Réf. : CJUE, 14 mai 2020, aff. C-276/19 (N° Lexbase : A44883LS)
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N3819BY4
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par Marie-Claire Sgarra
le 24 Juin 2020
► En introduisant de nouvelles mesures de simplification qui étendent l’application du taux zéro et l’exception à l’obligation normale de tenir des registres de taxe sur la valeur ajoutée ayant été prévues dans le décret sur la taxe sur la valeur ajoutée de 1973, tel que modifié par un décret modificatif sur la taxe sur la valeur ajoutée de 1975, sans notifier une demande à la Commission européenne afin d’obtenir l’autorisation du Conseil de l’Union européenne, le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de la Directive TVA.
Pour rappel, par lettre du 8 mars 2018, la Commission a adressé une mise en demeure au Royaume-Uni. Elle a fait valoir que les modifications apportées au décret de 1973 depuis la notification du 28 décembre 1977 élargissaient le champ d’application de la dérogation ayant été demandée en vertu de cette notification, de sorte que lesdites modifications auraient dû être notifiées à la Commission conformément aux dispositions de la Directive TVA.
Le Royaume-Uni a répondu à cette mise en demeure en contestant le bien-fondé des griefs figurant dans celle-ci. Par la suite, la Commission a adressé un avis motivé au Royaume-Uni.
La Commission a indiqué que les amendements apportés après la notification du 28 décembre 1977 au décret de 1973, tel que modifié par le décret de 1975, constituaient des changements substantiels par rapport à la dérogation résultant de cette notification. Elle a fait valoir que le champ d’application de la mesure notifiée avait été élargi.
Le Royaume-Uni a répondu à l’avis motivé en soutenant, essentiellement, que les amendements introduits depuis la notification du 28 décembre 1977 dans le décret de 1973, tel que modifié par le décret de 1975, n’élargissaient pas la mesure notifiée au-delà de sa finalité, mais opéraient, au contraire, des modifications purement formelles. Le 1er avril 2019, la Commission a décidé d’introduire un recours.
Selon la jurisprudence de la Cour, est recevable un grief tendant à faire constater un manquement aux obligations qui trouvent leur origine dans la version initiale d’un acte de l’Union, par la suite modifié ou abrogé, et qui ont été maintenues par les dispositions d’un nouvel acte de l’Union. En revanche, l’objet du litige ne saurait être étendu à des obligations qui découlent de nouvelles dispositions n’ayant pas d’équivalent dans la version initiale de l’acte en cause, sous peine de constituer une violation des formes substantielles de la régularité de la procédure constatant le manquement.
Dans la présente affaire, le Royaume-Uni a notifié à la Commission une mesure destinée à simplifier la perception de la TVA, au titre de la dérogation prévue à l’article 27, paragraphe 5, de la sixième Directive TVA pour les mesures de ce type en vigueur au 1er janvier 1977. La mesure notifiée, issue du décret de 1973, tel que modifié par le décret de 1975, permettait spécifiquement que les opérations sur les onze marchés à terme de marchandises visés dans ces décrets qui font intervenir des membres bien définis du marché soient exonérées de TVA grâce à l’application d’un taux zéro] et des obligations en matière de registres de TVA. Postérieurement à cette notification, le Royaume-Uni a adopté plusieurs dispositions modifiant le contenu de la mesure concernée.
Ainsi, l’approche défendue, à bon droit, par la Commission est conforme aux principes selon lesquels les mesures nationales dérogatoires doivent faire l’objet d’une interprétation stricte et rester strictement proportionnées à l’objectif de simplification de la perception de la TVA.
Un régime particulier qui, pour atteindre ledit objectif, déroge à la règle générale selon laquelle la TVA est perçue sur chaque livraison de biens ou prestation de services effectuée à titre onéreux par un assujetti, ne saurait être étendu à des opérations qui étaient exclues dudit régime particulier par le législateur national à la date où cette dérogation était permise en vertu du droit de l’Union, et plus spécifiquement, qui n’étaient pas prévues au moment de l’entrée en vigueur de la sixième directive TVA.
Une telle obligation de notification répond également aux exigences découlant des principes de sécurité juridique et de transparence, car elle permet tant à la Commission qu’aux États membres autres que l’auteur de ladite notification, par le truchement d’une décision expresse adoptée au sein du Conseil, de contrôler l’utilisation qu’un État membre entend faire de la faculté de dérogation ouverte.
Ici, les modifications litigieuses ont affecté directement la portée du régime dérogatoire adopté par le Royaume-Uni, dans le but de simplifier la perception de la TVA. Ces modifications comportent des modifications substantielles et constituent, dès lors, de nouvelles « mesures particulières dérogatoires », de sorte qu’elles auraient dû être notifiées à la Commission en vue d’une autorisation délivrée par le Conseil.
Il y a lieu de constater que, en introduisant de nouvelles mesures de simplification qui étendent l’application du taux zéro et l’exception à l’obligation normale de tenir des registres de TVA ayant été prévues dans le décret de 1973, tel que modifié par le décret de 1975, sans notifier une demande à la Commission afin d’obtenir l’autorisation du Conseil, le Royaume-Uni a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 395, paragraphe 2, de la Directive 2006/112.
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