Un agent de haut rang de l'Etat est tenu à une obligation de mesure dans l'expression libre de ses propos publics, rappelle la Cour de cassation dans une décision rendue le 19 juin 2012 (Cass. crim., 19 juin 2012, n° 11-84.235, FS-P+B
N° Lexbase : A4985IPC). M. X, alors préfet de région, a été cité directement devant le tribunal correctionnel par M. Y, président de cette région, du chef de diffamation publique envers un dépositaire de l'autorité publique. Le tribunal correctionnel l'a relaxé pour certains propos, mais l'a reconnu coupable d'avoir diffamé la partie civile en tenant les propos suivants : "
Je décerne un prix citron à tous les parangons et autres ayatollahs du statu quo
qui se sentent attaqués et déposent plainte. L'Etat a le droit de parler et que je sache aucun préfet ou sous-préfet n'a été accusé de détournement de fonds. Sur le plan moral, nous sommes aussi valables que d'autres". Le prévenu et le Procureur de la République ont interjeté appel. Après avoir confirmé le jugement en ce qu'il juge diffamatoires les propos précités, l'arrêt, pour confirmer le refus d'accorder le bénéfice de la bonne foi au prévenu, retient que M. X, en sa qualité de préfet de Région, représentant au niveau régional du pouvoir exécutif, n'est pas un membre élu de ce pouvoir mais un agent de haut rang de l'Etat et ne saurait, dans le respect de la neutralité devant s'attacher à l'exercice de sa mission républicaine, se prévaloir de l'outrance permise dans le débat politique. Les juges ajoutent qu'au contraire, son éminente qualité, lors de l'intervention au cours de laquelle il a tenu les propos incriminés, lui imposait mesure, retenue et prudence dans l'expression libre de ses propos publics de manière à ne pas porter atteinte à la dignité et à l'honneur de quiconque. La Cour suprême valide cette position. Elle estime qu'en se déterminant de la sorte, la cour d'appel, à laquelle il ne saurait être reproché d'avoir méconnu le paragraphe 2 de l'article 10 de la CESDH (
N° Lexbase : L4743AQQ) (restriction à la liberté d'expression), dès lors que les propos en cause, même s'ils faisaient suite à un débat public, constituaient, par leur caractère outrancier, une attaque personnelle excédant les limites de la liberté d'expression accordée à un membre du corps préfectoral tenu à une obligation de réserve, a justifié sa décision (cf. l’Ouvrage "Fonction publique" N° Lexbase : E5927ESC).
© Reproduction interdite, sauf autorisation écrite préalable