Réf. : CA Paris, Pôle 1, 3ème ch., 28 novembre 2018, n° 17/19759 (N° Lexbase : A3014YNX)
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N6699BXE
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par Vincent Téchené
le 05 Décembre 2018
► L'information donnée au public sur la mise en cause pénale d'une personne et sa condamnation définitive participe du droit à l'information, particulièrement lorsqu'il s'agit d'infractions pénales sérieuses, qui fait obstacle à la demande de déréférencement, formée par l’auteur de l’infraction, d’un article mis en ligne par le site web d’un journal. Tel est le sens d’un arrêt rendu par la cour d’appel de Paris le 28 novembre 2018 (CA Paris, Pôle 1, 3ème ch., 28 novembre 2018, n° 17/19759 N° Lexbase : A3014YNX).
En l’espèce, une personne a fait assigner en référé devant le président du TGI de Paris la société Google aux fins de déréférencement de liens internet URL renvoyant à un article publié sur le site web d’un journal relatant une affaire de proxénétisme et d'escroquerie pour laquelle elle avait été condamné. L'intéressé soutient que (i) les informations contenues dans les articles litigieux contribuent à nourrir une véritable «E-réputation» donnant de lui une image dégradée ; (ii) et que le traitement de ses données personnelles par le biais des référencements Google constitue une atteinte manifeste et caractérisée à sa vie privée, contrevenant à son légitime droit à l'oubli alors que l'article relate une affaire définitivement jugée il y a près de dix ans ayant donné lieu depuis lors à une condamnation devenue non avenue, que son casier judiciaire est vierge (bulletin numéro 3), ne répondant à aucun intérêt légitime d'information du public.
La cour d’appel rappelle qu’en de telles circonstances, il convient de concilier les droits fondamentaux à la vie privée et à la protection des données à caractère personnel avec les droits fondamentaux à la liberté d'expression et d'information.
Elle retient ensuite que l'information donnée au public sur la mise en cause pénale d'une personne et sa condamnation définitive participe du droit à l'information, particulièrement lorsqu'il s'agit d'infractions pénales sérieuses ce qui est le cas en l'espèce, les faits reprochés touchant à la mise en place par l’intéressé d'un réseau de prostituées à son domicile. Or, ajoute la cour, si toutes les informations relatives à une personne sont des données à caractère personnel, elles ne relèvent pas toutes de la sphère privée protégée. L'information communiquée quant à la mise en examen de l’intéressé pour cette infraction ne constitue pas une atteinte à sa vie privée s'agissant de la relation de faits publics et participe du droit du public à être informé dans le temps de l'événement mais également au-delà, le délai de neuf années n'apparaissant pas si important.
En outre, le fait que le bulletin n° 3 de son casier judiciaire porte la mention «néant» ne permet pas de considérer que les données sont devenues non pertinentes ou obsolètes. De la même façon, le fait que la condamnation soit devenue non-avenue ne la fait pas disparaître du bulletin n° 1 du casier judiciaire et peut constituer le premier terme d'une récidive légale, de sorte que cet élément n'est pas davantage de nature à remettre en cause le droit à l'information du public. La cour relève encore que l'article dont il s'agit n'évoque pas la condamnation mais la mise en examen et sous écrou ; ainsi les arguments relatifs à la disparition de la condamnation intervenue ultérieurement sont en toute hypothèse, inopérants.
Le fait que le maintien de ce lien soit de nature à nuire à sa réputation ne peut davantage être opérant s'agissant d'une conséquence prévisible de la commission d'infraction pénale à laquelle l’intéressé s'est lui-même exposé en commettant les faits relatés.
Il n’est dès lors pas démontré que le traitement des données relatives à cette affaire mettant en cause l’intéressé soit devenu, avec l'évidence requise en référé, inadéquat ou inopérant au regard du droit fondamental d'information et du droit fondamental au respect de sa vie privée et à la protection de ses données personnelles.
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