Le droit de l'Union européenne s'oppose à une injonction, prise par une juridiction nationale, d'imposer à un fournisseur d'accès à internet la mise en place d'un système de filtrage afin de prévenir les téléchargements illégaux de fichiers. Tel est le sens d'un arrêt rendu par la CJUE le 24 novembre 2011 (CJUE, 24 novembre 2011, aff. C-70/10
N° Lexbase : A9797HZU). Dans son arrêt, la Cour rappelle, tout d'abord, que les titulaires de droits de propriété intellectuelle peuvent demander qu'une ordonnance soit rendue à l'encontre des intermédiaires, tels que les fournisseurs d'accès à internet, dont les services sont utilisés par les tiers pour porter atteinte à leurs droits. En effet, les modalités des injonctions relèvent du droit national. Toutefois, ces règles nationales doivent respecter les limitations découlant du droit de l'Union, telle notamment l'interdiction prévue par la Directive sur le commerce électronique (Directive 2000/31 du 8 juin 2000
N° Lexbase : L8018AUI) selon laquelle les autorités nationales ne doivent pas adopter des mesures qui obligeraient un fournisseur d'accès à internet à procéder à une surveillance générale des informations qu'il transmet sur son réseau. A cet égard, la Cour constate que l'injonction en question obligerait le FAI à procéder à une surveillance active de l'ensemble des données de tous ses clients afin de prévenir toute atteinte aux droits de propriété intellectuelle. Il s'ensuit que l'injonction imposerait une surveillance générale qui est incompatible avec la Directive sur le commerce électronique. En outre, une telle injonction ne respecterait pas les droits fondamentaux applicables. En outre, l'injonction de mettre en place un système de filtrage implique de surveiller, dans l'intérêt des titulaires de droits d'auteur, l'intégralité des communications électroniques réalisées sur le réseau du fournisseur d'accès à internet concerné, cette surveillance étant en outre illimitée dans le temps. Ainsi, une telle injonction entraînerait une atteinte caractérisée à la liberté d'entreprise du FAI puisqu'elle l'obligerait à mettre en place un système informatique complexe, coûteux, permanent et à ses seuls frais. De plus, les effets de l'injonction ne se limiteraient pas au FAI, le système de filtrage étant également susceptible de porter atteinte aux droits fondamentaux de ses clients, à savoir à leur droit à la protection des données à caractère personnel ainsi qu'à leur liberté de recevoir ou de communiquer des informations. Par conséquent, la Cour constate que, en adoptant l'injonction obligeant un FAI à mettre en place un tel système de filtrage, le juge national ne respecterait pas l'exigence d'assurer un juste équilibre entre le droit de propriété intellectuelle, d'une part, et la liberté d'entreprise, le droit à la protection des données à caractère personnel et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations, d'autre part.
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