Le Quotidien du 30 septembre 2019 : Aides d'Etat

[Brèves] Aides d’Etat : le préjudice constitué de la perte de chance de bénéficier d’un tarif procédant d’une aide d’Etat illégale n’est pas réparable

Réf. : Cass. com., 18 septembre 2019, n° 18-12.601, FS-P+B+R (N° Lexbase : A3199ZP8)

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N0502BYA

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[Brèves] Aides d’Etat : le préjudice constitué de la perte de chance de bénéficier d’un tarif procédant d’une aide d’Etat illégale n’est pas réparable. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/53813107-breves-aides-detat-le-prejudice-constitue-de-la-perte-de-chance-de-beneficier-dun-tarif-procedant-du
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par Vincent Téchené

le 25 Septembre 2019

► Un préjudice constitué de la perte de la chance de bénéficier d’un tarif procédant d’une aide d’Etat illégale n’est pas réparable.

Tel est le principal enseignement d’un arrêt rendu par la Chambre commerciale de la Cour de cassation le 18 septembre 2019 (Cass. com., 18 septembre 2019, n° 18-12.601, FS-P+B+R N° Lexbase : A3199ZP8).

En l’espèce, reprochant à EDF de n'avoir pas respecté son obligation de leur transmettre une convention de raccordement dans le délai maximal de trois mois à compter de leur demande de raccordement de leur installation de production d'électricité d'origine photovoltaïque à ce réseau, une société et sa société-mère l'ont assignée en réparation du préjudice résultant de la perte de la chance de réaliser les gains qu'aurait permis l'application des tarifs alors en vigueur et dont elles n'ont pu bénéficier en raison de leur soumission au régime du moratoire instauré par le décret du 9 décembre 2010 (décret n° 2010-1510 N° Lexbase : L8796IN4), les obligeant à présenter une nouvelle demande sur la base de tarifs inférieurs. Leurs demandes ayant été rejetées les sociétés se sont pourvues en cassation.

La Cour de cassation, procédant à une substitution de motifs, censure l’arrêt d’appel (CA Paris, Pôle 5, 11ème ch., 10 novembre 2017, n° 15/13397 N° Lexbase : A4489WYW) nous offrant un raisonnement des plus détaillés.

Ainsi, elle énonce qu’il revient aux juridictions nationales de sauvegarder les droits que les particuliers tirent de l’effet direct de l’article 108, paragraphe 3, du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (N° Lexbase : L2405IPR), en examinant si les projets tendant à instituer ou à modifier des aides d’Etat n’auraient pas dû être notifiés à la Commission européenne, avant d’être mis à exécution, et de tirer toutes les conséquences de la méconnaissance par les autorités nationales de cette obligation de notification, qui affecte la légalité de ces mesures d’aides (sur cette affirmation, v. également du même jour, Cass. com., 18 septembre 2019, n° 18-12.657, FS-P+B N° Lexbase : A2990ZPG ; lire N° Lexbase : N0501BY9).

La Cour poursuit qu’il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne (la CJUE) qu’une mesure d’aide au sens de l’article 107, paragraphe 3, du TFUE (N° Lexbase : L2404IPQ), mise à exécution en méconnaissance des obligations découlant de l’article 108, paragraphe 3, du TFUE est illégale et qu’une décision de la Commission européenne déclarant une aide d'Etat non notifiée compatible avec le marché intérieur n’a pas pour conséquence de régulariser, a posteriori, les actes d’exécution, qui sont invalides du fait qu’ils ont été pris en méconnaissance de l’interdiction visée à l’article 108, paragraphe 3, du TFUE (CJCE, 21 novembre 1991, aff. C-354/90 N° Lexbase : A9575AU8 ; CJCE, 5 octobre 2006, aff. C-368/04, point 41 N° Lexbase : A3997DRH ; CJUE, 23 janvier 2019, aff. C-387/17, point 59 N° Lexbase : A8616YTB).

Or, aux termes de l’article 107, paragraphe 1, du TFUE, constituent des aides d'Etat, dans la mesure où elles affectent les échanges entre Etats membres, les aides accordées par les Etats ou au moyen de ressources d'Etat, sous quelque forme que ce soit, qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions.

Un mécanisme de compensation intégrale des surcoûts imposés à des entreprises en raison d’une obligation d’achat de l’électricité d’origine photovoltaïque à un prix supérieur à celui du marché, dont le financement est supporté par tous les consommateurs finals d’électricité sur le territoire national, tel que celui résultant de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 (N° Lexbase : L4327A3N), modifiée par la loi n° 2006-1537 du 7 décembre 2006 (N° Lexbase : L6723HT8), constitue une intervention au moyen de ressources d’Etat au sens de l’article 107, paragraphe 1, du TFUE. En outre, l’arrêté du 12 janvier 2010 (N° Lexbase : L2375IPN) ayant pour effet d’obliger la société EDF à acquérir l’électricité produite par les installations utilisant l’énergie radiative solaire à un prix supérieur à sa valeur de marché, dans le cadre de référence du marché libéralisé de l’électricité au sein de l’Union européenne, favorisait, de manière sélective, les producteurs de l’électricité ayant cette origine. Ensuite, l’électricité de source photovoltaïque ayant vocation à se substituer à l’électricité produite par d’autres moyens technologiques et le marché de l’électricité ayant été libéralisé, ce régime d’aide était de nature à affecter les échanges entre Etats membres et à fausser la concurrence au détriment d’autres entreprises productrices d’électricité. Par conséquent, pour la Cour de cassation, il en résulte que le mécanisme d‘obligation d’achat par la société EDF de l’électricité photovoltaïque à un prix supérieur à celui du marché, mis en exécution par l’arrêté du 12 janvier 2010, constituait une aide d’Etat. Et, ce dispositif ne peut bénéficier du Règlement n° 800/2008 du 6 août 2008 (N° Lexbase : L3848IGM), qui prévoit l’exemption de notification, sous conditions, de certaines aides d’Etat, dès lors que l’article 23 réserve l’exemption aux aides environnementales en faveur des investissements dans la promotion de l'énergie produite à partir de sources d'énergie renouvelables, excluant ainsi les aides au fonctionnement, telles que l’aide litigieuse, qui garantit l’achat d’électricité à un prix supérieur à celui du marché. Il ne peut non plus bénéficier de l'exemption de notification prévue par les Règlements de minimis n° 1998/2006 (N° Lexbase : L1322HUI), puis n° 1407/2013 (N° Lexbase : L6868IYZ), dont l'article 2.4 du premier et 4 du second réservent cet avantage aux aides dites transparentes, c'est-à-dire pour lesquelles il est possible de calculer précisément et préalablement l'équivalent-subvention brut, sans qu'il soit nécessaire d'effectuer une analyse du risque, excluant ainsi les aides au montant préalablement indéterminé, telles les aides litigieuses. Or, ce mécanisme, mis en oeuvre dans les conditions définies par l’arrêté du 12 janvier 2010, n’a pas été notifié à la Commission européenne, préalablement à sa mise en exécution, dans les formes prévues par le Règlement n° 784/2004 (N° Lexbase : L1743DY9), de sorte que l’aide est illégale.

La Cour en conclut donc que les pétitionnaires ne sont pas fondés à invoquer un préjudice constitué de la perte de la chance de bénéficier d’un tarif procédant d’une aide d’Etat illégale, un tel préjudice n’étant pas réparable.

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