Réf. : Cass. civ. 3, 12 novembre 2020, n° 19-17.156, FS-P+B+I (N° Lexbase : A524534Z)
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N5307BY9
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par Vincent Téchené
le 18 Novembre 2020
► Lorsque la fraude du débiteur a empêché les créanciers d’exercer l’action paulienne à compter du dépôt d’un acte de cession de parts en annexe au registre du commerce et des sociétés, le point de départ de cette action est reporté au jour où les créanciers ont effectivement connu l’existence de l’acte.
Fait et procédure. Le 4 juin 2010, les consorts X. ont assigné M. Y., aujourd’hui décédé, en paiement de diverses sommes dues en vertu de deux reconnaissances de dette. Un arrêt du 23 mai 2013 a condamné à payer à Mme X. une certaine somme avec intérêts à compter du 10 mars 2007 et à Mmes X. une avec intérêts à compter du 1er mars 2007. Le 18 juin 2010, le débiteur avait cédé des parts d’une SCI. Par acte du 18 octobre 2016, considérant que la cession de parts sociales avait été passée en fraude de leurs droits, les consorts X. (les créanciers) ont assigné M. Y. (le débiteur) sur le fondement de l’action paulienne.
L’arrêt d’appel (CA Bourges, 28 mars 2019, n° 18/00144 N° Lexbase : A3930Y7P) ayant retenu que l’action paulienne était irrecevable, les créanciers ont formé un pourvoi en cassation.
Décision. La Haute juridiction censure l’arrêt d’appel au visa des articles 1341-2 (N° Lexbase : L0672KZW) et 2224 (N° Lexbase : L7184IAC) du Code civil, de l’article 52 du décret n° 78-704 du 3 juillet 1978 (N° Lexbase : L1376AIS) et du principe selon lequel la fraude corrompt tout. Comme précisé ci-dessus, la Cour de cassation énonce qu’il se déduit de ces textes et de ce principe que, lorsque la fraude du débiteur a empêché les créanciers d’exercer l’action paulienne à compter du dépôt d’un acte de cession de parts en annexe au registre du commerce et des sociétés, le point de départ de cette action est reporté au jour où les créanciers ont effectivement connu l’existence de l’acte.
Or, l’arrêt d’appel a retenu que le dépôt de l’acte du 18 juin 2010 au greffe du tribunal de commerce ayant eu pour effet de porter à la connaissance des tiers et de leur rendre opposable la cession des parts sociales, les créanciers étaient en mesure de connaître, à compter de cette publicité, l’acte qu’ils prétendent être intervenu en fraude de leurs droits, peu important que le débiteur ait tenté, tout au long de la procédure ayant donné lieu à sa condamnation, de dissimuler sa véritable adresse, puis l’existence de biens appartenant à la SCI, à une autre adresse au sein de cette même commune.
Pour la Cour de cassation, en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si la dissimulation de son adresse par le débiteur n’avait pas eu pour effet d’empêcher les créanciers d’exercer l’action paulienne avant d’avoir effectivement connaissance de l’acte de cession de parts, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision.
Observations. La Cour de cassation a déjà pu préciser que les créanciers personnels de l'une ou l'autre des parties à l'acte de cession peuvent agir sur le fondement de l'action paulienne, en vue de faire déclarer inopposable à leur encontre la cession effectuée en fraude à leurs droits (Cass. civ. 1, 1er juillet 1975, n° 74-11.109, publié (N° Lexbase : A6742CEG). Si la cour d’appel de renvoi estime l’action non-prescrite, pour faire droit à la demande du créancier et lui déclarer la cession inopposable, il lui reviendra de s’assurer que l’acte de cession constitue un acte d'appauvrissement du débiteur, lequel doit avoir cherché à diminuer le gage de son créancier. S’agissant d’un acte à titre onéreux, la complicité du cessionnaire doit également être établie (v. par ex. ayant jugé une cession de parts sociales non-frauduleuse, CA Aix-en-Provence, 11 septembre 2014, n° 13/17094 N° Lexbase : A2554MWI – CA Montpellier, 28 février 2012, n° 10/09813 N° Lexbase : A6013ID3). La modicité du prix de vente des parts sociales sera un indice important de cette complicité ; il a pu même être juge que cette modicité « implique que les cessionnaires ont eu connaissance de la fraude » (TGI Versailles, 20 octobre 2015, n° 14/01134 N° Lexbase : A8542ZLX).
Pour aller plus loin, v. ÉTUDE : Les associés de la société civile, L'opposabilité de la cession aux tiers, in Droit des sociétés, Lexbase (N° Lexbase : E8387A87). |
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