Dans un arrêt du 21 juillet 2011, la CEDH juge que la différence de traitement entre un enfant naturel et des enfants légitimes n'est pas toujours discriminatoire (CEDH, 21 juillet 2011, Req. 16574/08
N° Lexbase : A0630HWA). En l'espèce, la Cour note que c'est sur la base des dispositions transitoires des lois n° 72-3 du 3 janvier 1972 (
N° Lexbase : L3763IMC) et n° 2001-1135 du 3 décembre 2001 (
N° Lexbase : L0288A33) que les juridictions françaises ont refusé à M. F. le droit de remettre en cause la donation-partage consentie aux enfants légitimes de sa mère. Elle poursuit en disant que les autorités jouissent d'une grande latitude dans l'examen des divers droits et intérêts concurrents et qu'elle n'est pas appelée, en principe, à régler des différends purement privés. Cela étant, dans l'exercice du contrôle européen qui lui incombe, la Cour ne saurait rester inerte lorsque l'interprétation faite par une juridiction nationale d'un acte juridique apparaît comme étant déraisonnable, arbitraire ou discriminatoire. S'agissant du cas de M. F., la Cour relève que lorsque l'intéressé a introduit l'action en réduction de la donation-partage en 1998, il existait une situation juridique acquise depuis 1970 (donation-partage des biens appartenant aux époux M. à leurs deux enfants légitimes). Comme l'ont jugé les juridictions internes, l'exclusion de la remise en cause des donations entre vifs consenties avant l'entrée en vigueur de la loi de 1972 se justifiait par la garantie du principe de sécurité juridique que ces donations appelaient. La cour d'appel a ainsi jugé que l'article 14 de la loi de 1972, qui n'a pas été abrogé par la loi de 2001, présentait une justification objective et raisonnable au regard du but légitime poursuivi, à savoir une certaine paix des rapports familiaux en sécurisant des droits acquis dans ce cadre, parfois de très longue date. La Cour de cassation s'est également fondée sur le fait que le partage successoral entre les deux enfants légitimes, lors du décès de la mère, était intervenu avant l'entrée en vigueur de la loi de 2001 pour en déduire que les dispositions de cette loi relatives aux nouveaux droits successoraux des enfants naturels n'étaient pas applicables à M. F. Selon la Cour, cette interprétation des dispositions transitoires poursuit le but légitime de garantir le principe de sécurité juridique. A l'inverse de l'affaire "Mazurek" (CEDH, 1er février 2000, Req. 34406/97
N° Lexbase : A7786AWB), dans laquelle le partage successoral n'était pas encore réalisé, la Cour estime que la différence de traitement entre M. F. et les enfants légitimes de sa mère était proportionnée à ce but. En conséquence, la Cour est d'avis que les juridictions nationales, en appliquant les dispositions transitoires des lois de 1972 et de 2001, ont correctement mis en balance, d'une part, les droits acquis de longue date par les enfants légitimes des époux M. et, d'autre part, les intérêts pécuniaires du requérants.
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