Le principe
ne bis in idem peut être limité dans l'objectif de protéger les intérêts financiers de l'Union et les marchés financiers de celle-ci. Pour autant, cette limitation ne doit pas excéder ce qui est strictement nécessaire pour atteindre ces objectifs. Telle est la solution retenue, le 20 mars 2018, par la Cour de justice de l'Union européenne dans trois affaires relatives à la réglementation italienne en matière de manipulations de marché (CJUE, 20 mars 2018, aff. C-537/16
N° Lexbase : A2863XHI, C-596/16 et C-597/16
N° Lexbase : A2864XHK).
Dans ces trois affaires, il est demandé à la Cour de justice d'interpréter ce principe dans le cadre notamment de la Directive sur les marchés financiers (Directive (CE) 2003/6 du Parlement européen et du Conseil du 28 janvier 2003, sur les opérations d'initiés et les manipulations de marché
N° Lexbase : L8022BBQ dite Directive "abus de marché").
Dans l'affaire C-537/16, la Cour observe, sous réserve de vérification de la part du juge national, que la réglementation italienne sanctionnant les manipulations de marché ne semble pas respecter le principe de proportionnalité. En effet, celle-ci autorise la poursuite d'une procédure administrative de nature pénale pour les mêmes faits objet d'une condamnation pénale réprimant l'infraction de manière effective, proportionnée et dissuasive. Dans ces conditions, une double sanction excèderait ce qui est strictement nécessaire pour réaliser l'objectif de protection des marchés.
Dans les affaires jointes C-596/16 et C-597/16, une procédure pénale et une procédure administrative ont été menées parallèlement. La première conclut que les opérations d'initiés ne sont pas établies. L'autorité de la chose jugée de ce jugement pénal définitif de relaxe interdit, selon le droit procédural national, la poursuite de la procédure administrative au titre des mêmes faits.
Dans ce contexte, la juridiction italienne demande à la Cour, à la lumière du principe
ne bis in idem, d'apprécier si la réglementation nationale s'oppose aux dispositions de la Directive sur les marchés financiers qui impose aux Etats l'obligation de prévoir des sanctions administratives effectives, proportionnées et dissuasives pour les violations de l'interdiction des opérations d'initiés.
La Cour rappelle qu'une telle réglementation nationale n'est pas contraire au droit de l'Union, compte tenu de l'importance du principe de l'autorité de la chose jugée notamment dans l'ordre juridique de l'Union. Puis, elle précise que lorsqu'il existe un jugement pénal définitif de relaxe constatant l'absence d'infraction, la poursuite d'une procédure de sanction administrative pécuniaire de nature pénale serait incompatible avec le principe
ne bis in idem, et dépasserait manifestement ce qui est nécessaire pour la sauvegarde de l'intégrité des marchés financiers de l'Union et la confiance du public dans les instruments financiers.
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