Réf. : Cass. com., 11 décembre 2019, n° 18-15.369, FS-P+B (N° Lexbase : A1495Z8U)
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par Jérôme Lasserre Capdeville
le 20 Décembre 2019
► D’une part, l’établissement de crédit qui n’a pas porté à la connaissance d’un client auquel il ouvre un compte le prix de ses différents services n’est pas déchu du droit de percevoir le prix de ses prestations et les frais y afférents, dès lors qu’il a, a posteriori, recueilli l’accord du client sur son droit à̀ leur perception et sur leur montant, un tel accord pouvant résulter, pour l’avenir, de l’inscription d’opérations semblables dans un relevé dont la réception par le client n’a été suivie d’aucune protestation ou réserve de sa part ;
► D’autre part, le coût de l’étude litigieuse, réalisée à la seule initiative d’une société cliente dans le but de vérifier le calcul du TEG du crédit dont elle bénéficiait, ne constitue pas une suite immédiate et directe de la faute de la banque à l’origine du préjudice dont elle demande réparation et ne peut être mis à la charge de la banque qu’en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L1253IZG).
Tels sont les enseignements d’un arrêt de la Cour de cassation du 11 décembre 2019 (Cass. com., 11 décembre 2019, n° 18-15.369, FS-P+B N° Lexbase : A1495Z8U).
Selon l’article R. 312-1, alinéa 2, du Code monétaire et financier (N° Lexbase : L5016HCR),dans sa rédaction antérieure à celle du décret n° 2018-229 du 30 mars 2018 (N° Lexbase : L9246LIB), «lorsqu'ils ouvrent un compte, les établissements de crédit doivent informer leurs clients sur les conditions d'utilisation du compte, le prix des différents services auxquels il donne accès et les engagements réciproques de l'établissement et du client». Il est peu fréquent que cette disposition soit précisée par une décision de justice. C’est le cas ici.
L’affaire. Le 13 février 2007, la société LS avait ouvert un compte courant auprès de la banque A., qui lui avait consenti une ouverture de crédit par découvert. Reprochant à la banque d’avoir mentionné, pour les intérêts perçus sur ce crédit, un taux effectif global (TEG) erroné, la société en question l’avait assignée afin de voir prononcer la déchéance de tous les intérêts conventionnels prélevés sur son compte, la substitution du taux légal au taux conventionnel, la restitution de la somme trop perçue et la condamnation de la banque à lui payer des dommages-intérêts. Elle avait en outre, en cause d’appel, également demandé la condamnation de la banque à lui rembourser les frais et commissions prélevés, selon elle indûment, sur son compte.
Deux solutions notables sont à relever.
Première solution.
L’arrêt d’appel. En premier lieu, la cour d’appel de Caen (CA Caen, 8 février 2018, n° 14/01863 N° Lexbase : A8672XC8) avait condamné la banque à restituer à la société LS la somme de 7 168,76 euros prélevée sur son compte à titre de commissions et frais. Pour ce faire, les juges du fond avaient d’abord rappelé le contenu des stipulations de l’article 10 des conditions générales de la convention de compte courant consacré aux intérêts, commissions et frais, aux termes desquelles la banque était fondée à débiter au compte «les commissions de service, d’engagement ou d’avance, et tous frais de gestion conformément au tarif figurant à ses conditions générales de banque dont connaissance est donnée au client au moyen de dépliants mis à̀ sa disposition et par voie d’affichage dans les locaux de la banque […]». Ensuite, la cour d’appel avait retenu que la seule signature de ces conditions générales par la société LS ne suffisait pas à̀ la rendre débitrice des commissions et frais litigieux, dont il devait être démontré que le tarif avait été porté à sa connaissance selon l’un ou l’autre des moyens visés par les dispositions précitées et que, si elle l’affirmait, la banque ne produisait aucun justificatif au soutien de cette affirmation, et ne prouvait pas avoir porté ses conditions tarifaires à la connaissance de sa cliente par envoi postal avec le relevé de compte, par mise à disposition en agence ou par mise à disposition par internet.
La décision de la Cour de cassation. La Cour de cassation ne partage pas la solution des juges du fond. Elle pose alors un principe : l’établissement de crédit qui n’a pas porté à la connaissance d’un client auquel il ouvre un compte le prix de ses différents services n’est pas déchu du droit de percevoir le prix de ses prestations et les frais y afférents, dès lors qu’il a, a posteriori, recueilli l’accord du client sur son droit à leur perception et sur leur montant, un tel accord pouvant résulter, pour l’avenir, de l’inscription d’opérations semblables dans un relevé dont la réception par le client n’a été suivie d’aucune protestation ou réserve de sa part, et qu’il en est ainsi même lorsque la convention de compte stipule que les conditions de banque et son tarif seront portés à la connaissance du client par des moyens spécifiques, une telle convention n’excluant pas un accord tacite postérieur du client. Dès lors, la cour d’appel, qui n’a pas recherché si les commissions et frais litigieux avaient été perçus avant que la société LS n’ait connu, par des inscriptions sur ses relevés de compte, les exigences de la banque à cet égard pour des opérations semblables, a privé sa décision de base légale.
Seconde solution.
L’arrêt d’appel. En second lieu, pour condamner la banque à payer à la société LS à une certaine somme correspondant au coût de l’étude du cabinet auquel elle avait eu recours pour établir l’erreur affectant le taux effectif global du crédit (TEG) par découvert et dont les conclusions avaient justifié l’organisation de l’expertise judiciaire, la cour d’appel de Caen avait estimé que la société en question avait dû exposer ces frais pour la défense de ses intérêts et qu’elle était donc fondée à en demander le remboursement par la banque.
La décision de la Cour de cassation. Cette solution n’est cependant pas non plus partagée par la Haute juridiction. Selon cette dernière, en statuant de la sorte, alors que le coût de l’étude litigieuse, réalisée à la seule initiative de la société LS dans le but de vérifier le calcul du TEG du crédit dont elle bénéficiait, ne constituait pas une suite immédiate et directe de la faute de la banque à l’origine du préjudice dont elle demandait réparation et ne pouvait être mis à la charge de la banque qu’en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, sur lesquelles il avait été statué par ailleurs, la cour d’appel a violé l’article 1147 du Code civil (N° Lexbase : L0866KZ4) dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance du 10 février 2016 (N° Lexbase : L4857KYK).
Au final, la Cour de cassation casse et annule la décision des juges du fond, mais uniquement en ce qu’ils avaient condamné la banque à payer à la société LS la somme de 7 168,76 euros au titre des commissions et frais indûment prélevés et la somme de 5 980 euros au titre du coût de l’étude d’un cabinet de conseils.
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