La lettre juridique n°463 du 24 novembre 2011 : Fiscalité du patrimoine

[Chronique] Chronique de fiscalité du patrimoine - Novembre 2011

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par Frédéric Subra, avocat associé et Mathieu Le Tacon, avocat of counsel au sein du cabinet Delsol Avocats

le 24 Novembre 2011

Lexbase Hebdo - édition fiscale vous propose, cette semaine, de retrouver la chronique d'actualité en fiscalité du patrimoine réalisée par Frédéric Subra, avocat associé et Mathieu Le Tacon, avocat of counsel au sein du cabinet Delsol Avocats. Dans un premier temps, cette chronique revient sur une décision publiée du Conseil d'Etat, relative à l'imposition distincte des mineurs. En effet, la Haute juridiction ajoute un critère à celui de l'existence de revenus ou d'une fortune indépendants : le parent du mineur ne doit pas pouvoir disposer de ce revenu ou de cette fortune. Cette solution, rigoureuse en ce qu'un enfant mineur a, dans les faits, rarement la disposition pleine et entière de revenus ou d'une fortune indépendants, intervient dans un contexte qui se rencontre souvent, celui du démembrement de parts de SCI détenues par les parents au profit de leurs enfants (CE 3° et 8° s-s-r., 12 octobre 2011, n° 325173, publié au recueil Lebon). Dans un deuxième temps, nos auteurs étudient une décision mentionnée du Conseil d'Etat, dans laquelle l'administration a, à tort, retenu, pour déterminer la plus-value de cession de titres imposable, le cours moyen de l'action au jour de l'acquisition. Or, ces titres avaient été donnés au contribuable par un membre de sa famille. Le Conseil d'Etat retient la valeur d'acquisition déclarée pour le paiement des droits de mutation à titre gratuit. Cette solution permet d'éviter une double taxation sur cette plus-value (CE 3° et 8° s-s-r., 12 octobre 2011, n° 324717, mentionné aux tables du recueil Lebon). Dans un troisième et dernier temps, le Conseil d'Etat revient sur la définition de l'"entreprise exploitée en France". Il relève que la société qui a son siège à Jersey et met à la disposition de son gérant un château en France, depuis lequel il gère la société pendant ses vacances, alors qu'il réside habituellement en Côte d'Ivoire, ne dispose pas en France d'un établissement stable. Plus que l'importance des opérations réalisées en ce lieu et la fréquence des passages de son dirigeant, le juge retient la modestie des moyens techniques disponibles dans le château et l'absence de personnel, pour refuser de qualifier le château d'entreprise exploitée en France, faisant ainsi échapper la société à l'impôt français sur ses bénéfices (CE 3° s-s., 14 octobre 2011, n° 325406, inédit au recueil Lebon).
  • L'imposition distincte de celle de sa mère d'un enfant mineur est subordonnée à la condition que cette dernière n'ait aucun droit sur le bien générateur d'une fortune indépendante ni aucune possibilité de disposer de ce revenu (CE 3° et 8° s-s-r., 12 octobre 2011, n° 325173, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A7348HYS)

Dans cette décision, le Conseil d'Etat a été amené à examiner les conditions auxquelles un mineur peut faire l'objet d'une taxation à l'imposition sur le revenu distincte de celle de ses parents et ce, par exception au principe selon lequel le foyer fiscal inclut les enfants mineurs (CGI, article 6, 1 N° Lexbase : L0794IP4).

Les dispositions en la matière sont régies par l'article 6, 2 du CGI selon lesquelles "le contribuable peut réclamer des impositions distinctes pour ses enfants, lorsque ceux-ci tirent un revenu de leur travail ou d'une fortune indépendante".

Jusqu'à présent, la jurisprudence en la matière était assez peu fournie en ce qui concerne la notion de "revenu tiré d'une fortune indépendante".

Ainsi, les juges du fond ont été amenés à considérer qu'une pension alimentaire versée pour l'entretien et l'éducation d'un enfant mineur par celui des parents chez lequel cet enfant ne réside pas habituellement ne présente pas le caractère d'un revenu que l'enfant tirerait d'une fortune indépendante de celle du parent chez lequel il réside (TA Paris, 18 février 1999, n° 94-11545).

En sens inverse, il a été considéré, au moins de façon implicite, que la plus-value résultant de la cession de parts sociales d'une société civile immobilière (SCI), détenues en nue-propriété par les enfants du contribuable, est constitutive, pour ces enfants, d'un revenu tiré d'une fortune indépendante de celle de leur père, au sens de l'article 6, 2 du CGI (CAA Marseille 13 avril 2006, n° 01MA01138, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A8129DPR).

Les faits dans l'affaire commentée étaient les suivants : par acte notarié, un couple, alors marié sous le régime de la communauté légale de biens, mais en instance de divorce, avait donné, pour cinq ans, à leurs deux enfants mineurs, l'usufruit, évalué à 20 000 francs (3 048,98 euros), de vingt des cent parts qu'ils possédaient dans une SCI. Par acte notarié du même jour, liquidant la communauté, homologué ultérieurement par la cour d'appel de Paris prononçant le divorce définitif des époux, l'ex mari s'est vu attribuer la pleine propriété des quatre-vingt parts restantes de la SCI et la nue-propriété des vingt parts précitées.

Consécutivement, l'ex femme, à laquelle la garde des enfants avait été confiée, a demandé l'imposition distincte de ses deux enfants mineurs.

Confirmant le jugement du tribunal administratif, qui avait prononcé la décharge des redressements d'impôt sur le revenu notifiés à l'ex épouse par l'administration, cette dernière estimant que les enfants ne disposaient pas d'une fortune indépendante au sens de l'article 6, 2 précité, la cour administrative d'appel de Paris avait, dans une décision n° 06PA03029 du 11 décembre 2008 (N° Lexbase : A6608ECQ), jugé que : "au cours des années litigieuses, les enfants de Mme X, usufruitiers des vingt parts de la SCI dont la nue-propriété appartenait à leur père, ont disposé d'une fortune indépendante de leur mère ; par suite et alors que l'administration n'invoque aucun abus de droit, les revenus fonciers respectivement perçus à titre personnel par Julie X et par Grégoire X permettaient à Mme X de demander leur imposition distincte au titre de ces mêmes années, sur une base incluant non seulement les revenus fonciers sus-évoqués mais également les sommes versées par M. X en exécution du jugement de divorce pour leur éduction et leur entretien".

Pour sa part, le Conseil d'Etat, dans la décision commentée, a censuré, pour erreur de droit, l'arrêt rendu par la cour, au motif que celle-ci n'avait pas recherché si l'ex-épouse "était susceptible de disposer de ces revenus, alors que, si le 2 de l'article 6 du CGI permet à un contribuable de demander une imposition distincte pour son enfant mineur lorsque celui-ci tire un revenu d'un patrimoine lui appartenant, c'est à la condition, non seulement qu'il ne dispose d'aucun droit sur ce patrimoine mais également qu'il n'ait aucune possibilité, en dépit de sa qualité d'administrateur légal des biens de son enfant et du droit de jouissance légale qui s'y attache, de disposer de ce revenu".

La solution ainsi adoptée et la formulation retenue par la Haute juridiction apportent, de notre point de vue, deux enseignements : tout d'abord, le Conseil d'Etat ne voit pas d'obstacle de principe à ce qu'un enfant soit imposé séparément, à raison des revenus tirés de parts de SCI dont il ne détient l'usufruit que pour une durée limitée.

Que ce soit le caractère temporaire de l'usufruit ou, semble-t-il, le caractère aléatoire des revenus d'une société (celui-ci pouvant, il est vrai, être limité s'agissant d'une SCI percevant des loyers réguliers), ne sont donc des éléments faisant obstacle à la caractérisation de revenus tirés d'une fortune personnelle au sens de l'article 6, 2 précité du CGI.

Ceci peut paraître d'autant plus logique que la demande visant à ce que l'enfant fasse l'objet d'une imposition distincte de celle de ses parents est, en pratique, effectuée une fois les revenus considérés perçus.

Par ailleurs, si la solution retenue au cas d'espèce par le Conseil d'Etat peut paraître rigoureuse, en ce qu'il est reproché à la cour d'avoir vérifié si les enfants disposaient d'une fortune indépendante, sans avoir vérifié si le parent, qui avait la garde des enfants, n'était pas susceptible de disposer des revenus associés aux biens appartenant aux enfants, elle ne nous paraît pas, pour autant, parfaitement fondée.

La différence peut, en effet, paraître ténue mais elle peut entraîner d'importantes conséquences, si l'on songe que les statuts de la société dont les droits sont démembrés peuvent, par exemple, stipuler que le droit de vote de l'associé mineur est exercé par son représentant légal.

Le fin mot de l'histoire devrait en tout état de cause revenir à la cour administrative d'appel de Paris, devant laquelle l'affaire est renvoyée.

  • Pour la détermination de la plus-value de cession de titres imposable, il faut retenir la valeur d'acquisition déclarée pour le paiement des droits de mutation à titre gratuit, et non celle du cours moyen de l'action au jour de l'acquisition (CE 3° et 8° s-s-r., 12 octobre 2011, n° 324717, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A7399HYP)

Cette décision de la Haute assemblée du 12 octobre 2011, mentionnée au recueil Lebon, tranche la question inédite du prix d'acquisition qui doit être retenu pour le calcul de la plus-value réalisée par un particulier sur des titres d'une société cotée, reçus à titre gratuit.

Un couple de contribuables avait reçu, en juillet 2000, du père de l'épouse, par donation, des actions d'une société cotée au second marché de la bourse de Paris. La valeur unitaire de l'action, retenue pour le calcul des droits de donation, avait été fixée à 77 euros. Cédant en septembre de la même année ces titres sur une base de valorisation identique, les intéressés n'avaient pas déclaré de plus-value. Considérant qu'aux termes de l'article 759 du CGI (N° Lexbase : L8117HL9), le prix d'acquisition des titres devait être leur valeur unitaire sur le second marché au jour de la donation, l'administration fiscale avait imposé entre les mains du couple la plus-value, calculée en ôtant au prix de cession de 77 euros le prix d'acquisition de 44 euros.

La question était donc de savoir, s'agissant de la plus-value de cession de titres cotés reçus à titre gratuit, si le prix d'acquisition retenu devait être la valeur déclarée par le contribuable ou celle -inférieure- résultant de l'application des dispositions de l'article 759 du CGI.

On sait qu'aux termes de l'article 150-0 D du CGI (N° Lexbase : L0087IKG), lorsque les valeurs mobilières et les droits sociaux ont été acquis par le contribuable par voie de mutation à titre gratuit (succession, donation simple ou donation-partage), le second terme de la différence est constitué par la valeur retenue pour la détermination des droits de mutation à titre gratuit (instruction du 13 juin 2001, BOI 5 C-1-01, n° 92 N° Lexbase : X6266AAC).

Ainsi, la plus-value résultant de la cession de droits sociaux recueillis par un contribuable dans la succession de son conjoint décédé doit être déterminée en retenant la différence entre le prix de cession des parts et la valeur qu'elles avaient au jour du décès du conjoint (rép. min. Chevallier, JO Sénat du 5 octobre 1960, p. 1213, n° 942).

De même, lorsque les valeurs mobilières et les droits sociaux cédés ont été acquis par le contribuable par voie de donation avec prise en charge de dettes, le gain de cession est déterminé en retenant la valeur des biens transmis retenue pour la détermination des droits de donation, avant déduction du montant des dettes. Il s'agit, selon la doctrine administrative, de la valeur vénale des titres donnés appréciée au jour de la donation (instruction du 27 juillet 2006, BOI 7 G-06, n° 28).

Or, l'article 759 du CGI, dans sa version applicable aux faits de l'espèce jugée par le Conseil d'Etat, disposait que "pour les valeurs mobilières aux négociations sur un marché réglementé, le capital servant de base à la liquidation et au paiement des droits de mutation à titre gratuit est déterminé par le cours moyen au jour de la transmission" (1).

Donnant raison à l'administration fiscale, les juges de première instance et d'appel avaient jugé que le prix d'acquisition de titres obtenus à titre gratuit n'était pas constitué par la valeur déclarée par le contribuable et effectivement retenue pour les droits de mutation, mais celle qui aurait dû être retenue selon l'article 759 du CGI.

L'arrêt de la cour administrative d'appel de Versailles (CAA Versailles, 13 novembre 2008, n° 06VE01879, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A9469EBC) est censuré par le Conseil d'Etat. Dans un considérant de principe, les juges du Palais-Royal rappellent que : "dès lors que l'article 150-0 D du CGI prévoyait que pour le calcul du montant de la plus-value taxable en cas de cession de titres, le prix d'acquisition des titres obtenus à titre gratuit devait être fixé à la valeur retenue pour le calcul des droits de mutation, cette valeur devait en principe être prise en compte qu'elle procédât d'une déclaration du contribuable au titre des droits d'enregistrement ou, le cas échéant, d'une rectification de cette déclaration par l'administration fiscale ; il n'aurait pu en aller autrement que si l'administration avait établi que la valeur retenue pour les droits d'enregistrement était dépourvue de toute signification".

Ainsi, est clairement affirmé le principe selon lequel la valeur déclarée par le contribuable pour le calcul des droits de mutation prévaut sur toutes autres dispositions. Il n'en est différemment qu'en cas de rectification par l'administration fiscale pour sous-évaluation, ou dans l'hypothèse où la valeur retenue serait sans signification.

En revanche, le contribuable n'est pas lié par les dispositions de l'article 759 du CGI, et il lui est loisible de retenir une valeur de la société supérieure au cours de bourse pour le calcul des droits de mutation à titre gratuit, dès lors que cette valeur est conforme à la valeur réelle de la société. C'est ensuite cette valeur qui constituera le deuxième terme de la plus-value.

Notons que la situation boursière actuelle, qui voit des sociétés aux cours de bourse très inférieurs à leurs capitaux propres, sans parler de leur valeur réelle, pourrait offrir des situations analogues à celle portée à la censure de la Haute assemblée. De même, les cessions de sociétés cotées, qu'elles soient amicales ou subies, interviennent le plus souvent sur la base de valeurs supérieures au cours de bourse.

Par cette décision, le Conseil d'Etat consacre implicitement l'effet de purge des plus-values par les mutations à titre gratuit : dès lors que le contribuable a acquitté des droits de mutation sur une valeur donnée, la plus-value réalisée par la suite doit être déterminée à partir de cette valeur. Autrement dit, un même gain ne peut être taxé deux fois, au titre des mutations à titre gratuit et des plus-values.

Ainsi, dans l'hypothèse d'un redressement de la valeur déclarée pour le calcul des droits d'enregistrement, l'intéressé pourra obtenir un dégrèvement au titre de la plus-value de cession réalisée par la suite.

Il reste à rappeler l'importance pour les contribuables de déclarer les dons manuels de valeurs mobilières ou droits sociaux dont ils bénéficient. Le Conseil d'Etat a, en effet, rappelé que, faute de déclaration par le contribuable, aucune valeur n'a été retenue pour la détermination des droits de mutation et l'administration fiscale peut affecter aux titres acquis gratuitement une valeur nulle à moins que le contribuable qui les a recueillis ne soit en mesure de justifier de leur valeur d'acquisition à la date de cette acquisition (CE 9° et 10° s-s-r., 27 avril 2006, n° 270443, Betz, RJF, 7/06, n° 853).

  • Une société qui met à la disposition de son gérant et associé majoritaire un château, afin qu'il y exerce son métier lors de ses brefs séjours en France, et qui lui fournit des équipements techniques très limités, ne dispose pas d'une implantation en France (CE 3° s-s., 14 octobre 2011, n° 325406, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A7411HY7)

Dans cette décision rendue le 14 octobre 2011, le Conseil d'Etat a été amené à préciser sa jurisprudence sur la notion d'"entreprise exploitée en France", au sens de l'article 209 du CGI (N° Lexbase : L1291IRA), qui est redevable, en tant que telle, de l'impôt sur les sociétés en l'absence de convention fiscale applicable.

Au cas particulier, l'administration fiscale française avait exercé son droit de visite (fondé sur l'article L. 16 B du LPF N° Lexbase : L0549IHS) dans un château situé dans le Lot, appartenant à une personne physique domiciliée en Côte d'Ivoire, par ailleurs gérante et principale associée d'une société basée à Jersey, exerçant une activité d'intermédiaire pour des opérations de négoce international de denrées alimentaires entre des sociétés d'Europe du Nord et des sociétés d'Afrique de l'Ouest.

Se fondant sur les documents saisis à cette occasion, l'administration fiscale avait considéré que la société en question, qui ne disposait à Jersey que de son siège social, sans y exercer d'activité, exploitait bien une entreprise en France, ce qui la rendait, en l'absence de convention fiscale conclue entre la France et Jersey, à l'époque des faits, imposable à l'impôt sur les sociétés.

Sur le fondement des mêmes éléments factuels, l'administration avait, par ailleurs, considéré que la société disposait d'un établissement stable en France au sens de l'article 259 du CGI, et lui avait aussi notifié des rappels de TVA.

Ce raisonnement, tant au regard de l'IS qu'au regard de la TVA, avait, semble-t-il, été adopté par la cour administrative d'appel de Bordeaux (CAA Bordeaux, 4ème ch., 18 décembre 2008, n° 06BX01084, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A6751EMY), laquelle, selon les termes de la décision du Conseil d'Etat, avait retenu que le nombre et l'importance des opérations commerciales effectuées par le gérant depuis son château devaient, nonobstant leur caractère discontinu, faire regarder la société comme une entreprise exploitée en France.

Il apparaît donc que c'est au regard du volume et de l'importance des transactions réalisées par la société pendant les périodes où son gérant résidait dans le château que l'administration fiscale a considéré qu'était caractérisée une entreprise imposable à l'impôt sur les sociétés et un établissement stable passible de la TVA.

Se fondant sur une inexacte qualification des faits, le Conseil d'Etat a annulé l'arrêt de la cour administrative d'appel et, tranchant l'affaire au fond, a, pour sa part, relevé que la société considérée n'employait au sein du château aucun personnel propre et ne mettait à disposition de son dirigeant que des équipements techniques très limités, destinés à lui permettre, lors de ses brefs séjours dans sa résidence de vacances, le suivi des activités de la société, ce qui faisait ainsi obstacle à la caractérisation tant d'une entreprise passible de l'impôt sur les sociétés que d'un établissement stable redevable de la TVA.

Ce faisant, la Haute juridiction a, de notre point de vue, fort opportunément rappelé, de façon implicite mais néanmoins claire que la caractérisation d'un établissement permettant d'asseoir de l'IS ou de la TVA en France suppose l'existence d'un "établissement" qui se caractérise, selon l'administration fiscale elle-même d'ailleurs (D. adm. 4-H-1412 n° 6 à 8), par une installation matérielle possédant une certaine permanence et doté d'une réelle autonomie, celle-ci étant généralement révélée par la présence d'un personnel distinct.

Or, en l'état des seuls éléments qui ressortent de l'arrêt précité, il apparaît que le gérant ne disposait que de moyens techniques très limités (que l'on imagine constitués, tout au plus, par une ligne de téléphone/télécopie et d'un ordinateur), mis à sa disposition par sa société basée à Jersey afin qu'il puisse rester en contact avec celle-ci et ses clients lors de séjours au sein de son château, que le Conseil d'Etat prend soin de désigner comme étant brefs et opérés à titre de vacances.

A l'inverse, le volume ou l'importance des opérations réalisées n'ont, à notre connaissance, jamais été retenus, ni par la doctrine administrative ni par la jurisprudence, comme un critère de caractérisation d'un établissement au sens de l'article 209 du CGI.

Il est certes admis que l'exercice habituel d'une activité en France caractérise une entreprise implantée en France, mais l'exercice d'une telle activité suppose l'existence d'un "établissement" et donc de moyens d'exploitation stables et autonomes qui, en l'espèce, faisaient manifestement défaut.

Il est par ailleurs vrai qu'au cas particulier la circonstance que le gérant de la société ne faisait que de brefs séjours en France a nécessairement joué un rôle dans la solution adoptée par le Conseil d'Etat, laquelle aurait sans doute pu être différente si le gérant était fiscalement domicilié en France et y gérait en permanence l'activité de la société basée à Jersey.

En tout état de cause, la solution adoptée par le Conseil d'Etat, qui se rapproche de la définition de l'établissement stable adoptée par la plupart des conventions fiscales, nous semble parfaitement logique et apporte une sécurité juridique bienvenue pour l'ensemble des dirigeants de sociétés étrangères qui effectuent régulièrement des séjours en France, notamment dans le cadre de leurs vacances, tout en restant en contact étroit avec leur entreprise.


(1) Dans la rédaction issue de l'article 18 de la loi 2003-1311 du 30 décembre 2003, de finances pour 2004 (N° Lexbase : L6348DM3), l'article 759 du CGI précise que pour les successions, les valeurs mobilières françaises et étrangères admises aux négociations sur un marché réglementé peuvent être évaluées, soit d'après la moyenne des trente derniers cours qui précèdent le décès, soit d'après le cours moyen au jour du décès. En matière de donation, les valeurs mobilières continuent d'être évaluées uniquement d'après le cours moyen au jour de la donation (i.e. moyenne du cours le plus haut et du cours le plus bas de la séance considérée ou cours unique s'il n'y a qu'un cours).

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