Lexbase Avocats n°311 du 4 février 2021 : Avocats/Responsabilité

[Jurisprudence] Devoir de conseil de l’avocat en immobilier (et plus généralement de tout professionnel rédacteur d’actes)

Réf. : Cass. civ. 1, 7 octobre 2020, n° 19-17.617, F-D (N° Lexbase : A33333XQ)

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par Francois de la Vaissière, avocat honoraire du barreau de Paris

le 09 Février 2021

Mots-clefs : Jurisprudence • avocat • responsabilité • risques • immobilier 

Le praticien de d’immobilier ne dispose pas d’un régime de responsabilité professionnelle différent des autres, mais la complexité de la discipline dans ses nombreuses facettes parfois hermétiques et changeantes (urbanisme, fiscalité, garanties de la construction,…) le vulnérabilise spécialement. Il doit demeurer prudent, vigilant sur les risques encourus par sa clientèle, et savoir quand il le faut prévenir par une conduite avisée les risques qu’il encourt lui-même pour défaut de conseil ou d’information, à travers un corpus de règles qui tend à devenir une responsabilité présumée, et sévère.

L’intérêt de l’espèce commentée qui mêle rédaction d’actes et procédure locative est de permettre d’aborder de façon pédagogique et exhaustive cette notion de RCP dont il n’est pas inutile de rappeler les lignes directrices, qui sont maintenant bien établies. Cela permet de qualifier de constante une jurisprudence qui couvre une multitude de situations distinctes, parmi lesquelles les plus virtuellement litigieuses sont celles où l’erreur commise débouche sur la caractérisation par la victime d’une qualité supposée de la transaction qui n’entre pas dans le champ contractuel. C’est ainsi que le devoir de conseil trouve sa limite en présence d’un vice du consentement, dol ou erreur sur la substance qui était imprévisible ou qui, ne l’étant pas, ne peut néanmoins faire l’objet d’une sanction même sur le fondement contractuel ou justifier une annulation a postériori, comme ce pourrait être le cas face à un défaut de rentabilité économique de l’opération, ou à une conséquence fiscale qui n’aurait de toute façon pu être contrariée.


 

I - Analyse factuelle

L’affaire concerne une cession globale de parts d’une société assimilable à une vente immobilière, et qui semble bien avoir été valorisée compte tenu d’une procédure d’expulsion en cours à l’égard du bail titrant le possesseur quant à son local d’exploitation, dont on sait qu’il est un élément indispensable du fonds de commerce, puisqu’à défaut de permanence du droit au bail, ou du droit de propriété direct sur les murs, l’activité est au pire condamnée et au mieux précarisée. En tous cas, l’acte rédigé par l’avocat contenait mention explicite de l’existence de ce contentieux, inachevé lors de la cession, et l’on peut estimer à première analyse que le Conseil de l’acquéreur des parts n’avait pas failli à ses obligations dès lors qu’en l’avisant expressément du conflit, il le mettait en mesure d’apprécier suffisamment le risque qui y était potentiellement attaché. Le contraire signifierait, en effet, que ce type de cession ou de vente ne pourrait jamais être entrepris, du moins avant que l’incertitude sur l’issue de la procédure en cours ne soit définitivement levée.

Ce fut d’ailleurs la solution retenue par les juges du fond, considérant en appel comme évident que le cessionnaire ne pouvait se méprendre sur la précarité de son acquisition, puisqu’il trouvait dans la clause habituelle sur la situation locative tous les éléments, soit pour y renoncer en vertu du principe de précaution, soit pour la maintenir dans une attitude en tous points conforme à la « théorie de l’acceptation des risques », et qu’en régularisant l’acte authentique il exerçait un choix éclairé. Cet acte n’était en aucun cas lacunaire, puisqu’il faisait mention du congé donné par la bailleresse et de la teneur de l’assignation en expulsion ayant amené le preneur à invoquer reconventionnellement le statut des baux commerciaux dont il entendait se prévaloir pour obtenir que le litige ne se traduise pas in fine par l’éviction de l’occupant sans la contrepartie d’une indemnité d’éviction, comme c’est le cas dans toutes les instances où se trouve allégué une faute du preneur, qu’elle qu’en soit la cause pourvu qu’elle soit grave, amenant les tribunaux à la sanctionner impitoyablement (pour défaut d’entretien, impayés de loyers, sous-location illicite, violation de la destination restrictive, etc…). Il peut également s’agir de revendiquer - comme ici - ou au contraire de contester l’application du régime protecteur ou l’un des droits qu’il ouvre (droit à une durée minimale de neuf ans du bail commercial, ou droit au renouvellement de celui-ci, tous deux d’ordre public).

II - Analyse objective de la motivation retenue

Honnêtement, l’avocat rédacteur pouvait faire le pari que la haute juridiction entérinerait cette approche orthodoxe reposant sur une information précise, au-delà de laquelle nul n’est tenu, encore qu’il convienne d’ajouter que la circonstance que le client soit lui-même particulièrement compétent n’est jamais prise en compte (Cass. civ. 1, 7 juillet 1998, n° 96-14.192 N° Lexbase : A4535AG3 et postérité) et que le partage de responsabilité est même hors d’atteinte en cas de négligence avérée du client informé (Cass. civ. 1, 17 janvier 2018, n° 16-28.100, F-D N° Lexbase : A8823XAZ et postérité). Mais la censure de la Cour de cassation vient pourtant démontrer que l’avocat assigné en responsabilité par son client cessionnaire évincé ne saurait invoquer une prétendue évidence de l’information, ici flagrante, et qu’il lui faut faire plus en portant une appréciation in concreto sur l’issue prévisible d’un tel litige, la mission de l’avocat et de tout juriste professionnel étant, comme chacun sait, d’assurer l’efficacité de l’acte qu’il rédige. C’est ce qu’impose le règlement intérieur normalisé du barreau qui exige un devoir de compétence personnelle, et une jurisprudence commune aux notaires officiers ministériels qui évoque la protection de toutes les parties en présence, même si une seule rémunère la prestation (Cass. civ. 1, 1er octobre 1986, n° 84-13800, publié au bulletin N° Lexbase : A5384AAN, et postérité). Cette position exigeante de la cour suprême va même jusqu’à inverser la charge de la preuve au bénéfice de la victime en contraignant le professionnel à démontrer qu’il a avisé la partie lésée à défaut de quoi ses diligences ne seraient pas exonératoires (V., en matière médicale transposable : Cass. civ. 1, 25 février 1997, n° 94-19.685 N° Lexbase : A0061ACA, Bull. Civ. I n° 75, D., 1997, 319 ; ibid. 17 février 1998, n° 95-21.715, Bull. Civ. I n° 67, D., 1998, 81), par exemple par ce qu’on appelle une « décharge pour avis ou conseil donné », ou en décrivant les conséquences des risques identifiés. C’est donc un « supplément d’âme » qu’on a reproché au rédacteur de n’avoir pas manifesté, dans l’arrêt commenté, puisqu’il se devait d’écarter une vision neutre du contexte conflictuel et de prendre ouvertement parti sur son issue normalement prévisible sans s’en tenir à une description purement factuelle in abstracto, par exemple en insérant un paragraphe supplémentaire du type « le rédacteur du présent acte a personnellement avisé l’acquéreur qu’en l’état du droit applicable il lui apparaissait que la procédure d’expulsion engagée par la bailleresse avait de fortes chances d’aboutir favorablement, car l’action visant à la paralyser a été en l’occurrence engagée au-delà du délai de prescription biennale en vigueur pour les baux commerciaux, statut spécial qu’il revendique néanmoins  aux termes de se demande de requalification du bail actuellement expiré… ». Cette motivation serait d’ailleurs susceptible d’obsolescence, car depuis le droit positif a évolué en soustrayant l’action en annulation pour méconnaissance du statut du domaine de la courte prescription qui lui est propre pour la faire entrer dans le réputé non écrit dès l’origine qui est de facto imprescriptible. Mais il semble qu’il faille encore faire la distinction entre l’action en annulation d’une clause contraire à l’ordre public partiel des articles L. 145-1 et s. du Code commerce (N° Lexbase : L2327IBS) qui n’est soumise à aucun délai, et l’action en requalification d’un bail dérogatoire en bail commercial qui relèverait encore du délai biennal spécifique de l’article L. 145-60 (N° Lexbase : L8519AID) du même Code. En toute hypothèse, l’appréciation d’un risque contentieux demeure par définition subjective, en raison même de l’aléa judiciaire qui plane sur la portée de toute prétention en justice. C’est pourquoi on peut hésiter sur l’étendue en pareil cas du devoir général de conseil et d’information.

III - Analyse critique de la solution

Pour notre part, nous sommes résolument hostiles à de telles obligations pesant sur le rédacteur, non seulement parce qu’elles excèdent le raisonnable, mais surtout parce qu’elles sont incompatibles avec le devoir parallèle de réserve et de neutralité bien pensé qui pèse sur le rédacteur unique d’un acte qui bénéficie à plusieurs parties. On sait que la question de la validité d’une telle intervention d’un seul professionnel en faveur de plus d’une partie, dans un contexte d’intérêts nettement divergents, a agité la doctrine lors de la réforme du droit contractuel opérée par l’ordonnance du 10 février 2016, au point d’envisager de l’interdire en raison de ce qu’on appelle aujourd’hui, par un mot à la mode, le conflit d’intérêts, maintenant sanctionnable pénalement en diverses matières. Il est en effet impraticable pour un rédacteur unique de se positionner ouvertement en faveur d‘une partie, au surplus en pronostiquant le succès inévitable de l’une contre l’autre, car il trahit alors nécessairement la confiance qui a été placée en lui par celui qui va se trouver ostracisé négativement. Il est assez incompréhensible que la Haute juridiction, habituellement plus sourcilleuse du respect intangible de la loyauté judiciaire, ait ainsi « allongé la sauce » et n’ait pas semblé percevoir que cette norme prétorienne poussée à l’extrême revenait implicitement à proscrire l’unicité de rédaction pour tous les actes synallagmatiques. Il est vrai que qualifié « F-D » s’il s’agit d’un arrêt dit d’espèce et non de principe, mais tout de même ne donne-t-on pas à cette responsabilité qui reste délictuelle dans sa nature relevant du seul article 1240 nouveau du Code civil (Cass. civ. 1, 6 juin 2018, n° 17-13.975, FS-P+B N° Lexbase : A7348XQ9) une étendue manifestement excessive. Si l’on extrapole à propos de la responsabilité d’un avocats aux conseils, un arrêt récent (Cass. civ. 1, 20 février 2019, n° 17-50.056, F-P+B N° Lexbase : A8787YY4) rejette une requête en indemnisation pour faute de l’avocat au Conseil d’État et à la Cour de Cassation en retenant que s’il est tenu d’une obligation de diligence et de prudence dans sa mission d’élaboration d’un pourvoi civil, et que lorsqu’il est consulté sur les chances de succès, il doit non seulement s’enquérir de la date d’expiration du délai de deux mois, mais aussi former à titre conservatoire ladite voie de recours extraordinaire en temps utile, il s’avère cependant qu’en se basant sur les différents moyens qui auraient pu être soutenus, aucun grief n’aurait pu effectivement  permettre d’accueillir le recours. C’est faire la distinction classique et justifiée entre faute et préjudice dont la conjonction est nécessaire au succès de l’instance en responsabilité : si l’un manque, l’autre ne suffit pas ; l’existence d’un préjudice n’implique pas une responsabilité, et inversement une responsabilité ne crée pas toujours un préjudice, la liaison entre les deux concepts se faisant par le lien de causalité. Et on voit bien la limite qu’il y a à faire des chances de succès d’un litige non ouvert la clé de la responsabilité du juriste qui en a connaissance. La rédaction d’actes n’est pas de la même  essence que le conseil sur le choix d’une voie contentieuse, car toute convention n’a pas vocation à dégénérer en litige, et lorsque le litige est effectif et non supposé réalisable, les éléments de réflexion sont sur la table et un acquéreur peut se déterminer en toute connaissance de cause. D’autant qu’une mutation n’a pas nécessairement un objectif spéculatif, mais peut couvrir d’autres desseins, quelquefois inavouables. Certes, il arrive que la Haute hiérarchie judiciaire ait vocation à censurer des motifs dans lesquels on prête gratuitement aux parties et par simple supposition d’avoir discuté de l’opportunité d‘une acquisition et d’en avoir écarté les obstacles, « les modalités de la vente en viager étant leur affaire… », hypothèse où le juge du fond imagine, au lieu de constater, qu’il a bien été conseillé de prévoir un «  bouquet » (partie comptant du prix) en plus de la rente viagère (Cass. civ. 1, 3 mai 2018, n° 16-20.419, FS-P+B N° Lexbase : A4339XMN) mais alors la juridiction casse pour motifs impropres à caractériser le manquement du notaire à son devoir de conseil, et il n’y a rien à y redire.

IV - Autres hypothèses de recherche de la responsabilité professionnelle des juristes

C’est le plus souvent la responsabilité notariale qui est commentée lorsqu’il s’agit d’en déduire que la validité de l’acte reçu n’a pas été assurée. Un arrêt coté F-S-P+B+I et promis donc à une grande diffusion (Cass. civ. 3, 1er juin 2017, n° 16-14.428, FS-P+B+I N° Lexbase : A8539WEY) avait estimé que les conséquences de l’annulation d’une vente immobilière en réhabilitation (hypothèse dont on sait désormais qu’elle est inéluctablement liée à l’annulation du prêt qui a permis de la financer), pour le motif qu’elle n’avait pas pris la forme obligatoire d’une VEFA, contraignait le notaire fautif à rembourser à la banque les frais du prêt ainsi annulé, par le biais de la théorie de l’accessoire. L’espèce concernait aussi la perte des intérêts conventionnels non perçus, mais la cour de cassation s’en tient de ce chef à la solution de la cour d’appel qui avait appliqué la notion de perte de chance de percevoir les intérêts à échoir, refusant de ce fait une indemnisation intégrale, en séparant toutefois le sort des intérêts déjà échus et restant totalement restituables. Mais la censure intervient par contre - pour la première fois - du chef de la restitution des frais de l’emprunt. Contrairement à une autre chambre de la Haute Cour (Cass. civ. 1, 2 juillet 2014, n° 12-28.615, F-P+B N° Lexbase : A2611MTU) qui n’avait couvert que les frais de garantie que la banque avait été tenue de rembourser à l’emprunteur/acquéreur, dans le cadre de l’action récursoire contre le rédacteur, la 3° chambre civile à compétence partagée avec la première fait entrer dans le préjudice réparable les frais directement exposés par la banque ayant subi la double annulation. Cela constitue une tendance à ouvrir le champ de la réparation en pareil cas alors que la Cour de cassation nous a plutôt habitué au contraire en décrétant de plus en plus non indemnisables des préjudices pourtant en relation de causalité, à l’instar de la restitution du prix de vente proprement dit.

Mais fort heureusement, le devoir de conseil au sens large ne débouche pas sur l’indemnisation des tiers au contrat, qui ne disposent pas d’un droit opposable aux parties elles-mêmes (Cass. civ. 1, 3 mai 2018, n° 17-12.473, FS-P+B N° Lexbase : A4364XML ; et Cass. civ. 3, 3 mai 2018, n° 17-11.132, FS-P+B N° Lexbase : A4287XMQ). On excepte donc le cas où le notaire a connaissance de tiers qui peuvent être affectés, tels que les bénéficiaires d’un pacte de préférence ou les co-destinataires du prix encaissé et redistribué par l’office. Il faut, cependant, rappeler le principe général subsistant en droit positif selon lequel un manquement contractuel d’un tiers au contrat peut fonder contre lui une action en responsabilité quasi-délictuelle, de quelque partie qu’elle puisse émaner.

Enfin, il est opportun de souligner que le risque d’insolvabilité de l’acquéreur ou d’un débiteur quelconque reste très fréquemment mis en avant pour justifier une RCP, notamment lorsqu’il s’agit d’un agent immobilier, en profitant de la rigueur de la loi "Hoguet" qui le régit strictement (obligation de mise en garde du mandant, aptitude à rédiger, garantie financière, assurance de responsabilité, mandat écrit protecteur du client, carte professionnelle, etc…). Un arrêt coté F-P+B+I (Cass. civ. 1, 11 décembre 2019, n° 18-24.381, F-P+B+I N° Lexbase : A9954Z7S) permet d’éclairer les conséquences de la qualité du professionnel concerné sur la nature juridique de ses devoirs, puisque l’existence d’un contrat de mandat formaliste et obligatoire fait de cette profession la débitrice d’une responsabilité contractuelle (C. civ., art. 1147 ; dans sa réaction antérieure à sa réforme dans le cas commenté). Cette qualification est contraire aux autres professions soumises aux mêmes contraintes, et plus spécialement le rédacteur d’actes - notaire ou avocat, voire juriste d’entreprises - que peut être occasionnellement l’agent immobilier dont la mission principale est l’entremise, ainsi que l’administrateur de biens, gérant un immeuble locatif et amené notamment à rédiger les baux commerciaux et d’habitation. L’obligation de mise en garde à propos d’une possible insolvabilité de l’acheteur existe indépendamment de la rédaction d’actes et partout, outre qu’elle constitue pour l’intermédiaire professionnel une source importante de contentieux, dans le mesure où l’imagination des intervenants pour tromper sur leur véritable envergure financière ne connait plus de bornes : cette « délinquance astucieuse » s’illustre par la production de fausses fiches de paie, de déclarations fiscales falsifiées, et même de fausses garanties bancaires ou de cautionnements imaginaires, et il arrive qu’un professionnel de l’immobilier en soit victime involontaire. Cela se termine par une condamnation pour imprudence dans la constitution du dossier d’usage et c’est l’assureur qui paie les pots cassés. Dans le dossier commenté, la cour d’appel d’Amiens avait fait preuve d’un certain laxisme libéral en observant que les vendeurs n’ignoraient pas la situation dégradée de leur jeune acquéreur ayant échoué d’ailleurs à obtenir un prêt partiel, et « que les vendeurs étaient demeurés libres de ne pas contracter s’ils estimaient les garanties produites insuffisantes », d’autant que « l’agent ne disposait pas de plus de moyens de contrôle qu’un simple particulier ». En d’autres termes et toutes proportions gardées, on est devant une motivation suspicieuse et très proche de celle analysée au début de cette chronique sauf qu’au lieu de traduire une erreur sur le danger potentiel d’une procédure engagée, et donc par une sorte d’erreur de droit, elle manifeste une absence de mise en garde du risque d’insolvabilité encouru, par une forme de carence dans l’exercice de ses fonctions courantes.

Autrement posé, le juge du fond estime dans les deux cas qu’il n’y a pas à dissuader - par pression sur un vendeur - l’acquéreur ou le cessionnaire de parts ou de fonds de commerce qui s’obstine à vouloir acheter s’il est conscient du danger, et qu’il n’appartient pas au professionnel qui s’est entremis, et qui a un intérêt pécuniaire à la réalisation de la transaction puisque la commission est subordonnée à son aboutissement, de s’interposer outre mesure. En quelque sorte, c’est « advienne que pourra » et cette attitude se défend, comme nous l’avons exprimé plus haut, d’autant que la compétence juridique de l’agent immobilier reste périphérique, malgré la récente obligation de formation continue. Mais la Cour de cassation, si elle ne fait pas de l’agent un devin omniscient tenu d’une garantie automatique de tout dommage quelconque, le crédite cependant d’un devoir supplémentaire de « curiosité », susceptible à défaut d’être mis pleinement en œuvre de donner une arme à la victime dans presque tous les cas. Par ailleurs, elle lui impartit de se ménager la preuve d’une mise en garde circonstanciée, même s’il a été mandaté par l’acquéreur, l’emprunteur ou le locataire dont il doit dénoncer les insuffisances. C’est une obligation de résultat pour la fourniture concrète et appropriée du conseil donné, et une obligation de moyens quant à sa pertinence, ce qui intègre l‘éventualité d’une manœuvre dolosive de celui qui a fraudé ou dissimulé sa réelle solvabilité (Cass. civ. 1, 2 avril 2009, n° 07-21.186, F-D N° Lexbase : A5129EEP). La Cour de cassation a toujours imposé de « vérifier de manière sérieuse la solvabilité, au moins apparente, du co-contractant », et de plus fort lorsqu’il existe des indices d’anomalie. On ne peut se contenter d’un simple « pedigree » d’identification de l’individu ou de la personne morale concernés, et il faut, nous enseigne l’arrêt commenté, suggérer par exemple de prendre des garanties optionnelles (hypothèque, nantissement, assurance couvrant les impayés, cautionnement solidaire d’un établissement solvable ayant pignon sur rue, et qui peut ne pas être français), et peu importera ensuite qu’elles soient prises ou pas.

En définitive, on doit comprendre qu’un pourvoi pourra toujours prospérer à l’égard de la bienveillante mansuétude des juges du fond, enclins à plus de réalisme dans l’examen des rapports d’affaires, et ainsi à absoudre l’obstination d’un acteur, averti ou non, à s’exposer à un risque potentiel d’une certaine intensité, et dont il a pu prendre conscience par ses Conseils divers, même s’ils n’ont pas poussé la vigilance jusqu’à lui suggérer concrètement les moyens précis de s’en prémunir, et - précaution ultime - d’en conserver une trace ostensible ad probationem à l’égard de tous. C’est en effet vis-à-vis de l’ensemble des parties qu’il convient paradoxalement de veiller à l’équilibre des intérêts en présence, à peine de s’auto -investir en responsable final dans la chaine des recours, mais qu’il en est de même - si l’on suit la leçon de l’arrêt - si l’on s’abstient de privilégier la partie la plus faible dans l’exposition aux risques. Mission impossible ? Pénalisation outrancière ? Le lecteur jugera…

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