Réf. : Cass. soc., 12 juillet 2018, n° 16-26.844, FS-P+B+R (N° Lexbase : A9624XXQ)
Lecture: 3 min
N5162BXH
Citer l'article
Créer un lien vers ce contenu
par Blanche Chaumet
le 25 Juillet 2018
► L'accord collectif du 10 juillet 2013, en instaurant le contrat à durée indéterminée intérimaire permettant aux entreprises de travail temporaire d'engager, pour une durée indéterminée, certains travailleurs intérimaires, crée une catégorie nouvelle de contrat de travail, dérogeant aux règles d'ordre public absolu qui régissent, d'une part, le contrat de travail à durée indéterminée, d'autre part le contrat de mission, et fixe, en conséquence, des règles qui relèvent de la loi. Telle est la solution dégagée par la Chambre sociale de la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 12 juillet 2018 (Cass. soc., 12 juillet 2018, n° 16-26.844, FS-P+B+R N° Lexbase : A9624XXQ).
En l’espèce, le syndicat Prism'emploi, la fédération CFDT services, la fédération CFTC commerce, services et force vente (CFTC CSFV) et la Fédération nationale de l'encadrement du commerce et des services CFE-CGC (FNECS CFE-CGC) ont, le 10 juillet 2013, conclu un accord de branche. Ce dernier portait sur la sécurisation des parcours professionnels des salariés intérimaires, et prévoyait la possibilité, pour les entreprises de travail temporaire, de conclure avec certains de leurs salariés intérimaires un contrat de travail à durée indéterminée intérimaire couvrant l'exécution de l'ensemble des missions qui leur sont confiées, ainsi que les périodes «d'intermission», pendant lesquelles les intéressés demeurent disponibles pour l'exécution de nouvelles missions et perçoivent une garantie minimale de rémunération. Cet accord a fait l'objet d'un arrêté d'extension du ministre du Travail, de l'Emploi, de la Formation professionnelle et du Dialogue social du 22 février 2014.
Saisi d'un recours en excès de pouvoir à l'encontre de l'arrêté d'extension du 22 février 2014, le Conseil d'Etat a, par arrêt du 27 juillet 2015, sursis à statuer jusqu'à ce que le tribunal de grande instance de Paris se soit prononcé sur le point de savoir si les parties à l'accord du
10 juillet 2013 avaient compétence pour prévoir la conclusion d'un contrat à durée indéterminée pour l'exécution de missions de travail temporaire.
Pour dire que les organisations en cause avaient compétence pour négocier l'ensemble des éléments constitutifs de l'accord collectif de branche conclu le 10 juillet 2013, le tribunal de grande instance retient que :
- le champ normatif de l'accord n'excède pas en soi la limite fixée à l'article 34 de la Constitution du 4 octobre 1958 concernant notamment les principes fondamentaux du droit du travail relevant de la compétence d'attribution réservée au législateur,
- les modalités particulières du contrat à durée indéterminée intérimaire ne font, en définitive, que décliner des obligations civiles préexistantes, qui par définition peuvent donc ne pas être strictement identiques à celles d'un contrat à durée indéterminée de droit commun ou des contrats de missions temporaires jusqu'ici pratiqués et qui relèvent d'un champ conventionnel bénéficiant d'une certaine liberté en complément ou en supplément de la loi, ce d'autant que la loi n° 2015-994 du 17 août 2015 a prévu, dans son article 56, des conditions d'expérimentation de ce même régime de contrat de travail à durée indéterminée intérimaire.
A la suite de ce jugement, la Confédération générale du travail Force ouvrière (CGT FO) et la Fédération des employés et cadres Force ouvrière (FEC FO) se sont pourvues en cassation.
En énonçant la solution susvisée, la Haute juridiction casse le jugement au visa de l'article 34 de la Constitution du 4 octobre 1958 (N° Lexbase : L0860AHC), en précisant, dans un attendu de principe, qu’il est loisible au législateur, après avoir défini les droits et obligations touchant aux conditions et aux relations de travail, de laisser aux employeurs et aux salariés, ou à leurs organisations représentatives, le soin de préciser, notamment par la voie de la négociation collective, les modalités concrètes d'application des normes qu'il édicte (cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E6008EXS).
© Reproduction interdite, sauf autorisation écrite préalable
newsid:465162