La lettre juridique n°482 du 19 avril 2012 : Avocats/Statut social et fiscal

[Jurisprudence] L'avocat salarié, un salarié presque comme les autres

Réf. : Cass. soc., 28 mars 2012, n° 11-10.673, F-D (N° Lexbase : A0095IHY)

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N1459BT9

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par Xavier Berjot, Avocat Associé, Ocean Avocats

le 19 Avril 2012

Dans un arrêt du 28 mars 2012, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi formé contre un arrêt de la cour d'appel de Versailles, ayant débouté une avocate salariée de demandes indemnitaires liées à son licenciement (CA Versailles, 1ère ch., 1ère sect., 18 novembre 2010, n° 09/07711 N° Lexbase : A6214GLQ). Au-delà de la solution juridique retenue par la Cour de cassation, l'arrêt présente l'intérêt d'évoquer les particularités du statut de l'avocat salarié (cf. l’Ouvrage "La profession d'avocat" N° Lexbase : E9214ETG). Les particularités du statut de l'avocat salarié

Il résulte de l'article 7, alinéa 1er, de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques (N° Lexbase : L6343AGZ, ci-après "la loi") que l'avocat peut exercer sa profession en qualité de salarié d'un avocat ou d'une association ou société d'avocats. Le contrat de travail de l'avocat salarié doit, dans la quinzaine de sa conclusion ou de la modification de l'un de ses éléments substantiels, être communiqué pour contrôle au conseil de l'Ordre du barreau auprès duquel l'avocat salarié est inscrit (décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, organisant la profession d'avocat, art. 139 N° Lexbase : L8168AID, ci-après "le décret"). Le conseil de l'Ordre peut mettre en demeure les avocats de modifier les contrats non conformes avec les règles professionnelles, sous le contrôle de la cour d'appel (même texte). Dans le respect des règles déontologiques qui gouvernent la profession d'avocat, la loi aménage le statut de ce salarié particulier. Ainsi, l'avocat salarié bénéficie, dans l'exercice de ses missions, de l'indépendance que comporte son serment, et n'est soumis à un lien de subordination à l'égard de l'employeur que pour la détermination de ses conditions de travail (loi n° 71-1130, art. 7, al. 4).

En d'autres termes, l'avocat employeur ne saurait imposer à l'avocat salarié la stratégie à mener dans un dossier, tant en matière de conseil que de contentieux. Il n'en demeure pas moins que le lien de subordination, qui caractérise toute relation de travail, s'impose à l'avocat salarié. En corollaire, ce dernier est soumis aux dispositions du Code du travail, d'où il tire ses droits et obligations, et qui s'ajoutent aux règles déontologiques. A l'instar du statut de l'avocat salarié, qui connaît quelques particularités, le contentieux de la rupture de son contrat de travail est soumis à une juridiction spécifique. Ainsi, les litiges nés à l'occasion d'un contrat de travail ou de la convention de rupture, de l'homologation ou du refus d'homologation de cette convention sont, en l'absence de conciliation, soumis à l'arbitrage du Bâtonnier, à charge d'appel devant la cour d'appel (loi n° 71-1130, art. 7, al. 4).

Le texte précise que le Bâtonnier peut, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat, déléguer ses pouvoirs aux anciens Bâtonniers ainsi qu'à tout membre ou ancien membre du conseil de l'Ordre. Les règles de procédure de ces litiges nés à l'occasion du contrat de travail de l'avocat salarié sont organisées par les articles 142 et suivants du décret du 27 novembre 1991.

Ainsi, le Bâtonnier compétent est celui auprès duquel l'avocat salarié est inscrit, et il est saisi soit par requête déposée contre récépissé au secrétariat de l'Ordre des avocats, soit par lettre recommandée avec demande d'avis de réception précisant, à peine d'irrecevabilité, l'objet du litige, l'identité des parties et les prétentions du saisissant (décret n° 91-1197, art. 142). Pour l'essentiel, précisons que le Bâtonnier dispose de pouvoirs similaires à ceux du conseil de prud'hommes, tels que la fixation d'un calendrier de procédure (décret n° 91-1197, art. 144) ou la faculté de prononcer des mesures provisoires en cas d'urgence (décret n° 91-1197, art. 148).

La solution de l'arrêt du 28 mars 2012

L'arrêt commenté illustre la réalité selon laquelle l'avocat salarié est aussi un salarié comme les autres, qui peut faire l'objet d'une procédure de licenciement.

Me X a été engagée le 1er septembre 1997 en qualité d'avocate salariée par le cabinet Y. Cette avocate a été licenciée par lettre du 13 novembre 2008, à la fois pour insuffisance professionnelle et pour faute, et a contesté son licenciement devant le Bâtonnier, puis devant la cour d'appel de Versailles. Par arrêt du 18 novembre 2010, la cour d'appel de Versailles a débouté la salariée de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour licenciement vexatoire et pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Sur le premier point, l'avocate reprochait au cabinet de lui avoir fait délivrer ses lettres de convocation à l'entretien préalable et de licenciement par exploit d'huissier, sur son lieu de travail. Il est rappelé à cet égard que le salarié établissant que son licenciement a revêtu un caractère brutal ou vexatoire est fondé à solliciter des dommages-intérêts, que son licenciement soit justifié ou pas. A titre d'illustration, présente un caractère vexatoire l'interdiction faite au salarié d'accéder à l'entreprise pendant la durée de la procédure de licenciement, alors qu'il n'était invoqué aucune faute grave à son encontre et que les tiroirs de son bureau ont été forcés sans nécessité (Cass. soc., 7 juin 2006, n° 04-40.912, F-D N° Lexbase : A8524DPE).

En l'espèce, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi de l'avocate, considérant que les circonstances du dossier avaient légitimement permis au cabinet de recourir aux services d'un huissier. Les juges relèvent à cet égard que la salariée avait refusé de recevoir en main propre contre décharge une première convocation, que sa seule adresse connue était située à l'étranger et qu'elle s'était elle-même administrativement domiciliée au cabinet.

Sur le second point, l'avocate faisait grief à l'arrêt d'avoir jugé que son licenciement pour insuffisance professionnelle et pour faute reposait sur une cause réelle et sérieuse. A l'appui de son pourvoi, elle invoquait la jurisprudence de la Chambre sociale de la Cour de cassation selon laquelle l'insuffisance professionnelle ne constitue pas une faute (Cass. soc., 11 mars 2008, n° 07-40.184, F-D N° Lexbase : A4098D7W).

Ici encore, cette argumentation n'est pas suivi par la Cour de cassation, qui relève que le licenciement de l'avocate était motivé à la fois par l'insuffisance professionnelle et par une faute. Ces deux motifs ayant été distinctement caractérisés, la cour d'appel avait bien vérifié que la salariée n'avait pas été licenciée pour une insuffisance professionnelle diligentée selon les règles du licenciement pour faute.

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