en définitive la déclaration d’appel initiale qui, elle, même nulle, interrompt bien le délai de saisine de la cour d’appel. Le raisonnement n’est pas dénué d’une certaine élégance formelle. On regrettera cependant sa sophistication qui rend la procédure d’appel complexe et difficilement compréhensible pour le commun des mortels. C’est en tout cas ainsi que la troisième action introduite dans cette affaire prend fin. Elle se solde, en pratique, par la confirmation du jugement de première instance de 2013 qui avait condamné le dirigeant et sa femme à payer la somme de76 224,50 euros à la banque au titre de leur engagement de caution, faute de saisine régulière de la cour d’appel de renvoi. Comme souvent en procédure, ce résultat laisse sur sa faim au regard de l’ampleur de la saga judiciaire qui l’a précédée.


[1] G. Piette, Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, n'oblige pas nécessairement celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer : la caution avertie ne peut engager la responsabilité du créancier, Lexbase Affaires, mars 2014, n° 374 (N° Lexbase : N1273BUP).

[2] A. Martinez, Des conséquences de l'exécution d'une décision de justice à titre provisoire, Lexbase Quotidien, mars 2006 (N° Lexbase : N5379AKG).

[3] A. Martinez-Ohayon, Procédure de renvoi après cassation : pas d’application des délais de distance au bénéfice du demandeur demeurant à l’étranger, Lexbase Droit privé, février 2021, n° 854 (N° Lexbase : N6388BYA).

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