La lettre juridique n°478 du 22 mars 2012 : Fonction publique

[Textes] Loi n° 2012-347 du 12 mars 2012 : dispositions relatives à la lutte contre la précarité dans la fonction publique

Réf. : Loi n° 2012-347 du 12 mars 2012 (N° Lexbase : L3774ISL)

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par Christelle Mazza, avocat au barreau de Paris

le 22 Mars 2012

L'amorce de la réforme de la fonction publique remonte pour certains auteurs à 2002 (1), par la refonte de la procédure de notation des fonctionnaires, dont l'objectif était de compléter un mécanisme d'avancement, lié traditionnellement à l'ancienneté, par des dispositifs relatifs à la compétence personnelle. Le statut des agents non titulaires résultait, pour sa part, de différents décrets pris sur la base des lois statutaires, modifiés au cours des réformes, dont les décrets n° 86-83 du 17 janvier 1986 (N° Lexbase : L1030G8N) pour la fonction publique d'Etat et n° 88-145 du 15 février 1988 (N° Lexbase : L1035G8T) pour la fonction publique territoriale, sans présenter de réelle homogénéité à une époque où la conception statutaire de la fonction publique prévalait. Sur impulsion communautaire et, notamment, de la Directive (CE) 1999/70 du 28 juin 1999, concernant l'accord-cadre CES, UNICE et CEEP sur le travail à durée déterminée (N° Lexbase : L0072AWL), l'Etat français a modifié par la voie législative le statut des non-titulaires en régissant le recours au contrat, la durée des contrats, et en introduisant quelques dispositions sur la lutte contre les discriminations. Ainsi, la loi n° 2005-843 du 26 juillet 2005, portant diverses mesures de transposition du droit communautaire à la fonction publique (N° Lexbase : L7061HEA), renvoyait, de par son titre, même à la norme supérieure, sorte de justification pour légiférer sur ce terrain. Cette loi représentait, néanmoins, à l'époque de sa promulgation, une petite révolution que la doctrine n'a pas manqué de soulever, en introduisant la possibilité du recours au contrat à durée indéterminée, prétextant la transposition du droit communautaire là où les Etats membres étaient seulement invités à lutter contre la précarité de la reconduction des contrats à durée déterminée. Un auteur a, ainsi, pu dénoncer le danger de cette brèche pour la conception statutaire de la fonction publique : "le risque est évident, que se développe à côté du statut un ensemble cohérent et structuré de contractuels bénéficiant d'un CDI, qu'à terme apparaissent des conventions collectives et que le statut n'occupe plus qu'une place subsidiaire, étant réservé aux emplois d'autorité" (2).

Dans le même temps, le recours aux agents non titulaires dans la fonction publique s'est accentué, sans pour autant que le recours au CDI soit systématique, compte tenu des conditions restrictives de la loi de 2005. Ainsi, le Rapport annuel sur l'état de la fonction publique 2010-2011 (3) constate, pour la fonction publique d'Etat, que "les agents non titulaires sont des agents de droit public qui ne sont pas fonctionnaires. Leur recrutement s'effectue sans concours, pour l'essentiel dans le cadre de la loi du 11 janvier 1984 [loi n° 84-16, portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat N° Lexbase : L7077AG9] et n'entraîne pas de titularisation, sauf disposition expresse. Le recours aux non-titulaires a progressé dans la fonction publique de l'Etat au cours de la dernière décennie, passant de 13 % des effectifs fin 1998 à 14,3 % fin 2008, puis 15,1% fin 2009".

Actuellement, le plus grand nombre d'agents non-titulaires figure dans les effectifs des collectivités territoriales, où ils représentent un agent sur cinq. Ce statut a pourtant gagné en précarité. Le rapport précité constate, en effet, qu'entre 2003 et 2007, un non-titulaire sur deux présent au cours de l'année n'est plus sous contrat au 31 décembre, et que plus d'un titulaire sur deux présent dans la fonction publique en 2003 a quitté l'Etat quatre ans plus tard.

L'émergence d'entreprises privées anciennement publiques, la mutation profonde du contexte économique et l'évolution mondiale du marché du travail ont, ainsi, créé une inadéquation entre les besoins exprimés par les administrations au sens large et la fonction publique dans sa conception issue de l'après-guerre. Il est actuellement difficile de délimiter le périmètre de la fonction publique, tant elle devient hétéroclite. Elle semble ne plus pouvoir se définir sur un critère organique (qualité publique de l'employeur), ni sur un critère matériel (exercice d'une mission de service public). Ainsi, la doctrine tente une nouvelle approche, intégrant in concreto la totalité de la conception du travail, tant statutaire que contractuel, en la définissant comme un "ensemble de personnels employés généralement par des personnes publiques ou par des ex-personnes publiques et soumis à des régimes juridiques disparates allant d'un statut de droit public jusqu'à la situation contractuelle de droit privé" (4).

Dès 2007, le Président de la République nouvellement élu a fait de la réforme de l'Etat, et plus particulièrement, de la réforme de la fonction publique une grande priorité, en inscrivant, notamment, sur l'agenda des réformes la lutte contre la précarité des agents non-titulaires. Ainsi, la gestion des ressources humaines est devenue une notion intégrée dans la conception de la fonction publique, traditionnellement fixée par des normes unilatérales, les fonctionnaires et les agents contractuels tirant leur statut de la loi et des règlements laissant peu de marge à l'opportunité du lien contractuel. Dans ce grand mouvement de réformes où, chaque année, des textes sont venus compléter le dispositif applicable aux agents titulaires (5), un dialogue social historique entre les syndicats de la fonction publique et l'Etat a débouché sur un protocole d'accord en date du 31 mars 2011.

Ce protocole rappelle avec force que le principe statutaire qui consiste à affecter des fonctionnaires sur des emplois permanents ne doit pas, pour autant, conduire à la précarité des agents contractuels. Ainsi, ce texte a fixé trois grands axes d'orientation qui ont servi de base au législateur :
- apporter une réponse immédiate aux situations de précarité rencontrées sur le terrain en favorisant l'accès à l'emploi titulaire ;
- prévenir la reconstitution de telles situations en encadrant mieux le recours au contrat et les conditions de son renouvellement ;
- et améliorer les droits individuels et collectifs des agents contractuels et leurs conditions d'emploi dans la fonction publique.

C'est dans ces conditions que la loi n° 2012-347 du 12 mars 2012, relative à l'accès à l'emploi titulaire et à l'amélioration des conditions d'emploi des agents contractuels dans la fonction publique, à la lutte contre les discriminations et portant diverses dispositions relatives à la fonction publique (N° Lexbase : L3774ISL), a vu le jour. Son architecture n'est pas sans rappeler celle de la loi du 26 juillet 2005, en ce qu'elle comporte surtout des dispositions relatives aux non-titulaires et à la lutte contre la discrimination, profitant de l'actualité de l'instauration de quotas dans le secteur privé, créant, ainsi, une véritable révolution dans la composition des organes dirigeants au sens large de la fonction publique (6). Si la loi du 12 mars 2012 comporte, également, des dispositions diverses concernant la fonction publique, néanmoins, le développement suivant concerne exclusivement les dispositions relatives aux agents contractuels et à la lutte contre les discriminations.

I - L'accès à l'emploi durable des agents contractuels : recherche de stabilité, de sécurité et d'équilibre

La loi du 12 mars 2012 réserve son premier titre à la lutte contre la précarité dans la fonction publique, distinguant en fonction de leurs spécificités les trois corps de la fonction publique française. Deux grands thèmes sont, ainsi, abordés, concernant la possibilité de titulariser les agents contractuels par la valorisation de leurs acquis, d'une part, et la transformation d'un contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée après une certaine durée de services au sein de l'administration, d'autre part.

A - Du recrutement sur concours à la valorisation des acquis

Conformément aux dispositions de l'article 19 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984, de l'article 36 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984, portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale (N° Lexbase : L7448AGX), et de l'article 29 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986, portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière (N° Lexbase : L8100AG4), les fonctionnaires sont recrutés par voie de concours au regard, notamment, de leurs diplômes, de l'exercice d'une (ou plusieurs) activité(s) professionnelle(s), ou de leurs services dans une autre administration par la voie interne.

Le mode de recrutement par concours est l'un des grands principes de la fonction publique française qui a permis, depuis 1946 et l'unification du statut, de disposer d'une fonction publique dite de carrière, avec immuabilité du lien entre l'administration employeur et l'agent titulaire. Ainsi, la principale distinction statutaire entre les titulaires et les non-titulaires consiste en l'obtention d'un concours dont la réussite crée le lien avec l'employeur, là où le non-titulaire est lié à ce dernier par un contrat. La loi n'évoque, d'ailleurs, plus la terminologie de "non titulaire", mais parle d'agent contractuel et de fonctionnaire, créant des catégories juridiques plus distinctes liées, d'une part, à la fonction statutaire et, d'autre part, au contrat.

Les articles 1, 13 et 24 de la loi du 12 mars 2012 modifient la voie du recrutement par dérogation à ces dispositions et permettent, pour les trois fonctions publiques, un mode de recrutement réservé valorisant les acquis professionnels des agents contractuels. Il faut entendre par "acquis professionnel" le fait de bénéficier d'une expérience certaine issue d'un emploi au sein de l'administration auprès de laquelle un agent contractuel aura passé plusieurs années, créant un lien avec cet employeur sur le plan de la compétence et de l'aptitude professionnelle. Le critère d'appartenance à la fonction publique devient plus opérationnel, tout en permettant de conserver un équilibre avec le principe statutaire des agents titulaires par leur affectation sur les emplois permanents. Plusieurs conditions sont, ainsi, posées, en fonction du corps concerné et de la nature permanente ou occasionnelle du poste à pourvoir. Certaines conditions sont donc communes aux trois fonctions publiques et d'autres adaptées à chaque corps.

Au titre des conditions communes, les agents qui souhaitent être titularisés par l'intermédiaire du nouveau mode de recrutement doivent être en fonction ou en congé réglementé et ne pas avoir été licenciés pour faute disciplinaire ou insuffisance professionnelle. Les conditions d'accès à la titularisation concernent, également, la nature des postes occupés, la durée de service effectif et la stabilité d'occupation du poste auprès d'un employeur en prenant pour date de référence le 31 mars 2011 et ceux dont le contrat a pris fin entre le 1er janvier et le 31 mars 2011, à condition de bénéficier de la condition de durée. Les agents concernés peuvent être sous contrat à durée déterminée ou indéterminée. Pour la durée de service effectif, l'agent doit avoir accompli au moins quatre années de service soit au cours des six années précédant le 31 mars 2011, soit à la date de clôture des inscriptions au recrutement auquel il postule, dont deux au moins dans les quatre années précédant le 31 mars 2011.

Pour autant, la validation des acquis peut aussi s'effectuer par le temps partiel. Ainsi, la loi prévoit que les services accomplis à temps partiel et incomplet correspondant à une quotité supérieure ou égale à 50 % seront assimilés à des services à temps complet, sauf pour les agents reconnus handicapés. Toute quotité inférieure sera assimilée à un trois-quarts de temps complet. En conséquence, les agents bénéficiant d'un nombre d'années largement supérieur à temps partiel pourront bénéficier du nouveau régime. Afin de concerner le plus grand nombre d'agents non titulaires au regard de la pratique du contrat dans les administrations, tout agent dont le contrat aura été transféré ou renouvelé du fait d'un transfert d'activité ou d'employeur conservera l'ancienneté acquise au titre de son précédent contrat. La loi se réfère au lien créé avec le poste et non avec l'employeur, créant un équilibre avec le statut de l'agent titulaire qui peut exercer le même poste pour une administration différente au cours de sa carrière, sans préjudice sur son avancement et sur son grade.

Pour les agents relevant de la fonction publique territoriale, certains services sont exclus. Ainsi, les services effectués au titre de fonctions de collaborateurs de groupes d'élus ou de directeur général des services ou collaborateur de cabinet ne peuvent pas être assimilés à des temps de service effectif au titre de la loi du 12 mars 2012. Les dispositions relatives au contrat pour ces agents excluent, d'ailleurs, expressément la possibilité de titularisation à ce seul titre. Ces agents peuvent faire l'objet d'un licenciement pour perte de confiance et leur poste revêt souvent une dimension politique. Ils s'apparentent, dès lors, à certains postes de la fonction publique d'Etat au sein des ministères, régis par un statut spécial et laissés à la discrétion de l'administration. Néanmoins, et afin d'éviter toute précarité, notamment, au regard des mouvements politiques au sein des collectivités, la loi du 12 mars 2012 a renforcé les dispositions relatives au contrat qui les lie à l'autorité territoriale employeur par des mesures plus protectrices en terme de reconduction et de durée du contrat.

Au titre des conditions particulières, la condition sine qua non est que les agents concernés occupent un poste de contractuel à la date du 31 octobre 2011.

-Dans la fonction publique d'Etat (loi n° 2012-347 du 12 mars 2012, art. 2) : ce recrutement peut intervenir en cas de besoin permanent, lorsqu'il n'existe pas de corps de fonctionnaire susceptible d'assurer ces fonctions et lorsque la nature des fonctions ou les besoins le justifient (cadres de catégorie A), cet emploi pouvant être à temps incomplet (au moins de 70 % d'un temps complet) ou de catégorie C ou assimilé, notamment, dans les services administratifs de restauration. Il peut aussi intervenir en cas de besoin occasionnel ou de remplacement, à temps complet ou incomplet, l'agent devant justifier d'une durée de services publics effectifs au moins égale à quatre années au cours des cinq dernières années précédant le 31 octobre 2011. Il est aussi ouvert aux agents contractuels de droit public occupant, à la date du 31 mars 2011, un emploi de l'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances (C. act. soc. fam., art. L. 121-4 N° Lexbase : L8913G8M) ou de l'Office national des forêts.

-Dans la fonction publique territoriale (loi n° 2012-347 du 12 mars 2012, art. 14) : l'accès est réservé aux agents occupant un emploi à temps complet ou à temps non complet, pour une quotité de temps de travail au moins égale à 50 %, pour faire face à un accroissement temporaire ou saisonnier, ou occupant un emploi de catégorie C ou de même niveau concourant au fonctionnement des services administratifs de restauration.

-Dans la fonction publique hospitalière (loi n° 2012-347 du 12 mars 2012, art. 25) : l'accès est réservé aux agents occupant un emploi à temps complet ou à temps non complet, pour une quotité de temps de travail au moins égale à 50 %, à l'exception des postes de direction ou d'un statut dérogatoire particulier.

La loi a, ainsi, clarifié le recours aux contrats en procédant à une réécriture des dispositions déjà existantes et en clarifiant fortement les catégories juridiques et opportunités. Elle prévoit, également, les modalités d'organisation de la validation des acquis qui se traduira par des sélections ou examens professionnels réservés, des concours réservés ou des recrutements sans concours pour l'accès au premier grade des corps de catégorie C. Ces recrutements seront fondés, notamment, sur la prise en compte des acquis de l'expérience professionnelle correspondant aux fonctions auxquelles l'agent se destine. A l'issue de ces examens, un ordre de mérite sera établi selon une liste d'aptitude, alignant de cette manière le régime des nouveaux entrants à celui des titulaires classiques.

Les agents intégreront la hiérarchie des titulaires, en ce qu'ils appartiendront au corps dont ils relèvent au grade de leur niveau d'aptitude correspondant aux fonctions qu'ils auront exercées durant les quatre années requises. L'appréciation de l'ancienneté variera selon que l'agent aura exercé un nombre d'années supérieur ou aura été en poste dans des catégories différentes. La loi du 12 mars 2012 renvoie à des décrets en Conseil d'Etat pour déterminer les corps auxquels les non titulaires peuvent postuler en fonction des besoins du service et des objectifs de la gestion prévisionnelle des effectifs et à des arrêtés ministériels qui fixeront le nombre d'emplois ouverts pour la fonction publique d'Etat.

En revanche pour la fonction publique territoriale, l'article 17 de la loi prévoit que, dans les trois mois de la parution des décrets, l'autorité territoriale devra présenter au comité technique compétent un rapport sur la situation des agents remplissant les conditions de titularisation en déterminant, notamment, les besoins de la collectivité territoriale et les emplois ouverts au recrutement. Le comité technique devra rendre un avis. 

La loi du 12 mars 2012 renforce le principe d'indépendance des collectivités et la décentralisation en leur laissant la libre administration quant à leurs besoins en ressources humaines tout en favorisant le dialogue social. Ainsi, et dans cette même mouvance, ce sont les collectivités qui devront organiser les épreuves de titularisation par l'instauration d'une commission d'évaluation professionnelle, tout en pouvant déléguer par convention cette mission au centre de gestion de leur ressort géographique. C'est cette même commission, qui après audition des candidats, se prononcera sur leur aptitude et dressera la liste d'aptitude par cadre d'emploi et par ordre alphabétique au regard du programme pluriannuel. A noter que l'article 23 de la loi du 12 mars 2012 prévoit expressément l'application des dispositions du chapitre II du titre I sur la fonction publique territoriale aux administrations parisiennes.

Concernant la fonction publique hospitalière, les concours et épreuves seront organisés par chaque établissement ou pour le compte de plusieurs établissements de la région ou du département à la demande du directeur général de l'Agence régionale de santé. Cette décentralisation permet de répondre au mieux aux besoins des administrations de la fonction publique territoriale et hospitalière quant au recrutement de leurs agents, compte tenu de la présence depuis plusieurs années des non-titulaires au sein de leurs établissements.

Contrairement au mode de recrutement des titulaires "classiques" par la voie de concours régionaux ou nationaux, dans laquelle prévaut la notion d'équité au regard de l'épreuve, cette voie de recrutement se veut plus pragmatique et cohérente au regard des budgets alloués au personnel et des profils disponibles au sein des administrations. Ce nouveau mode de titularisation fait craindre à certains l'ouverture plus importante d'une brèche dans la conception de "carrière" de la fonction publique au profit d'une conception dite de "métier", qui se veut plus valorisante et plus qualifiante, déjà exprimée lors de la promulgation de la loi du 26 juillet 2005. Enfin, la loi aligne, à compter de la titularisation, le régime des nouveaux titularisés sur celui des titulaires classiques, notamment, au regard du cumul des activités et de l'aptitude.

B - Du CDD au CDI : la pérennisation d'un lien stable

L'un des grands points de cette réforme consiste en l'obligation pour l'administration ou assimilée employeur, de transformer un contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée pour tout agent contractuel justifiant d'une durée de services publics effectifs d'au moins six ans durant les huit années précédant la date de publication de la loi, soit depuis le 12 mars 2004. L'agent doit avoir accompli ses services au sein de la même administration, sauf en cas de transfert pour lequel il aurait conservé son ancienneté, en conformité avec l'appréciation de l'expérience requise au titre de la validation des acquis.

Certains emplois sont, néanmoins, expressément exclus de cette possibilité et, notamment, les postes à caractère discrétionnaire et politique, ceux relevant d'établissements dont le statut garantit le libre exercice de leur mission, les personnels médicaux et scientifiques des CHU, ou encore les emplois occupés par les assistants d'éducation, les maîtres d'internat et surveillants d'externat. L'administration peut, par ailleurs, proposer aux agents non titulaires employés au titre d'un remplacement ou d'un besoin occasionnel de changer de fonctions pour un même niveau de responsabilités, afin de pouvoir bénéficier d'un contrat à durée indéterminée. En cas de refus, les dispositions du contrat à durée déterminée continueront de s'appliquer.

A ce titre et quelques jours avant la promulgation de la loi par l'Etat français, la CJUE a rendu un arrêt le 8 mars 2012 (CJUE, 8 mars 2012, aff. C-251/11 N° Lexbase : A0661IE9) sur question préjudicielle du tribunal administratif de Rennes en date du 23 mai 2011, statuant sur l'interprétation à donner à l'accord-cadre sur le travail à durée déterminée conclu le 18 mars 1999, figurant en annexe de la Directive (CE) 1999/70 du Conseil du 28 juin 1999. Dans cette espèce, le requérant reprochait à son employeur, à savoir une Université, d'avoir rétrogradé ses fonctions et diminué sa rémunération en passant d'un contrat à durée déterminée à un contrat à durée indéterminée. La clause n° 5 de l'accord-cadre précité prévoit qu'afin de prévenir l'utilisation abusive du recours aux contrats successifs, les Etats membres doivent prendre plusieurs mesures afin de mettre en place dans leur législation des raisons objectives justifiant le renouvellement de tels contrats, une durée maximale totale de contrats ou relations de travail à durée déterminée, enfin un nombre maximum de renouvellements.

La Cour a analysé la question posée au regard de l'article 4 de la loi n° 84-16, portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, article relatif aux conditions de recrutement des agents contractuels, ceci avant l'entrée en vigueur de la loi du 12 mars 2012. Elle énonce que, si l'accord cadre n'est pas tenu d'imposer la reprise à l'identique des clauses figurant dans le contrat précédent, "afin de ne pas porter atteinte aux objectifs poursuivis par la Directive (CE) 1999/70 et son effet utile, l'Etat membre doit veiller à ce que la transformation des contrats de travail à durée déterminée en un contrat de travail à durée indéterminée ne s'accompagne pas de modifications substantielles des clauses du contrat précédent dans un sens globalement défavorable à la personne intéressée lorsque l'objet de la mission de celui-ci et la nature de ses fonctions demeurent les mêmes".

La loi du 12 mars 2012 intègre, enfin, dans le droit français, après l'amorce de la loi du 26 juillet 2005, les dispositions protectrices réglementées par le droit communautaire depuis 1999 sur la stabilité des agents contractuels en contrat à durée déterminée. La Cour rappelle, néanmoins, que le droit communautaire ne peut pas imposer le contrat à durée indéterminé aux Etats membres en ce qu'il relève de situations individuelles et propres à chaque secteur, là où l'Etat français est allé beaucoup plus loin dès 2005. Cet arrêt, dont la problématique est antérieure d'une année à la réforme, est, en conséquence, pleinement applicable à l'interprétation des dispositions nouvelles et ne vient que conforter le mécanisme mis en place par la législation française.

Nous vous invitons à poursuivre l'étude de la loi du 12 mars 2012 en découvrant, dans une seconde partie, les dispositions concernant l'encadrement renforcé du recours aux agents contractuels et la recherche accrue d'égalité professionnelle hommes-femmes au sein de la fonction publique (lire N° Lexbase : N0958BTN).


(1) J.-P. Didier, Une fonction publique sans fonctionnaires ?, JCP éd. A, n° 17, 26 avril 2011, 2170.
(2) F. Melleray, L'impact des lois du 26 juillet 2005 sur les équilibres de la fonction publique", AJFP, 2005, p. 225 ; La généralisation des contrats à durée indéterminée dans la fonction publique dans la loi du 26 juillet 2005, JCP éd. A, 2005, 1306.
(3) Rapport annuel de la fonction publique 2010-2011, p.163.
(4) J.-P. Didier, Une fonction publique sans fonctionnaires ?, préc..
(5) Décret n° 2008-1533 du 22 décembre 2008, relatif à la prime de fonction et de résultat (N° Lexbase : L3941ICX) ; loi n° 2009-972 du 3 août 2009, relative à la mobilité et aux parcours professionnels dans la fonction publique (N° Lexbase : L6084IE3) ; loi n° 2010-1563 du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales (N° Lexbase : L9056INQ) ; loi n° 2010-751 du 5 juillet 2010, relative à la rénovation du dialogue social (N° Lexbase : L6618IM3) ; loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010, portant réforme des retraites (N° Lexbase : L3048IN9).
(6) Loi n° 2011-103 du 27 janvier 2011, relative à la représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d'administration et de surveillance et à l'égalité professionnelle (N° Lexbase : L2793IP7).

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