Réf. : Cass. civ. 1, 20 mai 2020, n° 18-23.909, F-D (N° Lexbase : A07133MD)
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N3514BYS
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par Manon Rouanne
le 03 Juin 2020
► Ne constitue pas un contrat de prêt à usage mais un contrat sui generis, le prêt d’agrément d’un ULM, par son propriétaire, à la victime d’un accident mortel survenu à bord de cet appareil, dans la mesure où ce prêt avait pour contrepartie la dispense, par celle-ci, de formations de pilotage non rémunérées dont le propriétaire du bien prêté et l'association que celui-ci dirige retiraient avantage pour leurs élèves, faisant, ainsi, échec au caractère gratuit attaché au prêt à usage, de sorte que la charge de la preuve de la responsabilité de la victime incombe au propriétaire qui n’établit pas, en l’espèce, la faute de celle-ci, ayant pour conséquence de faire obstacle à l'indemnisation des préjudices résultant de la perte de l'appareil ;
► de même, à défaut de preuve d’une faute dans le montage de l’appareil, le manquement du propriétaire de l’ULM à son obligation contractuelle de prudence et de sécurité n’est pas caractérisé, ayant pour conséquence de faire obstacle à l’engagement de sa responsabilité.
Le contrat de prêt n’étant pas conclu à titre gratuit du fait de l’existence d’une contrepartie, tel est le rejet de la caractérisation d’un contrat de prêt à usage opéré par la première chambre civile de la Cour de cassation qui en tire les conséquences en termes d’engagement de la responsabilité des parties dans un arrêt rendu le 20 mai 2020 (Cass. civ. 1, 20 mai 2020, n° 18-23.909, F-D N° Lexbase : A07133MD ; sur le contrat de prêt à usage, v. également : Cass. civ. 1, 20 mai 2002, n° 19-10.559, FS-P+B N° Lexbase : A05953MY).
Résumé des faits. En l’espèce, le pilote-instructeur d’un ULM a été victime d’un accident mortel d’ULM survenu au cours d’un vol d’agrément. Pour obtenir réparation du préjudice subi résultant de la perte de son bien du fait de l’accident, le propriétaire de cet appareil et président de l’association qui exploite l’aérodrome a engagé une action en responsabilité à l’encontre des ayants droit de la victime. En défense, ces derniers ont recherché la responsabilité contractuelle de celui-ci pour manquement à son obligation de prudence et de sécurité à l’origine du dommage.
En cause d’appel. Ayant retenu que le prêt d'agrément de l’ULM, par son propriétaire à la victime, avait pour contrepartie la dispense, par celle-ci, de formations de pilotage non rémunérées dont ce dernier et l'association retiraient avantage pour leurs élèves, la cour d’appel (CA Paris, 7 juin 2018, n° 16/13182 N° Lexbase : A4675XQ9), en en déduisant qu’il ne s’agissait, dès lors, pas d’un contrat à titre gratuit, a rejeté la qualification de contrat de prêt à usage et, avec elle, l’obligation de l’emprunteur de répondre du dommage dont la cause est inconnue. Aussi, les juges du fond ont décidé que la charge de la preuve de la responsabilité de la victime pour la perte de la chose prêtée incombait au propriétaire de celle-ci, lequel ne démontrait pas, en l’occurrence, la faute du pilote à l’origine du dommage, faisant, alors, échec à l’engagement de sa responsabilité. De même, la juridiction du second degré a, également, rejeté la demande reconventionnelle des ayants droit tendant à l’engagement de la responsabilité du propriétaire faute de preuve du manquement de celui-ci à son obligation contractuelle de prudence et de sécurité.
A hauteur de cassation. Le propriétaire a contesté, devant la Cour de cassation, la position adoptée par les juges du fond en alléguant que le contrat conclu avec la victime devait revêtir la qualification de prêt à usage dans la mesure où, d’une part, du fait du caractère bénévole des prestations de la victime excluant, en soi, l'existence d'une contrepartie à celles-ci, il demeurait à titre gratuit et, d’autre part, l’accident avait eu lieu, non lors d’un cours de pilotage en contrepartie duquel l’appareil avait été prêté mais au cours d’un vol d’agrément.
Décision. Ne suivant pas l’argumentaire développé par le demandeur au pourvoi, la Cour de cassation rejette la qualification de contrat de prêt à usage et confirme, alors, l’arrêt rendu en appel. Reprenant à son compte la motivation, par les juges du fond, de leur décision, la Haute juridiction affirme que, dès lors que le prêt d'agrément de l’ULM, par son propriétaire à la victime, avait pour contrepartie la dispense par celle-ci de formations de pilotage non rémunérées ce dernier et l'association retiraient avantage pour leurs élèves, le contrat les liant n’étant pas conclu à titre gratuit, il ne peut revêtir la qualification de contrat de prêt à usage, faisant, ainsi, échec à l’obligation de l’emprunteur d’établir que le dommage consistant dans la destruction de la chose prêtée ne découle pas de sa faute. Aussi, la Haute juridiction en déduit que la charge de la preuve de la responsabilité de la victime pèse sur le propriétaire, lequel n’a pas, en l’espèce, apporté la preuve de la faute du pilote, de sorte que sa responsabilité ne peut être engagée.
En outre, si le juge du droit retient l’existence, en vertu du contrat conclu avec le pilote, d'une obligation contractuelle de prudence et de sécurité à la charge du propriétaire de l’appareil, il rejette, en revanche, l’engagement de la responsabilité de celui-ci, faute d’établissement, par les ayants droit de la victime, du manquement à cette obligation.
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